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10/01/2020 | FRANCE | N°19NT01701

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 janvier 2020, 19NT01701


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa a rejeté implicitement son recours contre la décision par laquelle l'autorité consulaire à Bangui (Centrafrique) a refusé de délivrer des visas d'entrée et de long séjour en France à E... Emmanuella Bewile Nangogo et Dieu-Merci Galed Bewile Nangogo en leur qualité de membres de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Par un

jugement n° 1807326 du 29 novembre 2018 le tribunal administratif de Nantes a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa a rejeté implicitement son recours contre la décision par laquelle l'autorité consulaire à Bangui (Centrafrique) a refusé de délivrer des visas d'entrée et de long séjour en France à E... Emmanuella Bewile Nangogo et Dieu-Merci Galed Bewile Nangogo en leur qualité de membres de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Par un jugement n° 1807326 du 29 novembre 2018 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mai 2019 sous le n° 19NT01701 et des mémoires enregistrés les 29 novembre et 12 décembre 2019 (ce dernier n'ayant pas été communiqué) Mme G..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les refus de visas ainsi que la décision prise par l'ambassade de France en Centrafrique du 14 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de - 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa situation n'a pas donné lieu à un examen suffisant par l'ambassade de France et par suite sur la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visas ;

- une erreur d'appréciation et une erreur de droit en méconnaissance des articles L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil a été commise quant à la force probante des actes d'état civil et leur absence de caractère frauduleux ;

- la possession d'état doit être constatée ;

- les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnus.

Par un mémoire enregistré le 21 novembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Le 14 octobre 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré du caractère irrecevable des conclusions dirigées contre la décision de l'autorité consulaire.

Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 22 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 17 décembre 2019 :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me B..., substituant Me C..., représentant Mme G....

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., ressortissante centrafricaine, née le 9 mai 1985, bénéficie, depuis le 27 mars 2015, de la protection subsidiaire qui lui a été accordée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Le 26 janvier 2017, elle a présenté des demandes de visas d'entrée et de long séjour en France pour les enfants E... Emmanuella Bewile Nangogo et Dieu-Merci Galed Bewile Nangogo en vue de la réunification familiale. L'ambassade de France à Bangui (Centrafrique) a rejeté ces demandes le 14 juin 2017. Le recours formé par l'intéressé à l'encontre de la décision consulaire, enregistré devant la commission de recours contre les refus de visas le 31 juillet 2017, a été implicitement rejeté. Par un jugement du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contestées. Mme G... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du chef de poste de l'ambassade de France à Bangui :

2. Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Il résulte de ces dispositions que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à celle qui a été prise par le représentant de l'Etat en Centrafrique. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de la décision du chef de poste de l'ambassade de France à Bangui sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les refus de visas :

3. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale: (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans (...). L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. II. (...) Les membres de la famille (...) d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec (...) le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent le cas échéant après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère.

4. Pour refuser de délivrer les visas sollicités pour les jeunes E... et Dieu-Merci Bewile Nangogo, la commission de recours contre les refus de visas doit être regardée comme ayant implicitement confirmé les motifs retenus par l'ambassade de France tenant à ce que les documents d'état civil produits présentent les caractéristiques de documents frauduleux.

5. La circonstance que les jugements supplétifs ont été établis 13 et 11 ans après la naissance des enfants n'est pas, à elle seule, de nature à démontrer leur caractère frauduleux. Par ailleurs, si la date portée sur le jugement n° 6131 concernant l'acte de naissance de l'enfant E... est floue, cette décision juridictionnelle doit, ainsi que l'ont noté les premiers juges, être regardée comme ayant été prise le 29 juillet 2015 comme d'ailleurs le jugement le n° 6130 relatif à l'acte de naissance de Dieu-Merci.

6. Si l'article 135 du code de la famille centrafricain, intégré dans le paragraphe relatif aux actes de naissance, dispose que : " L'acte de naissance est rédigé immédiatement et signé du déclarant et de l'officier d'état civil ", il ne ressort pas des termes de l'article 191 du même code, intégré dans le paragraphe relatif à la rectification des actes d'état civil, que la formalité de la signature du déclarant lors de la naissance d'un enfant s'impose pour un acte établi à la suite d'un jugement supplétif. Par suite, ni la circonstance que la transcription des actes de naissance des enfants E... et Dieu-Merci ne comporte pas la signature du déclarant, ni celle tenant à ce que les transcriptions dont s'agit ne sont pas assorties de mentions relatives à l'âge ou aux lieux de naissance et de résidence des parents ou celle tenant à ce que la date de transcription des actes, le 2 août 2015, correspond à un dimanche, jour normalement chômé en Centrafrique, ne sont de nature à retirer à ces actes leur caractère authentique et à démontrer que ces actes seraient entachés de fraude. Par suite, c'est à la suite d'une inexacte application des dispositions précitées que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours.

7. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme G... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, la délivrance aux jeunes E... et Dieu-Merci de visas d'entrée et de long séjour en France. Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... d'une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 septembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 novembre 2018 et la décision implicite visée ci-dessus de la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à E... Bewile Nagogo et à Dieu-Merci Bewile Nagogo dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros qui sera versée à Me C... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 septembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... G... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019, où siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme D..., président-assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2020.

Le rapporteur,

C. D...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

A BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01701
Date de la décision : 10/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL BOEZEC CARON BOUCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-10;19nt01701 ?
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