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06/12/2019 | FRANCE | N°17NT03363

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 décembre 2019, 17NT03363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association hospitalière de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 11 juin 2013 par laquelle le préfet des Côtes-d'Armor s'est opposé au legs consenti à son profit par Mme C... B....

Par un jugement n°1302891 du 7 septembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2017 l'association hospitalière de Bretagne, représentée par Me D..., demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 septembre 2017 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association hospitalière de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 11 juin 2013 par laquelle le préfet des Côtes-d'Armor s'est opposé au legs consenti à son profit par Mme C... B....

Par un jugement n°1302891 du 7 septembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2017 l'association hospitalière de Bretagne, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 septembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 11 juin 2013 du préfet des Côtes-d'Armor ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 11 juin 2013 a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée : elle comprend une motivation standard qui ne comporte pas l'énoncé précis et complet des considérations de fait la motivant ;

- la décision du 11 juin 2013 est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en ce que l'association hospitalière de Bretagne est un établissement de santé et un établissement médico-social ; le préfet aurait donc dû faire application du régime de l'autorisation prévu au 1er alinéa de l'article 910 du code civil ; est indifférent le fait que l'association ne soit pas une association de bienfaisance ou d'assistance.

Par un mémoire enregistré le 4 octobre 2019 le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par l'association hospitalière de Bretagne ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'association hospitalière de Bretagne.

Considérant ce qui suit :

1. L'association hospitalière de Bretagne relève appel du jugement du 7 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 juin 2013 du préfet des Côtes-d'Armor qui s'est opposé à son acceptation du legs consenti le 29 mars 2006 par Mme C... B..., décédée le 3 novembre 2011.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, la décision contestée est signée par M. Gérard Derouin, secrétaire général de la préfecture des Côtes d'Armor, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet des Côtes-d'Armor en vertu d'un arrêté du 25 juin 2012, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 126, pour signer en toutes matières, tous actes et correspondances à l'exception de certains actes, parmi lesquels ne figure pas la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

3. En deuxième lieu, selon l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 en vigueur à la date de la décision contestée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ".

4. La décision contestée cite les dispositions de l'article 910 du code civil et du décret du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l'article 910 du code civil. Elle précise ensuite que l'association ne peut être regardée comme étant elle-même un établissement de santé, social ou médico-social dont les libéralités sont soumises à autorisation et qu'elle ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour avoir la capacité juridique à recevoir des libéralités. Enfin, elle mentionne que l'association n'est ni reconnue d'utilité publique, ni une association cultuelle ou une congrégation reconnue par décret et qu'elle ne bénéficie pas de la reconnaissance d'association d'assistance ou de bienfaisance. Dans ces conditions, la décision contestée est suffisamment motivée en droit et en fait.

5. En troisième lieu, selon l'article 910 du code civil dans sa rédaction applicable : " Les dispositions entre vifs ou par testament au profit des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux ou d'établissements d'utilité publique n'ont leur effet qu'autant qu'elles sont autorisées par arrêté du représentant de l'Etat dans le département./ Toutefois, les dispositions entre vifs ou par testament au profit des fondations, des congrégations et des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités et, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, des établissements publics du culte et des associations inscrites de droit local, à l'exception des associations ou fondations dont les activités ou celles de leurs dirigeants sont visées à l'article 1er de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, sont acceptées librement par celles-ci. / Si le représentant de l'Etat dans le département constate que l'organisme légataire ou donataire ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour avoir la capacité juridique à recevoir des libéralités ou qu'il n'est pas apte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire, il peut former opposition à la libéralité, dans des conditions précisées par décret, la privant ainsi d'effet. ".

6. Par ailleurs, selon l'article 2 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l'article 5. ". L'article 6 de la même loi précise : " Toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, (...) ester en justice, recevoir des dons manuels ainsi que des dons d'établissements d'utilité publique, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics : 1° Les cotisations de ses membres ; 2° Le local destiné à l'administration de l'association et à la réunion de ses membres ; 3° Les immeubles strictement nécessaires à l'accomplissement du but qu'elle se propose. Les associations déclarées qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale peuvent accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Les articles 10 et 11 de cette loi prévoient que les associations reconnues d'utilité publique par décret en Conseil d'Etat peuvent recevoir des dons et legs dans les conditions prévues à l'article 910 du code civil.

7. Enfin, aux termes de l'article L.312-1 du code de l'action sociale et des familles : " I. Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : 1° Les établissements ou services prenant en charge habituellement, y compris au titre de la prévention, des mineurs et des majeurs de moins de vingt et un ans (...) / 2° Les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation ; / 3° Les centres d'action médico-sociale précoce mentionnés à l'article L.2132-4 du code de la santé publique ; / 4° Les établissements ou services mettant en oeuvre les mesures éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que l'association hospitalière de Bretagne, association à but non lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901, a été constituée le 28 mai 1993 et a pour objet, selon l'article 2 de ses statuts, d'une part, la gestion de plusieurs établissements de santé et médico-sociaux et, d'autre part, la location de son patrimoine immobilier à titre onéreux, le développement d'activités de formation et de toute activité connexe, accessoire ou nécessaire à celles-ci en gestion propre distincte des budgets de ses établissements. S'il est constant qu'elle assure dans ce cadre, entre autres, la gestion du foyer d'accueil médicalisé de Châteauneuf du Faou, établissement médico-social au titre duquel a été consenti le legs en litige, l'association requérante n'est elle-même, contrairement à ce qu'elle soutient, ni un établissement de santé ni un établissement médico-social au sens de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles rappelé ci-dessus. A cet égard, la circonstance que cette association est répertoriée au fichier national des établissements sanitaires et sociaux (fichier FINESS), les établissements de santé et médico-sociaux gérés par elle disposant chacun d'un numéro d'identification, est sans incidence. Par suite, elle ne relevait pas du champ d'application du premier alinéa de l'article 910 du code civil cité ci-dessus, et ne pouvait prétendre bénéficier du régime de l'autorisation qui y est défini.

9. Par ailleurs, l'association hospitalière de Bretagne n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle entrerait dans le champ d'application de l'alinéa 2 de l'article 910 du code civil, et, en particulier, n'établit pas qu'elle aurait pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale au sens des dispositions ci-dessus rappelées de la loi du 1er juillet 1901. Ainsi, c'est à juste titre que le préfet des Côtes-d'Armor, après avoir constaté qu'il ne pouvait accorder d'autorisation au titre du legs consenti par Mme C... B..., s'est opposé à cette libéralité.

10. Il résulte de ce qui précède que l'association hospitalière de Bretagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance, au titre des frais exposés par l'association hospitalière de Bretagne et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association hospitalière de Bretagne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association hospitalière de Bretagne et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme F..., présidente-assesseure,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 décembre 2019.

La rapporteure

N. F...Le président

I. Perrot

Le greffier

M. E...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17NT033632

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03363
Date de la décision : 06/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELAS BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-12-06;17nt03363 ?
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