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05/11/2019 | FRANCE | N°19NT02257

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 05 novembre 2019, 19NT02257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1901727 du 16 avril 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2019,

M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1901727 du 16 avril 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 avril 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 avril 2019 portant transfert vers l'Allemagne ;

3°) d'enjoindre à la préfète d'Ille-et-Vilaine de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer un titre de séjour provisoire sur ce fondement dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article 5 de la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 ont été méconnues dès lors que le guide du demandeur d'asile contient des informations qui ne figurent pas dans les brochures A et B remises aux demandeurs d'asile placés en procédure Dublin ;

- la décision contestée est contraire aux stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 17 du règlement du 26 juin 2013 dans la mesure où sa demande d'asile a été rejetée en Allemagne et qu'un climat de violence généralisée règne à Kaboul.

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à la préfète d'Ille-et-Vilaine, pour laquelle il n'a pas été produit de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier et notamment le courrier de la préfète d'Ille-et-Vilaine du 11 septembre 2019 indiquant que M. B... devait être regardé comme étant en fuite.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 16 avril 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de remise aux autorités allemandes :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle il décide la réadmission de l'intéressé dans l'Etat membre responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre, le 11 mars 2019, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel réalisé par l'intermédiaire d'un interprète en langue dari, qu'il a déclaré comprendre, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. La circonstance que le guide du demandeur d'asile ne lui a pas été remis ne saurait vicier la procédure dès lors que cette brochure est destinée aux ressortissants étrangers dont la demande d'asile est instruite en France et non à ceux relevant de la procédure dite " Dublin " dont la demande d'asile à vocation à être instruite dans un autre pays européen. Par conséquent, M. B..., qui a bénéficié des garanties d'information prévues aux articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013 précité, n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait contraire aux stipulations de l'article 5 de la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, lesquelles ne lui seront applicables qu'en Allemagne.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".

6. Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

7. Si l'Allemagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

8. En se bornant à soutenir que sa demande d'asile en Allemagne a été rejetée et qu'il est originaire de Kaboul, M. B... n'établit pas que la décision contestée serait contraire aux dispositions des articles 3 du règlement du 26 juin 2013 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

10. Les seules circonstances invoquées au point 8, ne suffisent pas à établir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant sa remise aux autorités allemandes, la préfète d'Ille-et-Vilaine aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 17 du règlement du 26 juin 2013 et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert du 8 avril 2019.

Sur le surplus des conclusions :

12. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à la préfète d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, 5 novembre 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02257
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : TUYAA BOUSTUGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-05;19nt02257 ?
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