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17/01/2020 | FRANCE | N°18NT01887

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 janvier 2020, 18NT01887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier d'Avranches-Granville à l'indemniser à hauteur de 50 000 euros des différents préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime depuis 2012.

Par un jugement n° 1700621 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2018 Mme A..., représentée par Me E..

., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2018 du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier d'Avranches-Granville à l'indemniser à hauteur de 50 000 euros des différents préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime depuis 2012.

Par un jugement n° 1700621 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2018 Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2018 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Avranches-Granville à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime depuis 2012 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Avranches-Granville une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a subi depuis 2011 une dégradation constante de ses conditions de travail qui a été à l'origine de la détérioration de son état de santé physique et moral ;

- elle a délibérément été mise en difficulté dans l'exercice de ses fonctions sans être protégée par son employeur ;

- elle s'est vue confier des tâches sans réel intérêt et dans des conditions matérielles précaires ;

- elle a été contrainte de quitter prématurément son emploi et subit de ce fait un important préjudice financier du fait de la minoration de son droit à pension.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2019 le centre hospitalier d'Avranches-Granville, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les prétentions indemnitaires de la requérante ne sont pas fondées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant le centre hospitalier d'Avranches-Granville.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., agent titulaire de la fonction publique hospitalière, a été recrutée en 1983 en qualité d'agent des services hospitaliers au centre hospitalier d'Avranches-Granville. A compter de 2007 elle a été affectée au service des archives. Elle a adressé le 27 décembre 2016 au centre hospitalier une demande préalable en vue d'obtenir l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du harcèlement moral auquel elle aurait été en butte à compter de l'année 2011. Le directeur du centre hospitalier d'Avranches-Granville a rejeté cette demande le 13 février 2017. Mme A... a alors saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice. Mme A... relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Ces dispositions ont procédé à la transposition pour la fonction publique des dispositions relatives à la lutte contre le harcèlement de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Par ailleurs, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

4. Mme A... dénonce en premier lieu l'hostilité dont elle a fait l'objet de la part de ses collègues à compter de 2011, qui l'auraient mise à l'écart. Il résulte toutefois de l'instruction que les évaluations dont l'intéressée a fait l'objet depuis 1983 relèvent de manière récurrente les difficultés relationnelles rencontrées par Mme A..., dotée d'un fort caractère. Si la requérante relate la violente altercation qui l'a opposée en janvier 2013 à l'une de ses collègues et qui a été à l'origine d'un arrêt de travail, le centre hospitalier d'Avranches-Granville verse au dossier le témoignage de plusieurs collègues de Mme A... faisant état de ce que l'agressivité de cette dernière aurait été à l'origine de l'incident qu'elle présente comme participant du harcèlement moral qu'elle subit.

5. Mme A... soutient en deuxième lieu qu'elle a dû accomplir des tâches ne relevant pas de ses attributions et de surcroit peu valorisantes telles que le collage d'étiquettes ou le déplacement de dossiers. Toutefois, affectée au service des archives, l'intéressée devait nécessairement effectuer de telles tâches qui ne sont nullement humiliantes, permettent l'identification des dossiers des patients et revêtent un caractère utile pour le service.

6. Si Mme A... dénonce en troisième lieu le fait d'avoir été placée dans un environnement de travail inapproprié, du fait notamment de l'absence de mise à disposition d'un escabeau et d'une table, elle n'établit pas avoir fait de demande en ce sens auprès de son employeur laquelle aurait fait l'objet d'un refus.

7. Si Mme A... soutient en quatrième lieu avoir subi à compter de 2011 une ambiance de travail délétère, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle a saisi le CHSCT, les organisations syndicales ou encore le médecin de prévention d'une telle situation. Le mèl qu'elle a adressé le 3 mars 2014 à sosfonctionnairevictime@gmail.com, alors qu'elle se trouvait en congé de longue maladie, ne renvoie à aucun grief précis, l'intéressée s'y plaignant avant tout des conséquences possibles de son placement en congé de longue maladie et de ses difficultés potentielles lors de la reprise de son travail.

8. En cinquième lieu, Mme A... se prévaut de plusieurs certificats médicaux attestant de son état de souffrance psychologique et d'attestations de collègues la décrivant comme consciencieuse, sympathique et serviable. Toutefois, d'une part, les pièces médicales produites, si elles permettent d'établir la fragilité psychologique de l'intéressée, se bornent à transcrire son ressenti quant à ses conditions de travail. D'autre part, les attestations de collègues, dont certaines ne travaillaient d'ailleurs pas avec Mme A... au cours de la période concernée par les faits de harcèlement allégués, sont rédigées en des termes trop généraux et stéréotypés pour permettre d'établir que la requérante aurait été victime des faits de harcèlement qu'elle dénonce.

9. Enfin, si Mme A... entend soutenir qu'elle n'a pas bénéficié de l'ensemble des droits attachés à son statut, elle n'apporte aucun élément concret de nature à étayer ses dires.

10. Il suit de là, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, que Mme A... ne peut être regardée comme ayant été victime d'agissements tant de la part de ses collègues que de celle de sa hiérarchie pouvant être qualifiés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier d'Avranches-Granville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, verse à Mme A... la somme que celle-ci réclame au titre des frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions au profit du centre hospitalier d'Avranches-Granville.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier d'Avranches-Granville relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au centre hospitalier d'Avranches-Granville.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme H..., présidente,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 janvier 2020.

Le rapporteur

A. B...La présidente

N. H...Le greffier

M. G...

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°18NT01887 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01887
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : AARPI LEHOUX et CONDAMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-17;18nt01887 ?
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