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17/01/2020 | FRANCE | N°18NT00709

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 janvier 2020, 18NT00709


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les décisions du 20 octobre 2014 par lesquelles l'institut médico-éducatif (IME) de l'Estuaire a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 17 mai au 20 octobre 2014, l'a placé en congé de maladie ordinaire au cours de cette même période et a décidé d'opérer une retenue sur ses traitements d'octobre et novembre 2014 afin de régulariser un trop-perçu de rémunération, et, d'autre part,

de l'indemniser à hauteur de 2 000 euros du préjudice qu'il estime avoir subi du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les décisions du 20 octobre 2014 par lesquelles l'institut médico-éducatif (IME) de l'Estuaire a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 17 mai au 20 octobre 2014, l'a placé en congé de maladie ordinaire au cours de cette même période et a décidé d'opérer une retenue sur ses traitements d'octobre et novembre 2014 afin de régulariser un trop-perçu de rémunération, et, d'autre part, de l'indemniser à hauteur de 2 000 euros du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de ces décisions.

Par un jugement n°1507449 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 20 octobre 2014 et a condamné l'IME de l'Estuaire à lui verser une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral subi.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2018, l'institut médico-éducatif l'Estuaire, représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'enjoindre à M. C..., avant dire droit, de produire l'intégralité de son dossier médical, si celui-ci était écarté ;

2°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2017 du tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- contrairement à ce que soutient M. C..., la production du rapport médical par l'IME ne peut être regardée comme une violation du secret médical ; à supposer que la cour estime que l'IME a méconnu le principe du secret médical, ce rapport devrait alors être écarté des débats ;

- les conclusions d'appel incident de M. C... sont irrecevables dès lors qu'elles se rapportent à un litige distinct et n'ont pas fait l'objet d'une demande indemnitaire préalable ;

- M. C..., qui souffre d'une discopathie dégénérative, n'établit pas que les conséquences de l'accident du 17 avril 2014 sont imputables au service sur toute la période des arrêts de travail ; c'est à bon droit que la commission de réforme a estimé que les arrêts-maladie au-delà du 17 mai 2014 n'étaient pas imputables au service ;

- le tribunal administratif a inversé la charge de la preuve en retenant qu'il incombait à l'IME d'établir l'imputabilité des arrêts de travail de prolongation à l'état antérieur de M. C... ;

- aucune erreur d'appréciation n'a été commise en refusant l'imputabilité au service des arrêts de travail au-delà du 17 mai 2014 ;

- M. C... devait ainsi rembourser le trop-perçu consécutif à son passage à demi-traitement.

Par un mémoire enregistré le 16 avril 2018 M. A... C..., représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que l'indemnité versée soit portée à 10 000 euros et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'IME de l'Estuaire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ainsi que l'a retenu le tribunal, les décisions du 20 octobre 2014 sont entachées d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit ; l'avis émis par la commission de réforme est en contradiction avec l'expertise médicale réalisée ; l'administration ne pouvait fixer la date du 17 mai 2014 comme étant la date de consolidation de son état de santé, en l'absence d'avis médical sur ce point ;

- l'attestation médicale produite par l'institut médico-éducatif viole le secret médical et constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- l'IME a méconnu les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 ; c'est à l'administration d'apporter la preuve de l'absence d'imputabilité au service, ainsi que l'a à juste titre retenu le tribunal ; la présomption d'imputabilité au service de l'accident du 17 avril 2014 et de ses conséquences s'étend sur toute la période pendant laquelle les arrêts résultant directement de cet accident ont été prescrits ; pour renverser cette présomption, il aurait fallu que l'administration apporte la preuve, soit d'un fait ou d'un élément nouveau ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article 38 du décret du 19 avril 1988 en lui indiquant qu'un recours contre la décision de la commission de réforme nécessitait une nouvelle expertise dont les frais étaient à sa charge ;

- la régularisation effectuée par son employeur sur ses salaires d'octobre et de novembre 2014 l'a été en méconnaissance des règles posées par les articles L. 145-1 et suivants et R. 145-1 du code du travail.

Par ordonnance du 2 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée à ce même jour.

Un mémoire présenté pour l'institut médico-éducatif de l'Estuaire a été enregistré le 31 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant l'institut médico-éducatif de l'Estuaire, et de Me E..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., agent titulaire de la fonction publique hospitalière employé par l'institut médico-éducatif de l'Estuaire en qualité d'éducateur technique spécialisé espaces verts, a été victime le 17 avril 2014, alors qu'il était en fonction, d'un accident de service lui ayant occasionné de violentes douleurs lombaires. Il a été placé en arrêt-maladie jusqu'au 25 avril, et cet arrêt a été régulièrement prolongé jusqu'au 17 octobre 2014. A la suite d'une expertise médicale réalisée à la demande de la commission de réforme, cette dernière a, par son avis du 9 octobre 2014, estimé que l'accident survenu le 17 avril 2014, ainsi que l'arrêt de travail jusqu'au 17 mai 2014 étaient imputables au service mais que les arrêts-maladie au-delà de cette date relevaient de la maladie ordinaire. Par deux décisions du 20 octobre 2014, le directeur de l'IME a reconnu l'imputabilité des arrêts de travail du 17 avril au 16 mai 2014 à l'accident de service survenu le 17 avril 2014 (décision n° 2014/411) et décidé que l'état de santé de M. C... était consolidé à compter du 17 mai 2014 et qu'au-delà de cette date les arrêts de travail seraient pris en charge au titre de la maladie ordinaire (décision n° 2014/411 bis). Par un courrier du même jour, il a informé M. C... de ce que l'indu résultant du maintien de son traitement pendant la période de congé de maladie ordinaire ferait l'objet d'une régularisation sur les traitements des mois d'octobre et novembre 2014. Le recours gracieux formé par M. C... le 16 février 2015 ayant été rejeté le 26 février 2015, celui-ci a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation des deux décisions du 20 octobre 2014 et du courrier du même jour relatif à la retenue sur traitement. Par jugement du 20 décembre 2017, ce tribunal a annulé les deux décisions du 20 octobre 2014 ainsi que le courrier du même jour et a condamné l'IME de l'Estuaire à verser à M. C... une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral. L'IME relève appel de ce jugement, tandis que M. C..., par la voie de l'appel incident, demande que son indemnisation soit portée à 10 000 euros.

Sur les conclusions d'appel principal :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ".

3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport médical du 4 juin 2014 réalisé à la demande de la commission de réforme, que si M. C... souffre d'une discopathie dégénérative, il n'existe aucune affection indépendante de l'accident de service du 17 avril 2014 évoluant pour son propre compte. En outre, ce rapport ne comporte aucune indication de nature à établir qu'à compter du 17 mai 2014, les arrêts de travail de M. C... aurait été justifiés non par les suites de l'accident du 17 avril 2014 mais par son état de santé préexistant. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Nantes, qui s'est borné à se prononcer au vu des pièces du dossier, les décisions n° 2014/211 du 20 octobre 2014 et n° 2014/211 bis sont entachées d'erreur d'appréciation au regard de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986. M. C... ayant droit au maintien de l'intégralité de son traitement durant la totalité de ses arrêts-maladie, le courrier du 20 octobre 2014 signifiant à l'intéressé des retenues de traitement sur les mois d'octobre et novembre 2014 est également illégal.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de procéder à la mesure d'injonction sollicitée, que l'IME de l'Estuaire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions 2014/211 et 2014/211 bis du 20 octobre 2014 ainsi que le courrier du 20 octobre 2014.

Sur les conclusions d'appel incident :

5. En première instance M. C... a réclamé à l'IME de l'Estuaire une somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait des décisions dont il contestait par ailleurs la légalité et a obtenu la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 1 000 euros à ce titre. Si, par la voie de l'appel incident, il réclame désormais 10 000 euros en raison de la faute commise par son employeur en produisant à hauteur d'appel un document couvert par le secret médical, de telles conclusions, qui se rattachent à un préjudice distinct, reposant sur un autre fait générateur, sont irrecevables, car nouvelles en appel.

Sur les frais liés au litige :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'institut médico-éducatif de l'Estuaire est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. C... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'institut médico-éducatif de l'Estuaire et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme I..., présidente assesseure,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller,

Lu en audience publique le 17 janvier 2020.

Le rapporteur

A. B...La présidente

N. I...Le greffier

M. F...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00709
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CHENEVAL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-17;18nt00709 ?
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