Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... I..., Mme B... F..., épouse J..., Mme A... J... et M. E... I... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 21 novembre 2018 du préfet des Côtes d'Armor leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1806252, 1806253, 1806264 et 1806266 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée sous le numéro 19NT01498 le 16 avril 2019 Mme A... J..., représentée par Me Koukezian, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 mars 2019 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2018 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes d'Armor, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire et sous astreinte, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros.
Elle soutient que :
- la décision contestée portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2019, le préfet des Côtes d'Armor conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme J... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2019.
II - Par une requête enregistrée sous le numéro 19NT01499 le 16 avril 2019, M. E... I..., représenté par Me Koukezian, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 mars 2019 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2018 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes d'Armor, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire et sous astreinte, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros.
Il invoque les mêmes moyens que dans l'instance n°19NT01498 visée ci-dessus.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2019, le préfet des Côtes d'Armor conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
III - Par une requête enregistrée sous le numéro 19NT01500 le 16 avril 2019, Mme B... F..., épouse J..., représentée par Me Koukezian, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 mars 2019 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2018 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes d'Armor, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire et sous astreinte, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros.
Elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance n°19NT01498 visée ci-dessus.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2019, le préfet des Côtes d'Armor conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme J... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2019.
IV - Par une requête enregistrée sous le numéro 19NT01501 le 16 avril 2019, M. C... I..., représenté par Me Koukezian, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 mars 2019 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2018 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes d'Armor, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire et sous astreinte, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros.
Il invoque les mêmes moyens que dans l'instance n°19NT01498 visée ci-dessus.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2019, le préfet des Côtes d'Armor conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
V - Par une requête enregistrée sous le numéro 19NT01628 le 26 avril 2019, M. C... I..., Mme B... F..., épouse J..., Mme A... J... et M. E... I..., représentés par Me Le Vacon, présentent des conclusions identiques à celles des requêtes visées ci-dessus.
Par lettre du 24 mai 2019, Me Le Vacon a déclaré ne plus représenter les intéressés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter,
- les observations de Mme B... J..., de Mme A... J... et de M. C... I....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... I..., Mme B... F..., épouse J..., Mme A... J... et M. E... I..., ressortissants russes d'origine tchétchène, relèvent appel du jugement du 21 mars 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation des arrêtés du 21 novembre 2018 du préfet des Côtes d'Armor leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Les requêtes des consorts I... enregistrées sous les numéros 19NT01498, 19NT01499, 19NT01500, 19NT1501 et 19NT1628, dirigées contre un même jugement, présentent à juger des questions connexes et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur les requêtes n°19NT01499 et 19NT01501 :
2. En premier lieu, par le jugement attaqué du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevable la demande de M. C... I... au motif que, malgré la demande de régularisation qui lui avait été adressée, l'intéressé n'avait pas produit l'arrêté contesté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français. Devant la cour, M. I... se borne à contester la légalité de cet arrêté sans critiquer le motif d'irrecevabilité ainsi retenu par le premier juge. Par suite, les conclusions à fin d'annulation présentées dans la requête de l'intéressé ne peuvent qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3. En second lieu, par ce même jugement du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a également rejeté comme irrecevable la demande de M. E... I... pour le même motif que celui exposé au point précédent. L'intéressé, qui a effectivement fait l'objet d'un arrêté du 21 novembre 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dont il a demandé l'annulation au tribunal et qu'il a produit devant la cour, n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de produire l'arrêté contesté devant les premiers juges. Par suite, ces derniers ayant à bon droit constaté l'irrecevabilité de la demande de première instance de M. I..., les conclusions à fin d'annulation présentées dans la requête de l'intéressé ne peuvent qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les requêtes n° 19NT01498 et 19NT01500 :
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...). ".
5. Mme B... J... et son époux, ressortissants russes d'origine tchétchène comme il a été rappelé ci-dessus, sont entrés irrégulièrement en France le 28 novembre 2011 selon leurs déclarations, accompagnés de leurs trois enfants, dont Mme A... J... alors mineure. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir vu sa demande d'asile rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 juillet 2013 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 21 décembre 2015, Mme B... J... a demandé et obtenu un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de son état de santé. Elle en a obtenu régulièrement le renouvellement, tandis que ses deux enfants ainés, M. E... I... et Mme A... J..., désormais majeurs, ont obtenu des autorisations provisoires de séjour les autorisant à exercer une activité professionnelle. Mme A... J..., après une inscription à la mission locale de Saint-Brieuc le 10 mai 2016, a suivi une formation qualifiante et a obtenu un CAP d'agent polyvalent de restauration le 25 mai 2018. Il ressort également des pièces du dossier que celle-ci a tiré profit des autorisations provisoires de séjour régulièrement renouvelées jusqu'au 1er juillet 2018 pour travailler dans le secteur de la restauration dans le cadre de contrats à durée déterminée, le dernier en date étant celui conclu pour un emploi d'adjoint technique territorial avec le centre de gestion de la fonction publique territoriale des Côtes d'Armor le 21 juin 2018. Ce contrat à durée déterminée n'a cependant pas pu être reconduit en raison du non-renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour dont bénéficiait jusqu'alors Mme A... J... et qui lui permettait de subvenir aux besoins de sa famille. La situation de son frère E... a été identique, chacun des deux enfants ayant ainsi pu, durant environ deux ans, travailler, s'insérer professionnellement et personnellement dans la société tout en subvenant aux besoins de ses deux parents malades et handicapés. Par ailleurs, la famille dispose d'attaches familiales en France, le frère de M. I... vivant en France sous couvert d'une carte de résident de dix ans après qu'il a obtenu le statut de réfugié. Enfin, les nombreuses attestations versées au dossier émanant notamment de responsables associatifs, attestent de la bonne intégration de la famille en France depuis son arrivée sur le territoire en 2011. Dans les circonstances particulières de l'espèce, en raison notamment de la durée et des conditions de séjour régulières en France de Mme A... J... et de sa mère Mme B... J..., le préfet a, en prenant les décisions contestées sans reconnaître le caractère relativement exceptionnel de la situation des intéressées et des autres membres de leur famille, commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes n° 19NT01498 et 19NT01500, que, tandis que les requêtes n°19NT01499 et 19NT01501 ne peuvent qu'être rejetées pour les motifs exposés aux points 2 et 3, Mmes A... et B... J... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 21 novembre 2018 les concernant.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'annulation des arrêtés du 21 novembre 2018 concernant Mmes A... et B... J... implique, eu égard à son motif, qu'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " soit délivré aux intéressées dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mmes A... et B... J... de la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions de la requête n° 19NT01628 :
9. Compte tenu des conclusions sur lesquelles il a été statué dans les requêtes n° 19NT01498, 19NT01499, 19NT01500 et 19NT01501, les conclusions de la requête n° 19NT01628, qui font double emploi, sont dépourvues d'objet. Dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19NT01628.
Article 2 : Les arrêtés du 21 novembre 2018 pris par le préfet des Côtes d'Armor à l'encontre de Mmes A... et B... J... sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Côtes d'Armor de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mmes A... et B... J... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme globale de 2 000 euros à Mmes A... et B... J... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les requêtes n°19NT01499 et 19NT01501 et le surplus des conclusions des requêtes n° 19NT01498 et 19NT01500 sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... I..., à Mme B... F..., épouse J..., à Mme A... J..., à M. E... I... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Côtes d'Armor.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
La rapporteure
N. Tiger-Winterhalter
Le président
I. Perrot
Le greffier
M. Laurent
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19NT01498-19NT01499-19NT01500-19NT01501-19NT016282