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17/12/2019 | FRANCE | N°18NT00465

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 décembre 2019, 18NT00465


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la société

La Poste à lui verser la somme de 59 623,19 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 30 avril 2015 rejetant sa demande de congé de longue maladie et le plaçant en disponibilité d'office.

Par un jugement n° 1602385 du 6 décembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête

et un mémoire enregistrés les 5 février 2018 et 13 février 2019, M. B..., représenté par Me E..., demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la société

La Poste à lui verser la somme de 59 623,19 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 30 avril 2015 rejetant sa demande de congé de longue maladie et le plaçant en disponibilité d'office.

Par un jugement n° 1602385 du 6 décembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 février 2018 et 13 février 2019, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 6 décembre 2017 ;

2°) de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 59 623,19 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la société La Poste le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une incompétence négative dans la mesure où son auteur s'est estimé lié par l'avis du comité médical régional de la société La Poste ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'expert rhumatologue a estimé qu'il devait bénéficier d'un congé de longue maladie en application des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 14 mars 1986 ;

- le caractère définitif de la décision litigieuse ne fait pas obstacle à ce qu'il sollicite la réparation de ses préjudices ;

- il peut prétendre à la somme de 23 623,19 euros au titre de ses pertes de salaires compte tenu des indemnités journalières qui lui ont été versées ;

- la perte de trimestres de cotisation pour sa retraite pendant 17 mois ainsi que la privation d'une progression d'indice prévue en novembre 2015 et les troubles dans ses conditions d'existence représentent un manque à gagner de 28 000 euros ;

- son préjudice moral résultant du refus de la société La Poste de lui accorder un congé de longue maladie sera évalué à une somme qui ne pourra être inférieure à 8 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2018, la société La Poste, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

- l'arrêté du 14 mars 1986 du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la société La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... était chargé de clientèle au bureau de Poste Gambetta à Caen. Le 7 avril 2014, alors qu'il se trouvait à son domicile, il a fait une chute en tombant d'un arbre, lui occasionnant des fractures de l'os temporal gauche et du sphénoïde gauche de l'arcade zygomatique ainsi qu'une fracture céphalo tubérositaire. Trois semaines plus tard, il a présenté un fort déplacement secondaire de la fracture de l'humérus nécessitant une ostéosynthèse réalisée le 29 avril 2014. Le 23 mars 2015, M. B..., qui depuis l'accident était en congés de maladie ordinaire, a présenté une demande de congés de longue maladie. Par une décision du 30 avril 2015, le directeur régional du réseau de la société La Poste de Basse Normandie a rejeté sa demande et l'a placé en disponibilité d'office pour une durée de six mois à compter du 7 avril 2015, mesure reconduite jusqu'au 31 août 2016. L'intéressé, qui a repris son activité professionnelle à temps complet sur un poste aménagé à compter du 1er septembre 2016, a présenté une réclamation préalable reçue par son employeur le 2 septembre 2016. Il relève appel du jugement du 6 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société La Poste à lui verser la somme de 59 623,19 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de l'illégalité de la décision du 30 avril 2015.

Sur la légalité de la décision du 30 avril 2015 :

2. Aux termes de l'article 34 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction en vigueur à la date du 30 avril 2015 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée (...) ". Les articles 1 et 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, pris pour l'application de ces dispositions en vertu du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, fixent la liste des affections ouvrant droit à l'octroi de congé de longue maladie. Toutefois, aux termes de l'article 3 du même texte : " Un congé de longue maladie peut être attribué, à titre exceptionnel, pour une maladie non énumérée aux article 1er et 2 du présent arrêté, après proposition du Comité médical compétent à l'égard de l'agent et avis du Comité médical supérieur. Dans ce cas, il doit être constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente (...) un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos (...) de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : (...) 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée (...) ".

3. En premier lieu, la décision litigieuse mentionne, en son article 1er, les différents avis médicaux émis à la suite de l'accident dont M. B... a été victime le 7 avril 2014. Elle rappelle notamment, que dans son rapport du 9 mars 2015, le docteur Ollivier a estimé que l'état de santé de l'intéressé, examiné le 29 février précédent, relevait " d'un congé de longue maladie au titre de l'article 3 " mais que, le 22 avril 2015, le comité médical a émis un avis défavorable à la demande de congés de longue maladie présenté par l'intéressé. Elle indique qu'"après examen détaillé des différents éléments du dossier, il a été décidé de placer Monsieur C... B..., ATG2 à Caen Gambetta, en disponibilité d'office pour maladie à compter du 7 avril 2015 pour une durée de six mois, en application de l'article 43 du décret n°85-986 du 16 septembre 1985 ". Il ressort des pièces du dossier, que dans son rapport du 9 mars 2015, le docteur Ollivier, expert rhumatologue désigné par la société La Poste, a estimé que M. B... n'était pas en capacité de reprendre son activité professionnelle et que " Cette pathologie pourrait faire l'objet d'un congé de longue maladie au titre de l'article 3 du fait de l'impossibilité d'exercer ses fonctions, de la nécessité d'un traitement et de soins prolongés et du caractère invalidant de l'affection ". Dans un courrier du 19 mars 2015, la société La Poste a informé son agent des conclusions de ce rapport d'expertise et lui a précisé que, s'il le souhaitait, il pouvait déposer une demande pour bénéficier d'un congé de longue maladie, à défaut de quoi, il serait maintenu en congé de maladie ordinaire puis placé en disponibilité d'office. M. B... a présenté une demande de congé de longue maladie. Le 27 avril 2015, le résultat du comité médical lui a été communiqué par la société La Poste. Il lui a été indiqué que les médecins, au vu des différentes expertises médicales, avaient émis un avis défavorable à sa demande de congé de longue maladie, sa pathologie " n'ouvrant pas droit à ce type de congé ". Dans ce courrier, il était ajouté " cet avis fait l'objet d'une décision n° 111 du 22 avril 2015 qui vous parviendra ultérieurement ". Si la décision litigieuse a été signée le 30 avril 2015 par le directeur régional du réseau de la société La Poste de Basse Normandie, elle porte néanmoins en entête le n° 111 et la date du 22 avril 2015. Par suite, compte tenu de ces mentions, et eu égard à l'absence d'autres motifs évoqués dans la décision du 30 avril 2015, le directeur régional du réseau de la société La Poste de Basse Normandie doit être regardé comme s'étant estimé, à tort, lié par l'avis du comité médical. Il a ainsi méconnu sa propre compétence. M. B... est dès lors fondé à soutenir que la décision du 30 avril 2015 est entachée d'illégalité à raison de ce motif.

4. En second lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte du rapport rédigé le 9 mars 2015, par le docteur Ollivier, rhumatologue mandaté par la société La Poste, que M. B... conservait à la suite de son accident, des douleurs persistantes et une gêne fonctionnelle limitant ses mouvements de l'épaule en abduction et en élévation. Un scanner a d'ailleurs confirmé l'absence de consolidation du foyer de la fracture, la présence d'une pseudarthrose et la nécessité d'une reprise chirurgicale en vue d'une greffe osseuse. Dans son rapport du 27 août 2015, le même médecin a souligné que M. B... ne pouvait utiliser son membre supérieur gauche et devait éviter le port de charges lourdes. Ainsi, à la date de la décision litigieuse, M. B... était dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et son état de santé nécessitait la poursuite d'un traitement et de soins médicaux. Toutefois, ces seules constatations, ne permettent pas d'établir que la pathologie de M. B... présentait un caractère de " gravité confirmée ". Si le requérant se prévaut en appel d'un certificat établi le 14 février 2018 par le docteur Lahaye, indiquant que sa pathologie présentait un " caractère invalidant et une gravité confirmée ", il est constant que cette pièce a été rédigée à la demande de M. B..., par son médecin traitant, et après la lecture du jugement attaqué, soit plusieurs années après la décision litigieuse. Par suite, le requérant n'établit pas qu'il remplissait l'ensemble des conditions prévues par les dispositions précitées du 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 reprises à l'article 3 de l'arrêté du 14 mars 1986 pour bénéficier d'un congé de longue maladie. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande et en le plaçant en disponibilité d'office pour une durée de six mois à compter du 7 avril 2015, le directeur régional du réseau de la société La Poste de Basse Normandie aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les conclusions indemnitaires de M. B... :

5. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'incompétence, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision administrative illégale.

6. Eu égard à ce qui a été dit aux points 2 à 4, la décision du 30 avril 2015 aurait pu légalement être prise sur le fondement des dispositions précitées du 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 3 de l'arrêté du 14 mars 1986. Ainsi, en se prévalant d'une perte de rémunération, y compris en matière de retraite, consécutive à son placement en disponibilité d'office et d'un préjudice moral résultant du refus de la société La Poste de lui accorder un congé de longue maladie, M. B... ne justifie pas de préjudices en lien direct et certain avec l'illégalité tirée de l'erreur de droit mentionnée au point 3 du présent arrêt.

7. Il résulte de ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société La Poste à lui verser la somme de 59 623,19 euros.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... le versement à la société La Poste de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société La Poste tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la société La Poste.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00465
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP ARES BOIS COLLET LEDERF-DANIEL LE DANTEC

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-12-17;18nt00465 ?
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