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05/11/2019 | FRANCE | N°18NT03092

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 novembre 2019, 18NT03092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Colomby-Anguerny à lui verser une somme de 25 241 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2016, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la délivrance fautive, le 24 février 2014, d'un certificat d'urbanisme positif.

Par un jugement n° 1602471 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Colomby-Anguerny à lui verser la somme de 15

241,58 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2016....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Colomby-Anguerny à lui verser une somme de 25 241 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2016, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la délivrance fautive, le 24 février 2014, d'un certificat d'urbanisme positif.

Par un jugement n° 1602471 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Colomby-Anguerny à lui verser la somme de 15 241,58 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 août 2018 et le 25 février 2019, la commune de Colomby-Anguerny, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 14 juin 2018 en tant qu'il a prononcé une condamnation à son encontre ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Caen ou, à défaut, de ramener les sommes à verser à de plus justes proportions ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute en délivrant le certificat d'urbanisme du 24 février 2014 ;

- M. B... s'est abstenu de se référer aux dispositions du règlement du plan applicables à la zone Ae et de s'assurer de la conformité de son projet à la réglementation alors que son attention avait été appelée sur la condition de nécessité de l'habitation à laquelle la construction projetée était subordonnée de sorte qu'elle devra être exonérée de sa responsabilité ;

- les frais de géomètres sont liés à la division parcellaire qui a été effectivement réalisée si bien qu'ils n'ont pas été exposés en pure perte et revêtent une utilité dans le cas où un projet conforme aux articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme serait présenté ; de plus, ils sont sans lien avec l'illégalité du certificat d'urbanisme alléguée ;

- la conception du projet de construction élaborée par un architecte pourra être utilisée ultérieurement de sorte que les frais afférents n'ont pas été exposés en pure perte ;

- le décaissement effectif des sommes correspondant aux préjudices à l'indemnisation desquels elle a été condamnée n'est pas établi ;

- le poste de préjudice lié aux frais d'architecte se limite à 1 430 euros hors taxes ;

- les conclusions incidentes tendant à l'indemnisation du préjudice moral et des intérêts qu'il aurait pu percevoir s'il avait placé les sommes correspondant aux dépenses inutilement exposée doivent être rejetées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 février 2019 et le 6 mars 2019, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il limite à la somme de 15 241,58 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Colomby-Anguerny et de porter cette indemnité à la somme de 25 241 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Colomby-Anguerny une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés ;

- il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence et perdu les intérêts qu'il aurait perçus si la somme de 15 000 euros, dépensée pour les frais de géomètre et d'expert, était demeurée sur son compte bancaire.

Par une ordonnance du 25 février 2019, la clôture d'instruction a été reportée au 7 mars 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la commune de Colomby-Anguerny.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui exploite des terres agricoles situées sur le territoire de la commune de Colomby-sur-Thaon, devenue la commune nouvelle de Colomby-Anguerny, a sollicité la délivrance d'un certificat d'urbanisme dit opérationnel portant sur la construction, sur une partie de la parcelle cadastrée AC 136, située 17 rue de l'Eglise sur le territoire de l'ancienne commune de Colomby-sur-Thaon, d'une maison individuelle d'habitation en lien avec son activité agricole. Le 24 février 2014, le maire de cette commune a certifié que le terrain faisant l'objet de la demande pouvait être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée. Après avoir obtenu une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée le 15 mai 2014 et portant sur le " détachement d'un terrain à bâtir de 1 390 m² pour la construction d'une habitation de l'exploitant et d'un siège d'exploitation pour une activité agricole ", M. B... a formé une demande de permis de construire, sur le terrain situé 17 rue de l'Eglise, une maison à usage d'habitation et accueillant le siège de son exploitation agricole. Par un arrêté du 11 septembre 2014, le maire de Colomby-sur-Thaon a refusé de délivrer le permis sollicité au motif que le projet de construction n'était ni lié et nécessaire à une exploitation agricole ni indispensable à l'activité d'un siège agricole. Le recours contentieux formé par l'intéressé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Caen du 1er juin 2017, confirmé par un arrêt de la cour, devenu définitif, du 4 mai 2018. La commune de Colomby-Anguerny relève appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen l'a condamnée à verser à M. B... la somme de 15 241,58 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2016, en réparation des préjudices subis par l'intéressé du fait des informations portées dans le certificat d'urbanisme du 24 février 2014. Par la voie de l'appel incident, M. B... demande la réformation du jugement en tant qu'il n'a donné qu'une satisfaction partielle à ses prétentions indemnitaires.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article R. 410-1 du même code : " Dans le cas prévu au b de l'article L. 410-1, la demande est accompagnée d'une note descriptive succincte de l'opération indiquant, lorsque le projet concerne un ou plusieurs bâtiments, leur destination et leur sous-destination définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 et leur localisation approximative dans l'unité foncière ainsi que, lorsque des constructions existent sur le terrain, un plan du terrain indiquant l'emplacement de ces constructions. ".

3. D'une part, il résulte de l'instruction que le terrain visé par la demande de certificat d'urbanisme est situé en zone A du plan local d'urbanisme dont le règlement de zone interdit les constructions ou installations nouvelles qui ne seraient pas liées et nécessaires à une exploitation agricole et n'autorise les constructions à usage d'habitation qu'à la condition qu'elles soient indispensables à l'activité d'un siège agricole. Le certificat d'urbanisme déclare réalisable une opération décrite, dans la demande, comme consistant en une " construction à usage d'habitation principale en lien avec l'activité agricole pérenne " et devant permettre " une réactivité, ainsi qu'une sécurisation des installations (...) nécessaires à l'activité ". Toutefois, alors que le contenu de la demande ne permettait pas au service d'appréhender le lien de nécessité à l'exploitation agricole de l'opération faisant l'objet de la demande, lequel lien doit être apprécié au regard de la nature et du fonctionnement de l'exploitation agricole, le certificat ne formule aucune précision ni n'émet aucune réserve sur ce lien. Ainsi, en se bornant à déclarer réalisable une opération pourtant susceptible ne pas être conforme aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme relatives aux utilisations du sol interdites ou soumises à condition, le maire de Colomby-sur-Thaon a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité publique.

4. D'autre part, les certificats d'urbanisme sont délivrés pour dispenser le public de la consultation directe des divers documents composant le plan local d'urbanisme. La commune de Colomby-Anguerny ne saurait, en conséquence, et alors même que le certificat indique la nécessité de solliciter la délivrance d'un permis de construire, faire valoir qu'en s'abstenant de se référer aux dispositions du règlement de la zone A, secteur Ae, M. B... aurait commis une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité. En revanche, il résulte des termes de la demande de certificat d'urbanisme que M. B... a présenté son projet comme nécessaire à son activité agricole pour des raisons de réactivité sans toutefois apporter la moindre précision sur la nature et les contraintes de cette activité qui impliqueraient une réactivité telle que sa présence permanente, et par suite, son habitation au sein de l'exploitation seraient impératives. La demande fait également état de considérations liées à la sécurisation d'installations, décrites de manière générique, sans mettre l'administration à même de correctement les considérer. Ainsi, en présentant son projet comme " lié " et " nécessaire " à son exploitation agricole sans apporter d'indications précises au soutien de cette description, M. B... a commis une imprudence qui, dans les circonstances de l'espèce, atténue la responsabilité de la commune pour moitié.

Sur les préjudices :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. B... s'est acquitté d'une somme de 13 728 euros correspondant aux honoraires de l'architecte ayant procédé aux études préliminaires et études d'avant-projet nécessaires à la conception du projet de maison et à la constitution du dossier de la demande de permis de construire. Eu égard au motif de refus du permis de construire, exposé au point 1 du présent arrêt, la commune de Colomby-Anguerny ne peut sérieusement soutenir qu'il est loisible à M. B... de déposer une nouvelle demande de permis de construire portant sur un projet " revu " de sorte que les prestations ainsi facturées en vue de l'élaboration de la demande de permis conserveraient une utilité pour l'intéressé. Par ailleurs, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les études préalables à la constitution du dossier de la demande présenteraient une utilité au regard d'autres projets personnels ou professionnels de M. B.... Dès lors, les frais d'architecte engagés, lesquels sont la conséquence directe de la faute commise dans la délivrance du certificat d'urbanisme positif du 24 février 2014, constituent un préjudice indemnisable s'élevant à 13 728 euros.

6. En deuxième lieu, les frais de géomètre engagés le 19 mars 2014 en vue de la création d'un lot destiné à être bâti et consistant en l'établissement du dossier de parcellisation et du dossier de déclaration préalable, le bornage et la constitution du dossier de publicité foncière, présentent avec le certificat d'urbanisme positif délivré le 24 février 2014 un lien direct que la déclaration préalable déposée le 15 mai 2014 relative au détachement du terrain à bâtir n'a pas eu pour effet de rompre. Aucun élément de l'instruction ne permet d'établir que ces dépenses, exposées en vue du projet de construction de maison d'habitation de M. B..., présenteraient pour ce dernier une utilité autre. Elles constituent, par conséquent, un préjudice indemnisable à hauteur de 1 513,58 euros.

7. En dernier lieu, le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence allégués par M. B... ne sont pas établis. Il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'en l'absence de délivrance du certificat d'urbanisme litigieux, M. B..., qui, ainsi que cela ressort de ses propres écritures, avait le projet de quitter le domicile de sa mère et de s'établir dans sa propre maison, aurait placé les sommes correspondant aux frais de géomètre et d'architecte de sorte qu'il aurait été privé des produits résultant de placements financiers. M. B... n'est ainsi pas fondé à demander la réparation de ces chefs de préjudice.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, les conclusions d'appel incident présentées par M. B... doivent être rejetées et, d'autre part, compte tenu du partage de responsabilité retenu au ....

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Colomby-Anguerny, laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier le versement à la requérante de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés.

D E C I D E:

Article 1er : La somme de 15 241,58 euros que la commune de Colomby-Anguerny a été condamnée à verser à M. B... est ramenée à 7 620,79 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2016.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 14 juin 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : M. B... versera à la commune de Colomby-Anguerny la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Colomby-Anguerny ainsi que les conclusions d'appel incident présentées par M. B... et les conclusions de ce dernier présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié la commune de Colomby-Anguerny et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

M. A...'hirondel, premier conseiller,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.

Le rapporteur,

K. E...

Le président,

A. PEREZLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03092
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL AUGER VIELPEAU LE COUSTUMER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-05;18nt03092 ?
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