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28/11/2019 | FRANCE | N°19NT01644

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 novembre 2019, 19NT01644


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2018 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 1811976 du 2 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 14 novembre 2018 (a

rticle 1er), enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder à un nouvel examen de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2018 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 1811976 du 2 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 14 novembre 2018 (article 1er), enjoint au préfet de Maine-et-Loire de procéder à un nouvel examen de la situation personnelle de Mme E... et de sa demande de délivrance d'une carte de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 2) et rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2019, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a considéré que l'arrêté du 14 novembre 2018 était entaché d'un défaut d'examen ;

- les autres moyens soulevés par Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes ne sont pas fondés ;

- il s'en remet, s'agissant de ces moyens, à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2019, Mme A... E..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil de la somme de 1 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen relatif au motif d'annulation de l'arrêté, qui soulevé par le préfet de Maine-et-Loire, n'est pas fondé ;

- l'arrêté du 14 novembre 2018 a été pris en méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par le droit de l'Union européenne ;

- l'arrêté du 14 novembre 2018 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une décision du 1er juillet 2019, Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me B..., substituant Me D..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante géorgienne née le 29 mars 1959, déclare être irrégulièrement entrée en France le 29 mars 2016. Elle a sollicité l'asile qui lui a été refusé par une décision du 31 octobre 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par un arrêt du 28 juin 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 14 novembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai, en application des dispositions du 1 et du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement du 2 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté (article 1er) et a enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la situation personnelle de l'intéressée et de sa demande de délivrance d'une carte de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement (article 2). Le préfet de Maine-et-Loire relève appel de ce jugement.

2. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté que le préfet de Maine-et-Loire a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée. Si Mme E... a fait valoir que le préfet n'a pas tenu compte de l'existence de ses démarches entreprises pour déposer une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, cette circonstance ne suffit pas à établir que le préfet ne se serait pas livré à un tel examen des circonstances de l'espèce. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 14 novembre 2018.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur les moyens dirigés contre l'arrêté du 14 novembre 2018 dans son ensemble :

4. En premier lieu, cet arrêté a été signé par M. Gauci, secrétaire général de la préfecture de Maine-et-Loire. Il disposait pour ce faire d'un arrêté de délégation du 27 août 2018, régulièrement publié. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort de la lecture de l'arrêté en litige qu'il énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, Mme E... fait valoir que le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision d'une erreur de fait, en indiquant à tort dans son arrêté qu'elle ne s'était pas présentée au rendez-vous fixé au 10 octobre 2018, au cours duquel elle devait déposer une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Elle produit à ce titre une attestation de la personne qui l'a accompagnée au guichet de la préfecture. Toutefois, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il est constant que le préfet n'était, à la date de la décision contestée, pas saisi d'une demande de titre de séjour. Par suite, ce moyen doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (10 septembre 2013, affaire n° C-383/13) qu'une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., qui n'avait jamais fait part de problèmes de santé tout au long de la procédure d'examen de sa demande d'asile, a sollicité, par la voie informatique, deux jours seulement après la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant sa demande, un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Mme E..., qui a obtenu un premier rendez-vous en préfecture le 10 octobre 2018, fait valoir qu'elle s'est présentée à ce rendez-vous et qu'elle n'a pas pu déposer son dossier de demande de titre de séjour en raison de l'absence de traduction de son acte de naissance. Elle a alors sollicité le 29 octobre 2018, par la voie informatique, un second rendez-vous qui a été fixé au 9 janvier 2019. Si Mme E... soutient qu'elle n'a pas pu communiquer au préfet de Maine-et-Loire les éléments médicaux la concernant avant cet entretien du 9 janvier 2019, elle se borne cependant à produire un certificat médical établi par un médecin généraliste qui indique que son état de santé l'empêche de se déplacer et qu'elle doit être suivie en permanence par son médecin. Ce seul certificat, au demeurant postérieur au 9 janvier 2019, ne permet pas d'établir, compte tenu de son caractère peu circonstancié, que les éléments médicaux relatifs à son état de santé auraient pu conduire le préfet à ne pas prononcer à son encontre une mesure d'éloignement. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, Mme E... allègue que ses trois enfants résident en France et qu'elle est dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, mais ne verse aux débats aucun élément permettant d'établir la réalité de ses allégations. Au demeurant, il ressort des motifs de la décision contestée que Mme E... a déclaré ne pas connaître le lieu de résidence de deux de ses enfants, et que, s'agissant de son troisième enfant, sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée. Dans ces conditions, Mme E..., qui est entrée en France à l'âge de 57 ans, n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; ".

11. Ainsi qu'il a été rappelé au point 7 du présent arrêt, Mme E..., par la seule production d'un certificat médical peu circonstancié établi par un médecin généraliste, n'établit pas que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Sur les moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, si Mme E... soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'apporte aucune précision sur la nature de ces risques. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.

13. En second lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 14 novembre 2018.

Sur les frais liés aux litiges :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans cette instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... E....

Copie sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. C..., premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.

Le rapporteur,

H. C...Le président,

J-E. Geffray

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 19NT016442


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01644
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : RENARD OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-28;19nt01644 ?
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