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24/01/2020 | FRANCE | N°18NT02764

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 janvier 2020, 18NT02764


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser une somme de 217 255,67 euros à parfaire en indemnisation des conséquences dommageables résultant du refus de l'Etat de l'affilier au régime général de sécurité sociale et au régime complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques pour la période courant de 1976 à 1992 au titre de l'exercice du mandat sanitaire dont il était titulaire.

Par un jugement n°1605258 du 22 mai 20

18, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à sa demande en l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser une somme de 217 255,67 euros à parfaire en indemnisation des conséquences dommageables résultant du refus de l'Etat de l'affilier au régime général de sécurité sociale et au régime complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques pour la période courant de 1976 à 1992 au titre de l'exercice du mandat sanitaire dont il était titulaire.

Par un jugement n°1605258 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à sa demande en l'indemnisant à hauteur de 105 456,19 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 juillet 2018 et le 6 septembre 2019 M. E..., représenté par la SCP D..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 22 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes en ce qu'il n'a pas fait droit à la totalité de sa demande ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 229 411,10 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal est insuffisamment motivé en ce qu'il ne précise pas les raisons pour lesquelles le vétérinaire aurait été tenu de reverser les sommes en cause aux organismes de retraite ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les sommes qu'il a condamné l'Etat à lui reverser devaient être reversées aux organismes de retraite ; il avait la libre disposition de ces sommes ;

- la date d'exécution par le ministre de l'ordonnance du juge des référés du 18 juin 2015 n'a pu être regardée comme la fin de la période de responsabilité de l'Etat ;

- la faute commise par l'Etat en ne l'affiliant pas aux organismes de retraite en raison de son mandat sanitaire emporte un droit à réparation intégrale de son préjudice ;

- il aurait dû affilié à compter du 17 mai 1976 ; dans le cas où il n'est pas possible de reconstituer le montant des salaires perçus, le calcul des cotisations non versées peut être effectué sur la base de l'assiette forfaitaire visée au 3° du II de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ; les revenus qu'il a tirés entre 1976 et 1978 de l'exercice de son mandat sanitaire, pour lesquels il ne peut produire de justificatifs, doivent être regardés comme représentant la même proportion de ses revenus que pour les années pour lesquelles il produit des justificatifs ; l'administration a admis elle-même qu'une évaluation forfaitaire des périodes manquantes était possible ;

- les opérations de prophylaxie collective auxquelles il a prêté son concours représentaient en tout état de cause des périodes d'activité de plus de 90 jours ; il en va de même des opérations de police sanitaire qui se déroulent tout au long de l'année ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif a écarté de l'assiette de calcul de l'indemnisation qu'il réclamait les salaires qu'il a perçus au cours des années 1990 à 1992 ; ces sommes perçues après le 31 décembre 1989 n'en conservent pas moins le caractère de salaires dès lors qu'ils correspondent à l'exercice d'un mandat sanitaire avant 1990, seule la date à laquelle les actes ont été réalisés devant être pris en compte ;

- le montant de l'indemnisation à laquelle il a droit s'élève ainsi à 198 792,74 euros ;

- il est fondé à réclamer également une indemnisation à hauteur de 30 618,36 euros au titre du bénéfice des avantages liés à la qualité de salarié relatifs aux congés payés dont il a été irrégulièrement privé.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2018 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé, pas plus que ne le sont ses prétentions indemnitaires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n°89-412 du 22 juin 1989 ;

- le décret n° 86- 83 du 17 janvier 1986 ;

- l'instruction ministérielle n° 2013-2 du 9 avril 2013 ;

- la circulaire CNAV n° 2009/71 du 29 octobre 2009 ;

- la circulaire du ministre de l'agriculture du 6 mars 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., qui exerçait la profession de vétérinaire, a pris sa retraite le 1eravril 2012. Il a demandé à l'Etat, le 6 février 2012, à être indemnisé du préjudice résultant de l'absence de versement par ce dernier, alors qu'il avait rétribué M. E... pendant plusieurs années pour son activité exercée dans le cadre d'un mandat sanitaire, des diverses cotisations au régime général et au régime complémentaire de retraite. La proposition d'indemnisation reçue ne lui convenant pas, M. E... a saisi le 2 janvier 2015 le juge des référés du tribunal administratif de Nantes qui, par une ordonnance du 18 juin 2015, a condamné l'Etat à verser à l'intéressé une provision d'un montant de 103 786,60 euros. M. E... a relevé appel de cette ordonnance, qui a été confirmée le 10 novembre 2016 par la cour. L'intéressé a ensuite sollicité devant le tribunal administratif de Nantes la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages et intérêts pour un montant de 217 255,67 euros en réparation des conséquences dommageables de son absence d'affiliation aux différents régimes de retraite au titre de son mandat sanitaire. Par un jugement du 22 mai 2018 le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat au versement d'une somme de 105 456,19 euros, déduction faite de la provision obtenue en référé. M. E... relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande et demande que son indemnisation soit portée à la somme globale de 229 411,10 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2012 en réparation, d'une part, du préjudice subi du fait de l'absence d'affiliation aux caisses de retraite au régime général de sécurité sociale et à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques et, d'autre part, du préjudice résultant du défaut de paiement de l'indemnité de congés payés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif en indiquant au point 4 de son jugement, après avoir mentionné l'ordonnance n°1500047 du 18 juin 2015 de son juge des référés ayant accordé à M. E... un provision de 103 783,60 euros au titre du préjudice né de son défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaires de la sécurité et de la minoration de son droit à pension qui en est résulté, a suffisamment motivé son jugement en indiquant que la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée au-delà du moment où le versement de cette provision est intervenu, dès lors que l'intéressé était alors en mesure de combler l'arriéré de cotisations à l'origine du préjudice qu'il invoquait. Le jugement attaqué n'est ainsi, dans cette mesure, pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le défaut d'affiliation aux caisses de retraite et la minoration du droit à pension :

3. En premier lieu, le montant des rémunérations perçues par les vétérinaires libéraux au titre d'un mandat sanitaire ne saurait se déduire de la seule existence de ce mandat, détenu par la quasi-totalité des vétérinaires à raison d'une activité qui ne revêtirait au demeurant qu'un caractère accessoire et complémentaire, en sus de leur activité libérale.

4. Il résulte de l'instruction que M. E... n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance, s'agissant des années 1976 à 1978, d'éléments de nature à justifier de la réalité de l'exercice de son mandat sanitaire et des revenus qu'il en aurait tirés. Il ne peut, en conséquence, réclamer pour ces années le bénéfice d'une indemnisation au titre de l'assiette forfaitaire prévue par le code de sécurité sociale, laquelle au demeurant n'a pas été retenue par la circulaire du 24 avril 2012 organisant la procédure amiable de traitement des demandes d'indemnisation des vétérinaires sanitaires. A défaut d'apporter tout commencement de preuve de ce qu'il a effectivement exercé une activité dans le cadre de son mandat sanitaire pendant ces trois années, il ne peut davantage se prévaloir utilement de l'instruction ministérielle du 9 avril 2013, laquelle renvoie à une circulaire CNAV du 29 octobre 2009, ni de la circulaire ministérielle du 6 mars 2013 faisant référence au mécanisme de l'évaluation forfaitaire.

5. En deuxième lieu, selon les dispositions de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre II du code rural ainsi que certains articles du code de la santé publique, applicable à compter du 1er janvier 1990 : " Les rémunérations perçues au titre de l'exercice du mandat sanitaire sont assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une activité libérale ".

6. Il résulte de ces dispositions que toutes les rémunérations perçues à compter du 1er janvier 1990 par les vétérinaires à raison du mandat sanitaire détenu par eux, quelle que soit la date de réalisation des prestations auxquelles elles se rapportent, sont assimilées à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. M. E... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il y aurait lieu d'intégrer à l'assiette de calcul des indemnités qui lui sont dues des " salaires " qui lui auraient été versés au cours des années 1990, 1991 et 1992 à raison de l'exercice de son mandat sanitaire avant le 1er janvier 1990.

7. Si M. E... soutient que les montants devant lui être versés au titre des cotisations et pensions de retraite CARSAT et IRCANTEC pris en compte par le tribunal administratif pour fixer le montant de l'indemnité devant lui être versée sont erronés, il résulte de l'instruction que les chiffres sur lesquels l'intéressé s'est lui-même fondé pour effectuer ses calculs couvrent une période s'étendant de 1976 à 1992 alors que, comme indiqué aux points précédents, les années 1976 à 1978 et 1990 à 1992 ne peuvent pas valablement être prises en compte. Il en résulte que le montant total de l'indemnité accordée à M. E... doit être calculé pour les seules années comprises entre 1979 et 1989, où celui-ci justifie de l'exercice d'une activité rémunérée en qualité d'agent non titulaire de l'Etat, M. E... ne pouvant par ailleurs se prévaloir d'un préjudice pour la période postérieure au 31 août 2015, ce dernier ayant fait le choix de ne pas reverser aux organismes gestionnaires des régimes général et complémentaire le montant correspondant aux arriérés de cotisations. Ainsi, le montant de l'indemnité accordée à M. E..., fixé par le tribunal administratif à la somme de 105 456,19 euros sur la base d'éléments fournis par la CARSAT et l'IRCANTEC ne peut ainsi qu'être confirmé.

En ce qui concerne les indemnités de congés payés :

8. Aux termes de l'article 10 du décret du 17 janvier 1986 : " I.- L'agent non titulaire en activité a droit, compte tenu de la durée de service effectué, à un congé annuel dont la durée et les conditions d'attribution sont identiques à celles du congé annuel des fonctionnaires titulaires prévu par le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 susvisé. / II.- (...) à la fin d'un contrat à durée déterminée, l'agent qui, du fait de l'administration, n'a pu bénéficier de tout ou partie de ses congés annuels a droit à une indemnité compensatrice de congés annuels. /L'indemnité compensatrice de congés annuels est égale au 1 / 10 de la rémunération totale brute perçue par l'agent au cours de sa période d'emploi, entre le 1er janvier et le 31 décembre de l'année en cours. L'indemnité est proportionnelle au nombre de jours de congés annuels dus non pris. (...) ".

9. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ".

10. La créance dont se prévaut M. E..., qui tend à l'indemnisation du préjudice résultant de la faute de l'administration à ne pas lui avoir versé d'indemnités de congés payés, ne se rattache pas à chaque année au titre de laquelle ces indemnités étaient dues, mais à l'année au cours de laquelle le préjudice a été connu dans toute son étendue. En l'espèce, M. E... était en mesure de quantifier les indemnités qui lui étaient dues dès la date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989, dont l'article 10 prévoit qu'à compter du 1er janvier 1990, les tarifs des rémunérations perçues par les vétérinaires au titre des opérations de prophylaxie collective sont fixés conventionnellement et forfaitairement et sont assimilés à des revenus tirés d'une profession libérale. Or, il est constant que M. E... a pour la première fois demandé une indemnité compensatrice de congés payés le 24 juin 2016, à une date où sa créance était prescrite. Ainsi, doit être accueillie l'exception de prescription opposée par le ministre et les conclusions de M. E... relatives à l'indemnité compensatrice de congés payés doivent être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a limité son indemnisation à la somme de 105 456,19 euros.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente-assesseure,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 janvier 2020.

Le rapporteur,

A. A...La présidente

N. F...

Le greffier

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18NT02764 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02764
Date de la décision : 24/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-24;18nt02764 ?
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