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17/01/2020 | FRANCE | N°18NT02376

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 janvier 2020, 18NT02376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conditions de sa prise en charge, le 13 octobre 2015, par cet établissement de santé.

Par un jugement n°1601320 du 23 mars 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 juin 2018 et le 30 octobre 2019, M. D..., repr

ésenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conditions de sa prise en charge, le 13 octobre 2015, par cet établissement de santé.

Par un jugement n°1601320 du 23 mars 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 juin 2018 et le 30 octobre 2019, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 23 mars 2018 ;

2°) de constater que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Caen n'a pas déposé son rapport définitif en raison de l'absence de consolidation de son état de santé et de prononcer en conséquence un sursis à statuer dans l'attente du rapport définitif.

Il soutient que :

- le tribunal ne pouvait pas statuer sans disposer du rapport définitif de l'expert ;

- en l'absence de ce rapport il n'est pas en mesure de chiffrer son préjudice ou de critiquer utilement les soins qui lui ont été prodigués, en particulier au regard du devoir d'information du CHU de Caen ;

- il n'a pas été informé des risques liés à l'intervention qu'il a subie ;

- il a souffert et continue de souffrir de nombreuses séquelles de l'intervention du 13 octobre 2015.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2019 le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., né le 22 novembre 1952, a subi le 13 octobre 2015 une intervention chirurgicale pour traiter un anévrisme de l'aorte abdominale au cours de laquelle la dissection de la bifurcation iliaque droite a entrainé une plaie de la veine iliaque externe droite, à l'origine d'un choc hémorragique et d'une défaillance multiviscérale. M. D... a été pris en charge dans le service de réanimation chirurgicale du CHU de Caen du 14 octobre au 27 novembre 2015, puis hospitalisé dans le service de chirurgie digestive de cet établissement jusqu'au 14 décembre 2015. Souffrant de nombreuses séquelles, M. D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen que soit diligentée une mesure d'expertise. Par ordonnance du 30 août 2016, le président de ce tribunal a désigné un médecin anesthésiste-réanimateur et un sapiteur chirurgien vasculaire. Le rapport d'expertise a été déposé le 1er avril 2017. Par un jugement du 23 mars 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. D..., présentée le 30 juin 2016 et tendant à ce que le CHU de Caen soit condamné à réparer ses préjudices. M. D... relève appel de ce jugement.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

3. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ".

4. D'une part, il résulte des conclusions des experts, qui ne sont pas contestées par M. D..., que l'intervention du 13 octobre 2015 était particulièrement indiquée dans le cas d'un patient présentant un anévrisme de l'aorte abdominale de plus de 50 cm à croissance rapide, qu'aucune thérapie alternative n'était possible, que l'intervention a été réalisée conformément aux bonnes pratiques, que la plaie veineuse est une complication connue et non fautive de ce type d'intervention, que le choc hémorragique qui en est résulté a été rapidement et efficacement jugulé au cours de l'intervention et que la qualité de la prise en charge post-opératoire de M. D..., qui a présenté une défaillance multiviscérale sévère, a permis de lui sauver la vie.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. D... a bénéficié le 6 octobre 2015 d'une consultation pré-opératoire au cours de laquelle il a été informé du risque hémorragique qui s'est réalisé et que, en tout état de cause, l'intervention du 13 octobre 2015 était impérieusement requise, dès lors que la pathologie de M. D... évoluait rapidement et lui faisait encourir un risque de décès très élevé dans les cinq ans à venir.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que le CHU de Caen n'a commis aucune faute dans la prise en charge de M. D... de nature à engager sa responsabilité et que, par suite et contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges n'étaient pas tenus de sursoir à statuer dans l'attente d'un complément d'expertise permettant de fixer la date de consolidation de son état de santé et d'évaluer ses préjudices.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de sursoir à statuer pour les raisons précédemment indiquées, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu de confirmer le jugement attaqué et de mettre définitivement à la charge de M. D... et de l'Etat les sommes respectives de 500 euros et de 1 900 euros au titre des frais d'expertise taxés et liquidés par une ordonnance du 17 mars 2017 du président du tribunal administratif de Caen à la somme de 2 400 euros.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que le CHU de Caen, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. D... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les frais de l'expertise judiciaire, liquidés et taxés à la somme de 2 400 euros par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Caen du 17 mars 2017 sont mis à la charge de M. D... à concurrence de la somme de 500 euros. Le surplus est laissé à la charge de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au CHU de Caen et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme G..., présidente-assesseure,

- M. Mony, premier conseiller,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2020.

Le rapporteur

E. A...La présidente

N. G...

Le greffier

M. C...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02376
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL ERIC STRUJON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-17;18nt02376 ?
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