Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) AWRR a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er septembre 2010 au 30 novembre 2013.
Par une ordonnance n° 1702604 du 29 août 2017, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2017, M. B... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de prononcer cette décharge, en droits et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la reconstitution du chiffre d'affaires pour les exercices 2011-2012 et 2012-2013 a été effectuée uniquement sur la base de l'application d'un coefficient d'achat-revente aux achats effectués auprès des fournisseurs alors que deux méthodes, dont la reprise des tableaux de recettes en caisse tenus par M. D..., étaient mentionnées dans la proposition de rectification ;
- la méthode de reconstitution des recettes est viciée et sommaire dès lors que le coefficient d'achat-revente retenu a été déterminé au cours d'une vérification de comptabilité antérieure, que des déclarations CA3 mensuelles ont été déposées jusqu'au mois d'avril 2012 et qu'elle ne tient compte ni des jours ouvrables ni des variations saisonnières ni de la réduction des horaires d'ouverture du bar à la suite du licenciement économique de deux salariés, de l'impact des travaux qui ont affecté sa fréquentation et des jours de fermeture liés à l'état de santé de M. D... ;
- la méthode de reconstitution des charges est viciée dès lors qu'elle est fondée sur l'application d'un pourcentage calculé sur le chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2009 alors que le chiffre d'affaires des exercices vérifiés est inférieur et que le montant des charges ne varie pas en fonction de ce chiffre d'affaires, qu'elle entraîne une sous-évaluation des charges qui auraient dû être retenues à hauteur de 30 011,26 euros ; le montant pris en compte au titre des intérêts d'emprunt est incohérent dès lors qu'il doit décroître au fil du temps ; les frais bancaires n'ont pas été pris en compte alors qu'ils devaient l'être.
Par un mémoire, enregistré le 10 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... était l'associé unique de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) AWRR, qui exploitait un bar à Quimper et a été mise en liquidation judiciaire le 10 janvier 2014. Cette entreprise a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2010 au 31 août 2013, étendue au 30 novembre 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration lui a, par proposition de rectification du 14 avril 2014, notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Les impositions résultant de ce contrôle ont été mises en recouvrement le 8 août 2014 pour un montant, en droits et pénalités, de 14 244 euros s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de 13 789 euros s'agissant de l'impôt sur les sociétés. M. D... a formé, le 14 avril 2015, une réclamation préalable qui a été rejetée par décision du 6 avril 2017. Il relève appel de l'ordonnance du 29 août 2017 par laquelle le tribunal administratif de Rennes a rejeté sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la reconstitution du chiffre d'affaires :
2. Il ressort de la proposition de rectification du 14 avril 2014 qu'après avoir constaté l'absence de comptabilité pour les exercices clos les 31 août 2011, 31 août 2012 et 31 août 2013, le vérificateur a, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'EURL AWRR, retenu soit les tableaux de recettes en caisse tenus par M. D..., lorsque ces tableaux étaient complets et ne présentaient pas d'inexactitudes à la suite de contrôles de cohérence effectués avec l'examen des comptes bancaires de l'entreprise, soit les montants résultant de l'application, aux achats effectués auprès des fournisseurs, d'un coefficient d'achat revente. Les annexes à cette proposition de rectification mentionnent très précisément les montants de recettes ressortant des tableaux de caisse tenus par le gérant et également les cas où le relevé mensuel est manquant. Il ressort de ces annexes que le vérificateur a retenu un montant de 83 209 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2011, à partir des tableaux de caisse tenus par le gérant, un montant de 113 436 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2012, à partir de l'application d'un coefficient d'achat-revente de boissons de 2,80, dès lors qu'étaient manquants les relevés mensuels tenus par le gérant pour les mois de décembre 2011, avril, mai, juin, juillet et août 2012 et un montant de 95 304 euros hors taxe au titre de l'exercice clos en 2013, à partir de l'application d'un coefficient d'achat-revente dès lors que les tableurs excel étaient incomplets, faute de permettre l'identification des recettes perçues en espèces.
3. En premier lieu, alors qu'il est constant que l'entreprise ne tenait pas de comptabilité, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le dépôt de déclarations CA3 jusqu'en août 2012, faisait obstacle à ce que le vérificateur procède à une reconstitution de chiffre d'affaires.
4. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 du présent arrêt que le vérificateur a eu recours à deux méthodes alternatives de reconstitution du chiffre d'affaires, en fonction de l'exhaustivité et de la fiabilité des tableaux de recettes en caisse tenus par le gérant. M. D... ne conteste pas que l'ensemble des tableaux n'ont pas été fournis au titre de l'exercice clos en 2011 et que les éléments fournis au titre de l'exercice clos en 2012 ne permettaient pas de s'assurer de la fiabilité des tableaux. Si le requérant soutient qu'il convenait, pour les mois au titre desquels les brouillards de caisse étaient disponibles, de panacher les deux méthodes en procédant, le cas échéant, à une pondération, il n'établit ni même n'allègue que ce panachage conduirait à retenir un montant de recettes inférieur à celui résultant de la reconstitution à laquelle il a été procédé. Reposant sur les données propres à l'entreprise, cette méthode de reconstitution, homogène par exercice, n'est pas radicalement viciée dans son principe.
5. En troisième lieu, il ressort de l'annexe II de la proposition de rectification du 14 avril 2014 que le coefficient d'achat-revente de 2,80 a été déterminé par comparaison du chiffre d'affaires déclaré au titre de l'exercice clos en 2009 et du montant total des achats hors taxe effectués chez Cozigou et les autres fournisseurs au titre de cette année. Ainsi, en l'état de l'instruction, rien n'établit que ce coefficient aurait été déterminé, comme soutient le requérant, au cours d'une vérification de comptabilité antérieure et transposé à la vérification de comptabilité à l'origine des impositions en litige. Sa prise en compte, pour un chiffrage non contesté, n'a donc pas pour effet de vicier la reconstitution.
6. En dernier lieu, dès lors qu'aucun élément n'est produit au dossier pour justifier le fait que la réalité de l'exploitation du bar était variable, notamment selon les saisons, à la suite du licenciement des salariés ou en raison des travaux ayant entraîné la fermeture de la rue dans laquelle il était situé, des difficultés de santé ou de l'indisponibilité de son gérant, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la méthode de reconstitution des recettes serait viciée dans la mesure où elle ne tiendrait pas compte des conditions réelles d'exploitation.
Sur la reconstitution des charges :
7. Il ressort de la proposition de rectification que le vérificateur a procédé à la reconstitution des charges en s'appuyant, s'agissant des achats de boissons et de marchandises diverses, sur les éléments recueillis par l'exercice du droit de communication auprès du fournisseur Cozigou et sur les indications de M. D..., s'agissant des loyers, sur les factures présentées et, s'agissant des autres achats et charges externes nécessaires à l'activité, soit sur les factures et justificatifs présentés lors du contrôle soit, si ceux-ci n'étaient pas complets, par référence à l'examen des dépenses de même nature comptabilisées par l'entreprise lors de l'exercice clos le 31 août 2009.
8. En premier lieu, si M. D... critique la méthode consistant à appliquer un pourcentage par référence aux charges constatées au titre de l'exercice clos en 2009 et estime que les charges fixes auraient dû être prises en compte à hauteur de 30 011,26 euros au titre des trois exercices vérifiés, il ne remet pas en cause le fait que ces charges n'étaient pas corroborées par des factures ou justificatifs lors du contrôle et ne produit aucun élément justifiant de ce montant et, par suite, justifiant de ce que le montant de charges retenus au titre des " autres achats et charges externes " serait sous-évalué.
9. En deuxième lieu, si le requérant critique l'absence de déduction des frais bancaires autres que les intérêts bancaires, il ressort de la proposition de rectification que ceux-ci ont été déduits à hauteur de 325 euros au titre de l'exercice clos en 2011, 442 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et 372 euros au titre de l'exercice clos en 2013. Aucune pièce n'est produite pour établir que ce poste de charges aurait été insuffisamment pris en compte.
10. En troisième lieu, si M. D... fait valoir à juste titre que le montant des intérêts bancaires diminue au fil du temps et que le vérificateur a, à tort, retenu des montants non strictement décroissants en estimant les intérêts sur emprunts à la somme de 2 064 euros au titre de l'exercice clos en 2011, 2 813 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et 2 364 euros au titre de l'exercice clos en 2013, cette circonstance ne suffit pas à établir le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode retenue par le vérificateur.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés à l'instance, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
F. BatailleLe greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 17NT032882