Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1600401 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2018, M. et Mme B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en subordonnant le bénéfice du dispositif de l'article 151 septies A du code général des impôts au respect de la condition formelle de transmission de l'office de notaire et de retrait par arrêté de radiation du ministre de la justice, l'administration ajoute une condition qui n'est prévue par aucun texte et qui serait de nature à créer une différence de traitement non justifiée entre les contribuables ne relevant pas du même secteur d'activité ; la condition de cessation d'activité est remplie dès lors que M. B... a cessé toute activité au sein de la société civile professionnelle Joël B... et Gwenolé B... et renoncé à toute rémunération à compter du 15 septembre 2012, soit dans un délai de 24 mois suivant la cession du 16 septembre 2010 ; ils se prévalent des points 88 et 89 de l'instruction BOI 4 B-2-07 du 20 mars 2007 ;
- le retard pris par les services de la Chancellerie dans l'instruction de la demande d'agrément du retrait de M. B... constitue un événement réunissant les conditions d'extériorité, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité et qui doit être qualifié de cas de force majeure ;
- la remise en cause de l'exonération prévue à l'article 151 septies A du code général des impôts leur a imposé une charge excessive du fait du retard de l'action administrative du ministère de la justice dans la publication de l'arrêté prenant acte du retrait de M. B... et rompt le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, en méconnaissance du droit au respect des biens tel que prévu à l'article premier du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le courrier de la direction générale des finances publiques, adressé au conseil supérieur du notariat le 20 septembre 2016, fait état de la possibilité d'une demande d'application mesurée de la loi fiscale dans l'hypothèse où un notaire serait dans l'impossibilité de respecter le délai de deux ans entre la cession de son activité et son départ à la retraite pour des motifs ne résultant pas de son fait.
Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi du 28 avril 1816 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une proposition de rectification du 9 avril 2014, l'administration fiscale a remis en cause, au motif que la cessation d'activité de M. B... n'était pas intervenue dans un délai de vingt-quatre mois, le bénéfice de l'exonération de plus-value professionnelle, prévue à l'article 151 septies A du code général des impôts, dont M. et Mme B... s'étaient prévalus à l'occasion de la cession, le 16 septembre 2010, par M. B..., de 2 124 parts de la société civile professionnelle (SCP) Joël B... et Gwenolé B.... Après procédure contradictoire et rencontres avec le supérieur hiérarchique et l'interlocuteur départemental, la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu résultant de cette remise en cause a été mise en recouvrement, le 31 décembre 2014, pour un montant en droits de 43 964 euros. Après le rejet implicite de leur réclamation préalable, M. et Mme B... ont sollicité auprès du tribunal administratif de Rennes la décharge de cette imposition. Ils relèvent appel du jugement du 13 décembre 2017 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.
2. Aux termes de l'article 151 septies A du code général des impôts : " I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, autres que celles mentionnées au III, réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, sont exonérées lorsque les conditions suivantes sont réunies : (...) 3° Le cédant cesse toute fonction dans l'entreprise individuelle cédée ou dans la société ou le groupement dont les droits ou parts sont cédés et fait valoir ses droits à la retraite, dans les deux années suivant ou précédant la cession ; (...) ".
3. En premier lieu, la radiation, emportant cessation de toute fonction, d'un notaire étant soumise à l'agrément du ministre de la justice, c'est à bon droit que l'administration fiscale a retenu, afin de déterminer si la condition de cessation de fonction dans les deux années suivant la cession prévue par les dispositions du 3° de l'article 151 septies A du code général des impôts était remplie, que le retrait de M. B... n'avait été accepté que par arrêté du 4 octobre 2012, publié le 16 octobre 2012 au Journal officiel de la République française. Ce faisant, elle n'a pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, qui ne sont pas fondés à se prévaloir des points 88 et 89 de l'instruction référencée 4 B-2-07 du 20 mars 2007, qui ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application, irrégulièrement ajouté une condition à la loi.
4. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la cessation d'activité de M. B... est intervenue postérieurement au 16 septembre 2012. Par conséquent, la condition de délai prévue par les dispositions du 3° de l'article 151 septies A du code général des impôts n'était pas remplie.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'alors que la cession du solde des parts de M. B... est intervenue le 7 mars 2012, ce n'est que le 4 octobre 2012 que, par arrêté, le ministre de la justice, saisi d'une demande d'agrément le 6 juillet 2012, a nommé Mme C... notaire associée et accepté le retrait de M. B.... Les requérants soutiennent que le retard des services du ministre de la justice dans l'instruction de leur demande d'agrément est constitutif d'un cas de force majeure justifiant du non-respect du délai de deux ans qui s'achevait le 16 septembre 2012. Toutefois, alors que M. B... avait informé, le 10 avril 2012, la caisse de retraite des notaires de la cession du solde de ses parts de la société civile professionnelle dans laquelle il était associé et de son souhait de prendre sa retraite au plus tard le 15 septembre 2012, les services du ministre de la justice n'ont été saisis de la demande d'agrément que le 6 juillet 2012, soit dix-sept semaines après la cession. Par ailleurs, si ces services faisaient mention, dans le courrier du 6 juillet 2012, d'un délai prévisionnel d'instruction de la demande d'agrément de huit semaines, qui n'a effectivement pas été respecté, et demandaient de ne pas contacter téléphoniquement le bureau des officiers ministériels et de la déontologie, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. B... ait alerté, par écrit, soit lors du dépôt de la demande soit à l'approche de la date du 16 septembre 2012, ce bureau des contraintes liées au respect de cette échéance. Dans ces conditions, la circonstance que l'arrêté portant retrait de M. B... est intervenu après le 16 septembre 2012 résulte à la fois d'une saisine tardive des services du ministère de la justice et d'une instruction plus longue que la durée prévisionnelle annoncée par ces services, sans toutefois que M. B... se soit manifesté auprès d'eux pour attirer leur attention sur la nécessité que la décision intervienne avant cette date. Par suite, les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que le non-respect de la condition de délai prévue par les dispositions du 3° de l'article 151 septies A du code général des impôts ne résulte que d'un événement extérieur, imprévisible et irrésistible.
6. En quatrième lieu, l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit notamment que : " Toute personne a droit au respect de ses biens et de jouir de leur propriété légalement acquise ". Ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, la remise en cause de l'exonération dont M. et Mme B... s'étaient prévalus sur le fondement de l'article 151 septies A du code général des impôts ne procède pas du seul non-respect de la durée prévisionnelle d'instruction de la demande d'agrément déposée auprès du ministère de la justice. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration fiscale leur a imposé une charge excessive et rompt le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.
7. En dernier lieu, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du courrier du 20 septembre 2016 adressé au conseil supérieur du notariat par la direction générale des finances publiques, qui est postérieur au délai de déclaration de l'imposition en cause.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par suite, leur requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés à l'instance, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.
Le rapporteur,
F. E...Le président,
F. BatailleLe greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 18NT003622