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10/01/2020 | FRANCE | N°18NT03351

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 10 janvier 2020, 18NT03351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Servicash Anjou a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juillet 2017 par laquelle le ministre du travail a refusé d'annuler les motifs de la décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2017, d'annuler et de retirer les motifs illégaux et surabondants de la décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2017 et de confirmer la décision d'autorisation de licenciement du 22 mai 2017 sur la base des motifs légaux et suffisants qu'elle contient.

Par un jugem

ent n° 1707937 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Servicash Anjou a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juillet 2017 par laquelle le ministre du travail a refusé d'annuler les motifs de la décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2017, d'annuler et de retirer les motifs illégaux et surabondants de la décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2017 et de confirmer la décision d'autorisation de licenciement du 22 mai 2017 sur la base des motifs légaux et suffisants qu'elle contient.

Par un jugement n° 1707937 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2018, la société Servicash Anjou, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 en ce qu'il se réfère aux motifs de la décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2017 qui autorise le licenciement de Mme C... mais établit un lien erroné entre l'exercice du mandat de cette dernière et la dégradation de son état de santé ;

2°) d'annuler la décision du 7 juillet 2017 du ministre du travail ;

3°) d'annuler et de retirer les motifs illégaux et surabondants de la décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2017 ;

4°) de confirmer la décision d'autorisation de licenciement du 22 mai 2017 sur la base des seuls motifs légaux et suffisants qu'elle contient ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les éventuels dépens.

Elle soutient que :

- elle est recevable et bien fondée à contester les motifs de la décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2017 et à solliciter leur annulation ; c'est à tort que le ministre du travail a, dans sa décision du 7 juillet 2017, estimé qu'elle n'avait pas d'intérêt à agir contre les motifs de la décision lui faisant grief ;

- de tels motifs lui portent préjudice dans la mesure où, une fois définitivement retenus, ils sont susceptibles d'être utilisés et repris par Mme C... devant le conseil de prud'hommes pour contester les conditions d'exécution et la rupture de son contrat de travail ;

- les motifs retenus par l'inspecteur du travail sont illégaux dans la mesure où ce dernier ne pouvait autoriser le licenciement pour inaptitude de Mme C... en estimant que la dégradation de son état de santé était liée à l'exercice de son mandat ; une telle motivation méconnait, en effet, les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

- ces motifs sont, en outre, erronés et subjectifs ;

- des raisons d'ordre médical permettaient d'autoriser le licenciement de Mme C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2019, Mme C... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Servicash Anjou la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Servicash Anjou ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... occupait, depuis le 7 juillet 2015, le poste d'employée administrative au sein de la société Servicash Anjou, sur la base d'un contrat de travail à durée indéterminée. Elle a été élue déléguée du personnel à l'issue du scrutin du 16 septembre 2016. Par un avis du 16 mars 2017, le médecin du travail l'a déclarée inapte de façon définitive à son poste de travail, ainsi qu'à tous les postes de l'entreprise et de l'ensemble des sites. La société Servicash Anjou a demandé à l'inspecteur du travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays de la Loire l'autorisation de licencier Mme C... pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. L'inspecteur du travail a retenu, dans sa décision du 22 mai 2017 autorisant le licenciement de l'intéressée, que " Mme C... aurait rencontré des difficultés dans l'exercice de son mandat de déléguée du personnel, ayant eu une répercussion négative sur ses relations de travail avec le dirigeant de l'entreprise, à l'origine de fortes tensions sur le lieu de travail, ayant entrainé une dégradation de son état de santé ". La société Servicash Anjou, qui contestait les motifs ainsi énoncés, a formé un recours hiérarchique contre cette décision devant le ministre du travail le 23 juin 2017. Le ministre du travail a rendu une décision de rejet le 7 juillet 2017, en estimant que la demande de l'entreprise était irrecevable faute d'intérêt agir de cette dernière. La société Servicash Anjou a, le 8 septembre 2017, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision ministérielle du 7 juillet 2017, d'autre part, de certains des motifs de la décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2017 autorisant le licenciement de Mme C.... Ces motifs établiraient selon la société un lien erroné entre l'exercice du mandat de cette dernière et la dégradation de son état de santé. La société a enfin demandé au tribunal de confirmer la décision d'autorisation de licenciement sur la base des seuls motifs légaux et suffisants qu'elle contient. La société Servicash Anjou relève appel du jugement du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Nantes par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. ".

3. En premier lieu, l'intérêt à contester une décision s'apprécie par rapport à son dispositif et non à ses motifs. La décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2017 autorisant le licenciement de Mme C... a fait droit à la demande que la société avait formulée. La société requérante, à laquelle ladite décision a ainsi donné satisfaction, est dès lors sans intérêt à en demander l'annulation au motif que cette décision serait fondée sur des motifs qui ne lui conviennent pas. La circonstance que la décision de l'inspecteur du travail fasse état de difficultés entre la salariée et son employeur ou que de tels motifs seraient susceptibles d'être retenus contre la société dans une procédure judiciaire qui l'oppose par ailleurs à Mme C... demeure sans incidence sur l'appréciation de l'intérêt à agir contre cette décision. Dans ces conditions, la société Servicash Anjou n'avait pas d'intérêt à agir contre la décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2017. Par suite, en rejetant pour ce motif le recours hiérarchique formé par la société Servicash Anjou, le ministre du travail n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail qui ont été rappelées au point 2.

4. En second lieu, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de la ministre l'aurait privée des droits à un procès équitable et à un recours effectif garantis par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de l'instance qui l'oppose à Mme C... devant le conseil de prud'hommes, dès lors qu'elle est en mesure d'y présenter des observations, y compris sur les éléments de fait dont elle discute la matérialité, et qui ont été retenus dans les motifs de la décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2017 l'autorisant à licencier sa salariée.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Servicash Anjou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Servicash Anjou demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, à mettre à la charge de la société Servicash Anjou la somme réclamée par Mme C... au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Servicash Anjou est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Servicash Anjou, à Mme B... C... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

O.COIFFET

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT03351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03351
Date de la décision : 10/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP AVOCATS CONSEILS REUNIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-10;18nt03351 ?
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