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17/01/2020 | FRANCE | N°19NT02573

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 janvier 2020, 19NT02573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... Matondo a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 12 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile et a fixé comme pays de réacheminement la Grèce ou tout pays dans lequel il serait légalement admissible, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'autoriser son entrée en France au titre de l'asile afin qu'il soit en mesure de bénéficier d'un titre de séjour t

emporaire et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... Matondo a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 12 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile et a fixé comme pays de réacheminement la Grèce ou tout pays dans lequel il serait légalement admissible, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'autoriser son entrée en France au titre de l'asile afin qu'il soit en mesure de bénéficier d'un titre de séjour temporaire et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1906422 du 17 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du ministre de l'intérieur du 12 juin 2019 (article 1er), a enjoint au ministre de l'intérieur d'autoriser l'entrée en France de M. Matondo au titre de l'asile (article 2), a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2019, et un mémoire, enregistré le 4 octobre 2019, le ministre de l'intérieur, représenté par Me Claisse, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 de ce jugement du 17 juin 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Matondo devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- la demande d'asile de M. Matondo est manifestement infondée ; la décision contestée n'est donc pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; ainsi, le jugement doit être annulé ;

- l'autre moyen soulevé à l'appui de la demande de première instance, et tiré d'une insuffisance de motivation de la décision contestée, manque en fait.

Par un mémoire, enregistré le 10 septembre 2019, M. Matondo, représenté par Me Louvel, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. Matondo a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juin 2019, dont le bénéfice a été maintenu par une décision du 14 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me Louvel, représentant M. Matondo.

Considérant ce qui suit :

1. M. Matondo déclare être né le 14 août 1989 à Boma en République démocratique du Congo et être ressortissant de cet Etat. Le 8 juin 2019, il est arrivé à l'aéroport de Nantes Atlantique en provenance de Grèce. Le jour même, il a, d'une part, été placé en zone d'attente au motif qu'il circulait muni d'un titre de séjour belge falsifié et a, d'autre part, demandé à entrer sur le territoire au titre de l'asile. Par une décision du 12 juin 2019, le ministre de l'intérieur a, sur le fondement de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé l'entrée sur le territoire à M. Matondo au motif que sa demande d'asile était manifestement infondée, et a, sur le fondement de l'article L. 213-4 du même code, prescrit son réacheminement vers la Grèce. Par un jugement du 17 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et enjoint au ministre de l'intérieur d'autoriser l'entrée en France de M. Matondo au titre de l'asile. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement devant la cour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : / (...) / 3° Ou la demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. / (...) la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (...) ". Il résulte de ces dispositions que, si le droit constitutionnel d'asile implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, le ministre chargé de l'immigration peut rejeter une demande d'asile d'un étranger se présentant aux frontières et lui refuser, par voie de conséquence, l'entrée en France, notamment lorsque cette demande est manifestement infondée.

3. M. Matondo soutient qu'il est membre du mouvement politico-religieux " Bundu dia Kongo " (BDK) depuis 2008. Il ajoute qu'en 2017, il a pris part, à ce titre, à une manifestation à Kinshasa au cours de laquelle il a été agressé et blessé par les forces de l'ordre, a été menacé de mort puis est entré en clandestinité. En outre, il affirme qu'après le décès de ses parents, dont il a été informé le 2 février 2018, la famille de son père a menacé de le dénoncer aux autorités. Enfin, il se prévaut d'un " avis de recherche " émis le 21 août 2017, lequel indique qu'il est recherché pour avoir organisé des " soulèvements " pour le compte du BDK.

4. Toutefois, en premier lieu, le seul élément tangible produit par M. Matondo à l'appui de ses affirmations, postérieurement à la décision attaquée, est une copie, reçue par courriel, de cet " avis de recherche ", qui aurait été établi à Boma par " le commandant de la 142ème base navale " de République démocratique du Congo. Or, alors qu'il n'est ni établi que cet Etat dispose de 142 bases navales, ni que la marine nationale y soit compétente pour émettre des " avis de recherche ", l'authenticité de ce document, dont les mentions ne sont corroborées par aucune autre pièce, ne saurait, ainsi que le soutient le ministre, être tenue pour établie.

5. En deuxième lieu, les affirmations de M. Matondo quant à son engagement au sein du BDK sont spécialement lacunaires et ne permettent donc pas d'attester de la réalité de cet engagement. En particulier, d'une part, alors qu'il soutient avoir vécu à Kinshasa en 2017, année au cours de laquelle le chef du BDK s'est évadé de l'établissement pénitentiaire où il était incarcéré à .la faveur d'un soulèvement violent de ses partisans, M. Matondo n'a pas été à même de préciser, lors de l'entretien qu'il a eu avec un agent de l'OFPRA, à quelle période cette évasion avait eu lieu D'autre part, M. E... ne livre aucun détail au sujet de la manifestation à laquelle il aurait participé en janvier 2017, au cours de laquelle il aurait été blessé.

6. En troisième lieu, M. Matondo est resté imprécis sur les craintes qu'il dit éprouver à l'égard de membres de sa famille.

7. Il suit de là, et alors au surplus qu'il est constant que l'intéressé a quitté régulièrement le territoire de la République démocratique du Congo muni de son passeport estampillé d'un visa, que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé la décision contestée au motif que la demande d'asile de M. E... n'était pas manifestement infondée.

8. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur l'autre moyen soulevé par M. Matondo, tant devant le tribunal administratif que la cour, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile.

9. M. Matondo soutient que cette décision est insuffisamment motivée. Toutefois, ce moyen manque en fait dès lors que la décision contestée vise l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article L. 213-4 du même code et expose de manière circonstanciée les motifs de fait pour lesquels le ministre de l'intérieur a estimé que la demande d'asile de M. E... était manifestement infondée, tout en précisant qu'il provenait de Grèce.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 12 juin 2019 visant M. E..., lui a, par voie de conséquence, enjoint d'autoriser l'entrée en France de M. E... au titre de l'asile et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les frais d'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. E... une somme au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1906422 du 17 juin 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 12 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile de M. E... et a fixé comme pays de réacheminement la Grèce, de même que les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées devant le tribunal administratif de Nantes, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées pour M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... Matondo et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme F..., première conseillère,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2020.

Le rapporteur,

T. A...Le président,

C. Rivas

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT02573

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02573
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SELARL CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-17;19nt02573 ?
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