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17/01/2020 | FRANCE | N°19NT03722

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 janvier 2020, 19NT03722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises.

Par un jugement n° 1908468 du 19 août 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2019, Mme G... A... D..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a

dministratif de Nantes du 19 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2019 du préfet de Maine-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises.

Par un jugement n° 1908468 du 19 août 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2019, Mme G... A... D..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2019 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de 8 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de statuer dans les mêmes conditions, sur sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que son transfert aux autorités portugaises constituerait une atteinte grave et disproportionnée au respect de son droit fondamental à sa vie privée et familiale compte tenu de son état de grossesse à risque et du placement consécutif de ses trois enfants mineurs ; ceci méconnaitrait les articles 2 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... D... ne sont pas fondés.

Mme A... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., ressortissante angolaise née le 3 mars 1983, déclare être entrée en France le 28 mai 2019 accompagnée de ses trois enfants mineurs. Elle a présenté une demande d'asile enregistrée le 24 juin 2019 par le préfet de Maine-et-Loire. Suite au relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté qu'elle avait, le 6 décembre 2018, demandé la protection internationale aux autorités portugaises. Consécutivement à leur saisine par le préfet de Maine-et-Loire, les autorités portugaises ont accepté, le 26 juin 2019, de reprendre en charge Mme A... D.... Par un arrêté du 26 juillet 2019 le préfet de Maine-et-Loire a décidé de la transférer à ces autorités. Mme A... D... relève appel du jugement du 19 août 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

3. Par ailleurs, l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat.(...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige prononçant son transfert aux autorités portugaises, Mme A... D... était accompagnée de ses trois enfants, nés en 2009, 2014 et 2016 et était enceinte de six mois. S'il ressort d'un certificat du 6 août 2019 d'un médecin du service des grossesses à risque du centre hospitalier du Mans qu'elle a été hospitalisée du 1er au 8 juillet 2019 pour " hypokaliémie probablement par défaut d'apport alimentaire ", période durant laquelle ses enfants ont été placés, il est également indiqué que : " actuellement la grossesse se déroule normalement. Seuls les problèmes sociaux dus au manque de logement persistent ". Il est par ailleurs établi que les autorités portugaises ont donné un accord explicite à l'accueil, sur le fondement du d) du I de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 de Mme A... D... et de ses trois enfants. Il ne ressort par ailleurs d'aucun document que son état de santé interdisait, à la date de la décision contestée tout voyage de la France vers le Portugal ou que le suivi nécessité par cet état ne pouvait être assuré dans le pays de destination. Par suite, les moyens tirés de la violation des articles 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 et L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.

5. En second lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. (...) ". Et l'article 8 de la même convention stipule que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Si Mme A... D... fait valoir son état de grossesse et la situation de ses enfants mineurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée et ses enfants étaient entrés récemment en France, où ils ne font état d'aucune attache personnelle, à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, ainsi qu'exposé au point 4, il ne ressort d'aucun élément que la grossesse de l'intéressée ne pouvait être prise en charge au Portugal. Dans ces conditions, et en admettant même que l'enfant né en 2009 serait placé en famille d'accueil depuis l'hospitalisation de quelques jours de la requérante en juillet 2019, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... D... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2019 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. B..., président de la formation de jugement,

- Mme F..., première conseillère,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2020.

Le président rapporteur,

C. B...L'assesseur le plus ancien,

T. Jouno

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03722
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : MARTIN ANNE-LAURE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-17;19nt03722 ?
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