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26/11/2019 | FRANCE | N°18NT01343

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 novembre 2019, 18NT01343


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M... F..., née B..., Mme H... G..., née B..., Mme N... K..., née G... et Mme L... D..., née G... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 3 mai 2016 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a accordé à M. J... B... l'autorisation d'exploiter à titre individuel 94 ha, 42 a 12 ca de terres agricoles situées sur le territoire des communes de Santilly, Bougy Lez Neuville, Sougy et Villereau.

Par un jugement n°1601996 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléa

ns a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M... F..., née B..., Mme H... G..., née B..., Mme N... K..., née G... et Mme L... D..., née G... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 3 mai 2016 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a accordé à M. J... B... l'autorisation d'exploiter à titre individuel 94 ha, 42 a 12 ca de terres agricoles situées sur le territoire des communes de Santilly, Bougy Lez Neuville, Sougy et Villereau.

Par un jugement n°1601996 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 avril 2018 et le 25 juillet 2019, Mmes F..., G..., K... et D..., représentées par la SCP Pichard- Devémy-Karm, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 janvier 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 3 mai 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les nues-propriétaires de la parcelle située sur la commune de Santilly n'ont pas été informées par Guillaume B... de sa demande d'autorisation d'exploiter cette parcelle ; le courrier de la Direction départementale des territoires d'Eure-et-Loir du 9 mars 2016 adressé à l'avocat des usufruitières ne peut tenir lieu d'une telle information ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;

- l'arrêté est mal fondé dès lors qu'il a pour but la cession des baux de M. E... B... à son fils, M. J... B..., alors que le père n'est pas un preneur de bonne foi, et qu'il constitue une manoeuvre pour empêcher les fils de Mme F... d'exploiter ces terres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable en tant que les requérantes demandent l'annulation de l'arrêté du préfet dans sa totalité, leur recours devant se limiter aux terres sur lesquelles elles détiennent des droits, et qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérantes n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a déposé le 12 janvier 2016 auprès du préfet d'Eure-et-Loir une demande d'autorisation d'exploiter 94 ha 42 a 12 ca de terres situées sur le territoire des communes de Santilly, Bougu Lez Neuville et Sougy mises en valeur jusque là par son père, M. E... B.... Ce dernier est propriétaire de 19 ha 93 a 18 ca, tandis que des baux ruraux lui ont été consentis sur le restant de la superficie, dont 6 ha 90 a 50 ca appartenant à Mme O..., 12 ha 98 a 30 ca faisant l'objet d'un démembrement de propriété entre Mme H... G..., soeur de M. E... B..., usufruitière et ses deux filles Mmes K... et A... D..., nu-propriétaires, et 55 ha 09 a 38 ca appartenant en indivision à M. E... B... et à ses soeurs, Mmes H... G... et M... F.... Par un arrêté du 3 mai 2016, le préfet a délivré à Guillaume B... l'autorisation sollicitée. Mme G... et ses deux filles, Mmes K... et D..., relèvent appel du jugement du 25 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2016.

Sur la légalité de la décision contestée :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : " La demande de l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 est établie selon le modèle défini par le ministre de l'agriculture et accompagnée des éléments justificatifs dont la liste est annexée à ce modèle. Si la demande porte sur des biens n'appartenant pas au demandeur, celui-ci doit justifier avoir informé par écrit de sa candidature le propriétaire. (...) /Après avoir vérifié que le dossier comporte les pièces requises en application du premier alinéa, le service chargé de l'instruction l'enregistre et délivre au demandeur un récépissé. Il informe le demandeur, le propriétaire et le preneur en place qu'ils peuvent présenter des observations écrites et, à leur demande, être entendus par la commission départementale d'orientation de l'agriculture, devant laquelle ils peuvent se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix ".

3. Il est constant que M. J... B... a, par deux courriers du 11 décembre 2015, informé Mmes G... et F..., propriétaires en indivision avec M. E... B..., son père, d'une superficie de 55 ha 09 a 38 ca qu'il s'est porté candidat pour exploiter ces terres. Par un troisième courrier du même jour, il a informé Mme G... de sa candidature pour exploiter une superficie de 12 ha 98 a 30 ca dont elle a seulement l'usufruit, omettant ainsi d'informer de sa candidature les filles de Mme G..., Mmes K... et D..., qui sont les nues-propriétaires de ces mêmes terres. Ainsi, ces dernières n'ont-elles pas bénéficié de l'information prévue par l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que par un courrier du 16 mars 2016, antérieur à la réunion de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, Mmes K... et D... ont fait part à la direction départementale des territoires de leur " opposition catégorique " à l'exploitation des terres leur appartenant en nue-propriété par M. E... B... pour des motifs qu'elles exposent. Ainsi, l'irrégularité dont est entachée la procédure à l'issue de laquelle M. B... a obtenu l'autorisation d'exploiter sollicitée n'a-t-elle privé Mmes K... et D... d'aucune garantie. Par suite, doit être écarté le moyen tiré du défaut d'information des nues-propriétaires.

4. En deuxième lieu, selon le II de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige : " La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3 ". Selon l'article L. 331-3 du même code, dans sa version applicable au litige : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; 9° Tenir compte de l'intérêt environnemental de l'opération ". Par ailleurs, l'article 2 du schéma directeur départemental des structures des exploitations agricoles d'Eure-et-Loir prévoit que bénéficient de la priorité " les installations, y compris progressives, d'agriculteurs avec un projet viable ; et prioritairement les installations de jeunes qui répondent aux conditions prévues pour l'octroi des aides à l'installation (notamment de formation et de capacité professionnelle ".

5. Pour accorder à M. J... B... l'autorisation d'exploiter 94 ha 42 a 12 ca de terres précédemment mises en valeur par M. E... B..., le préfet d'Eure-et-Loir s'est fondé sur les priorités du schéma départemental des structures agricoles et sur la circonstance que le demandeur envisage une installation à titre individuel. Si les requérantes font valoir qu'une telle motivation n'est pas suffisante, dès lors qu'elle ne précise pas si le demandeur remplit les exigences de capacité ou d'expérience professionnelle, le niveau de qualification professionnelle agricole n'est pas au nombre des critères énoncés à l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime permettant de justifier l'octroi ou le refus de l'autorisation d'exploiter. Dès lors, l'arrêté litigieux est suffisamment motivé.

6. En troisième et dernier lieu, la législation du contrôle des structures des exploitations agricoles et celle des baux ruraux étant indépendantes l'une de l'autre, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que l'autorisation d'exploiter a été présentée par M. J... B... afin que son père lui cède l'ensemble des baux en vertu desquels il exploite actuellement les terres et que cette manoeuvre aurait pour objectif de leur porter préjudice et d'empêcher les fils de Mme F... d'exploiter ces terres, ces derniers n'ayant d'ailleurs déposé aucune demande d'exploiter les terres concurrente à celle de M. B....

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir partielle opposée par le ministre chargé de l'agriculture, que les requérante ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2016 par lequel le préfet d'Eure et Loir a accordé à M. J... B... l'autorisation d'exploiter à titre individuel 94 ha, 42 a 12 ca de terres agricoles situées sur le territoire des communes de Santilly, Bougy Lez Neuville, Sougy et Villereau.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme F... et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme M... F..., à Mme H... G..., à Mme N... K..., à Mme L... D..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. J... B....

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme P..., présidente,

- M. C..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 novembre 2019.

Le rapporteur

A. C...

La présidente

N. P... Le greffier

M. I...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°18NT01343


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01343
Date de la décision : 26/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP PICHARD DEVEMY KARM

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-26;18nt01343 ?
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