La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/01/2020 | FRANCE | N°19NT02529

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 janvier 2020, 19NT02529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E..., et Mme E..., son épouse, ont chacun demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 26 mars 2018 par lesquels le préfet du Loiret a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par deux jugements n°1802475 et 1802476 du 5 février 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la c

our :

I°) Par une requête, enregistrée le 28 juin 2019 sous le n° 19NT02529, M. D... E...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E..., et Mme E..., son épouse, ont chacun demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 26 mars 2018 par lesquels le préfet du Loiret a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par deux jugements n°1802475 et 1802476 du 5 février 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 28 juin 2019 sous le n° 19NT02529, M. D... E..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 26 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, subsidiairement de procéder à un réexamen de sa demande, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au profit de Me G... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas sérieusement examiné si sa situation personnelle lui permettait de bénéficier des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a étudié sa demande qu'en se référant aux dispositions de l'article L. 313-10 du même code ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet s'est limité à examiner la situation du marché de l'emploi de carreleur dans le Loiret ; il possède l'expérience et les qualifications qui lui auraient permis d'occuper l'emploi proposé dans le cadre de sa demande de titre de séjour ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ce refus de séjour méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant né en 2002 alors que celui-ci est engagé dans un cursus de formation professionnelle en France et n'a jamais été scolarisé ailleurs que dans ce pays ;

- l'illégalité du refus de titre de séjour entraîne, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire également prise à son encontre ;

- l'interdiction de retour d'une durée d'un an prise à son encontre emporte des conséquences disproportionnées sur sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2019 le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.

II°) Par une requête enregistrée le 28 juin 2019 sous le n° 19NT02530, Mme E..., représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 26 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, subsidiairement de procéder à un réexamen de sa demande, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au profit de Me G... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- sa situation particulière la rendait éligible aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre au séjour sur ce fondement ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ce refus de séjour méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant né en 2002 alors que celui-ci est engagé dans un cursus de formation professionnelle en France et n'a jamais été scolarisé ailleurs que dans ce pays ;

- l'illégalité du refus de titre de séjour entraîne, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire également prise à son encontre ;

- l'interdiction de retour d'une durée d'un an prise à son encontre emporte des conséquences disproportionnées sur sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2019 le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

M. D... E... et Mme F... E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 23 mai 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 19 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 13 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit

1. M. D... E... et Mme E..., son épouse, ressortissants brésiliens, sont entrés en France le 24 avril 2005. Mme E... a obtenu, sur la foi d'un faux document d'identité de ressortissant portugais détenu par son époux, une carte de résident de dix ans. Cette fraude ayant été découverte en 2012, M. D... E... a été condamné à une peine d'emprisonnement de 15 mois avec sursis. Par ailleurs, le couple a été condamné à rembourser aux organismes sociaux les prestations irrégulièrement perçues et l'administration a procédé au retrait immédiat du titre de séjour de Mme E.... Le couple a alors, à plusieurs reprises et à chaque fois en vain, sollicité la délivrance d'un titre de séjour. M. D... E... a, en dernier lieu, déposé en novembre 2015 une demande de titre de séjour " salarié ". La situation du couple a été examinée le 29 novembre 2017 par la commission du titre de séjour, laquelle a émis un avis favorable à la délivrance de titres de séjour, sous réserve du respect préalable de plusieurs conditions. Par deux arrêtés en date du 26 mars 2018, le préfet du Loiret a toutefois refusé d'admettre les intéressés au séjour en assortissant ses décisions d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour d'une durée d'un an. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, M. D... E... et Mme E... relèvent appel des jugements du 5 février 2019 par lesquels le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les requérants résidaient en France, à la date des arrêtés litigieux, depuis treize ans. M. D... E... ainsi que son épouse ont, durant cette longue période, occupé des emplois leur permettant de subvenir aux besoins de leur famille. Si pendant une certaine période, le couple n'a pu travailler que sur la foi d'un faux document d'identité de ressortissant portugais détenu par M. D... E..., ce dernier a été condamné pour ces faits qu'il regrette. De plus le couple a depuis lors manifesté à de multiples occasions sa volonté de s'intégrer dans la société française, et verse au dossier plusieurs attestations de responsables associatifs mentionnant la forte implication du couple dans des associations caritatives. En outre, leur fils Joao, né en 2002 au Brésil, a toujours fréquenté l'école française et préparait, à la date des arrêtés litigieux, un baccalauréat professionnel, cursus dans lequel il a obtenu de bons résultats. Il est également très impliqué dans un club de sport local. Enfin, M. D... E... a présenté à l'appui de sa demande de régularisation une promesse d'embauche émanant de l'entreprise qui l'avait déjà précédemment employé, répondant ainsi à la condition essentielle posée par la commission du titre de séjour pour lui permettre d'être autorisé au séjour. Eu égard à ce qui précède, et dans les circonstances particulières de l'espèce, les refus d'autoriser au séjour opposés par le préfet du Loiret à M. D... E... et Mme E... portent au droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ces refus et méconnaissent ainsi tant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que celles des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes de M. D... E... et Mme E..., que ces derniers sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Loiret du 26 mars 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Le présent arrêt, qui annule les refus de titre de séjour, les obligations de quitter le territoire français ainsi que les interdictions de retour sur le territoire français opposés à M. D... E... et Mme E..., implique, eu égard au motif qui fonde ces annulations, que le préfet procède à la délivrance des titres de séjour sollicités sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. D... E... et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me G... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements n°1802475 et 1802476 du 5 février 2019 du tribunal administratif d'Orléans ainsi que les arrêtés du 26 mars 2018 pris par le préfet du Loiret à l'encontre de de M. D... E... et de Mme E... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Loiret de délivrer à M. D... E... et à Mme E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me G... une somme globale de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... E..., à Mme F... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme H..., présidente-assesseure,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 janvier 2020.

Le rapporteur,

A. A...La présidente

N. H...

Le greffier

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19NT02529, 19NT02530 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02529
Date de la décision : 24/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DUPLANTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-24;19nt02529 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award