Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et la SCEA A... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du préfet de la région Normandie du 22 mars 2017 refusant à la SCEA A... l'autorisation d'exploiter des terres agricoles d'une surface de 14 hectares et 29 ares situées sur le territoire des communes de la Ferté Frenel et la Gonfrière (Orne), ainsi que la décision du 1er juin 2017 rejetant leur recours gracieux contre l'arrêté du 22 mars 2017.
Par un jugement n° 1701172 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 juillet 2018 M. A... et la SCEA A..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 31 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la région Normandie du 22 mars 2017 et la décision du 1er juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de se prononcer à nouveau et sans délai sur la demande d'autorisation d'exploiter présentée par la SCEA A... ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif a omis d'examiner les moyens tirés de ce que l'article 5 du schéma directeur régional des structures agricoles de Normandie n'était pas applicable et de ce que l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait s'agissant du montant de la marge brute de l'exploitation de la SCEA A... ;
- les décisions contestées sont entachées d'erreur de droit, le préfet de la région Normandie ne pouvant légalement faire application des dispositions de l'article 5 du schéma directeur régional qui n'ont vocation qu'à départager les concurrents relevant d'un même rang de priorité ;
- le préfet a entaché l'arrêté contesté d'une erreur d'appréciation de la situation du preneur en place au regard de l'intérêt économique et environnemental de son exploitation.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2019 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCEA A... a déposé, le 6 octobre 2016, une demande d'autorisation d'exploiter des parcelles d'une superficie de 14 hectares et 29 ares situées sur les communes de la Ferté Frenel et la Gonfrière, dans l'Orne. Après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, le préfet de la région Normandie a, par une décision du 22 mars 2017, refusé d'autoriser la SCEA A... à exploiter les parcelles en cause au motif que le GAEC Ronarc'h, preneur en place, était prioritaire. La SCEA A... a formé un recours gracieux contre cette décision qui a été rejeté par une décision du 1er juin 2017. La SCEA A... et M. B... A..., le propriétaire des parcelles en cause, ont demandé l'annulation des décisions du 22 mars 2017 et du 1er juin 2017 au tribunal administratif de Caen. Celui-ci a rejeté leurs demandes par un jugement du 31 mai 2018. M. A... et la SCEA A... relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les requérants soutiennent que le tribunal administratif a omis d'examiner les moyens tirés de ce que l'article 5 du schéma directeur régional des structures agricoles de Basse-Normandie n'a vocation qu'à départager les concurrents relevant d'un même rang de priorité et de ce que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait s'agissant du montant de la marge brute de l'exploitation de la SCEA A.... Toutefois, les premiers juges ont répondu à ces moyens, explicitement dans le premier cas, implicitement dans le second, aux points 5 et 6 du jugement attaqué. Ce jugement n'est donc pas irrégulier.
Sur la légalité des décisions contestées :
3. Aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / Ce contrôle a aussi pour objectifs de : / 1° Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma régional directeur des exploitations agricoles ; / 2° Promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, dont ceux relevant du mode de production biologique au sens de l'article L. 641-13, ainsi que leur pérennisation ; / 3° Maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d'exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d'une même personne physique ou morale excessifs au regard des critères précisés par le schéma régional directeur des exploitations agricoles. ". Aux termes du I de l'article L. 331-2 du même code : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : /: 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. ". Selon l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; ". Le III de l'article L. 312-1 du même code dispose : " Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit (...) l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. ". L'article 2 du schéma régional directeur des exploitations agricoles de la région Basse-Normandie fixe une liste non exhaustive d'orientations de la politique agricole régionale en vue de la promotion d'une agriculture diversifiée source d'emploi et de revenus pour les agriculteurs. L'article 3 prévoit que les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité établi en prenant en compte la nature de l'opération au regard des objectifs du contrôle des structures, des orientations régionales et de l'intérêt économique et environnemental de l'opération. L'article 5 fixe quatre critères non hiérarchisés d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une exploitation permettant de départager les demandeurs d'une autorisation d'exploiter bénéficiant d'un même rang de priorité, à savoir " la dimension économique des exploitations ", " l'impact environnemental ", " la structuration foncière de l'exploitation " et " l'avis des bailleurs ".
4. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que le préfet de la région Normandie peut notamment refuser une autorisation d'exploiter des terres agricoles au motif que les parcelles concernées sont déjà exploitées par un preneur en place bénéficiant d'un rang de priorité supérieur, rang déterminé en fonction des orientations régionales et des critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une exploitation fixés par les articles 2 et 5 du schéma régional. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions contestées seraient entachées d'une erreur de droit au motif que préfet de la région Normandie a fait application des critères de l'article 5 du schéma régional pour estimer que le GAEC Ronarc'h bénéficiait d'un rang de priorité supérieur à celui de la SCEA A... doit être écarté.
5. En second lieu, alors même que le préfet a, dans sa décision du 22 mars 2017, surestimé la distance des parcelles concernées par rapport au siège de l'exploitation de la SCEA A... (25 km au lieu de 19 km), cette distance reste significativement plus importante que celle qui sépare ces mêmes parcelles du siège de l'exploitation du GAEC Ronarc'h (1,5 km). Comme l'a estimé à bon droit le préfet, le critère de " la structuration foncière de l'exploitation " est donc favorable au GAEC. De plus, il ressort des pièces du dossier que la dimension économique de la SCEA A..., appréciée en fonction de la marge brute d'exploitation par unité de travail humain (UTH) doit, contrairement à ce que soutiennent les requérants, être calculée sur la base d'une seule UTH en application des dispositions de l'article 5 du schéma régional selon lesquelles un chef d'exploitation et son conjoint totalisent une UTH. La dimension économique du GAEC de Ronarc'h est alors inférieure à celle de la SCEA A..., ce qui le rend également prioritaire à ce titre. Il est enfin constant que le critère de l'impact environnemental ne permet pas de départager la SCEA A... du GAEC Ronarc'h et que la SCEA A... bénéficie d'un avis favorable du bailleur. Par suite, et dès lors que la circonstance que le projet de la SCEA A... reposerait notamment sur la production de semences ne permet pas d'établir qu'il répondrait mieux que l'activité avicole du GAEC Ronarc'h à l'objectif de promotion d'une agriculture diversifiée fixé par l'article 2 du schéma régional directeur des exploitations agricoles de la région Basse-Normandie, le préfet de la région Normandie n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le GAEC Ronarc'h bénéficiait d'un rang de priorité supérieur à celui de la SCEA A....
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... et la SCEA A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... et de la SCEA A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la SCEA A... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme F..., présidente-assesseure,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 janvier 2020.
Le rapporteur
E. C...La présidente
N. F...
Le greffier
M. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02814