La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2019 | FRANCE | N°18NT00249

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 05 novembre 2019, 18NT00249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Saint-Lô à lui verser la somme de 72 250 euros en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite d'accidents de service et d'une maladie professionnelle.

Par un jugement n° 1601283 du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 22 janvier 2018 et 17 février 2019, M. D..., représen

té par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Cae...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Saint-Lô à lui verser la somme de 72 250 euros en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite d'accidents de service et d'une maladie professionnelle.

Par un jugement n° 1601283 du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 22 janvier 2018 et 17 février 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 24 novembre 2017 ;

2°) de condamner la commune de Saint-Lô à lui verser une somme de 72 250 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2016 et de leur capitalisation, en réparation de son préjudice ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Lô le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a omis de répondre sur ses conclusions indemnitaires concernant l'accident de service du 4 décembre 2008, la maladie professionnelle et l'accident de service du 14 octobre 2011 ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les tâches qui lui ont été confiées n'ont pas été conformes à la fiche de poste établie en vue de la reprise de son travail, ni aux restrictions du médecin de prévention ;

- la commune ne lui a pas fourni des outils et matériels compatibles avec son état de santé ;

- en décidant de le placer en congés de maladie ordinaire ou de longue durée pour les arrêts de travail prescrits à compter du 18 septembre 2014, sans le faire bénéficier des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 2014, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- il est en droit, même sans faute de la commune, d'obtenir la réparation des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, résultant des différents accidents de service qu'il a subis et de la maladie professionnelle qu'il a contractée ;

- la pathologie dont il souffre, et qui a justifié des arrêts de travail entre le 18 septembre 2014 et le 30 juin 2016, est en lien direct avec l'accident de service dont il a été victime le 14 octobre 2011 ;

- il n'a pas bénéficié des dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 pour les arrêts de travail compris entre le 18 septembre 2014 et la 30 juin 2016 et n'a pas perçu l'intégralité de son traitement ; sa perte financière s'élève à 906,02 euros entre juin et septembre 2015 ; il n'a bénéficié d'aucun avancement suite aux accidents de service dont il a été victime ; il a conservé à sa charge les dépassements d'honoraires facturés pour son opération du 17 septembre 2015, pour un montant de 800 euros ; son préjudice financier doit ainsi être évalué à la somme de 8 000 euros ;

- il a été placé en arrêt de travail pendant quarante-sept mois au titre de ses différents accidents de service et de sa maladie professionnelle et à mi-temps thérapeutique du 4 novembre 2013 au 3 février 2014 ; il est par suite fondé à solliciter une somme de 24 250 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire ;

- il est fondé à solliciter la somme de 20 000 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent ;

- il a enduré des souffrances physiques et morales dont la réparation doit être évaluée à 10 000 euros ;

- il a subi un préjudice d'agrément et des troubles dans ses conditions d'existence pouvant être évalués à 10 000 euros ;

- la prescription quadriennale, qui n'a pas été opposée en première instance, ne peut plus être invoquée en appel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2018, la commune de Saint-Lô, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conséquences dommageables de l'accident survenu en 2008 et de la maladie professionnelle de M. D... sont prescrites ;

- les moyens soulevés par l'intéressé ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par une lettre du 13 décembre 2018 que l'affaire était susceptible, à compter du 18 février 2019, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

La clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2019 par une ordonnance du même jour.

Le mémoire produit le 23 septembre 2019, après la clôture d'instruction, pour M. D... n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant M. D...,

- et les observations de Me C..., substituant Me F..., représentant la commune de Saint-Lô.

Une note en délibéré, présentée pour M. D..., a été enregistrée le 18 octobre 2019.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Saint-Lô, a été enregistrée le 23 octobre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., adjoint technique de 1ère classe, né en 1975, a exercé les fonctions de peintre en bâtiment au service des ateliers municipaux de Saint-Lô à compter du 4 mars 2002. Le 4 décembre 2008, il a été victime d'un accident reconnu imputable au service lui occasionnant une lésion aigue de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche. Parallèlement, le syndrome du canal carpien gauche dont il souffre a été reconnu comme maladie professionnelle. Le 8 octobre 2010, la commission de réforme a estimé que son état de santé était consolidé avec séquelles au 2 juillet 2010. Le 14 octobre 2011, alors qu'il démontait un échafaudage, M. D... a ressenti une vive douleur au niveau des deux épaules et de l'épicondyle gauche ainsi qu'une cervicalgie aigue. Le 16 décembre 2011, la commission de réforme a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Par arrêté du 25 octobre 2013, l'intéressé a été autorisé à compter du 4 novembre 2013 à exercer ses fonctions à mi-temps partiel thérapeutique pour une durée de trois mois. Suite au rapport d'expertise du 12 février 2014, le maire de Saint-Lô a estimé que M. D... devait réintégrer son travail à temps plein. L'état de santé de l'intéressé, à la suite de son accident du 14 octobre 2011, a été déclaré consolidé au 23 juin 2014 avec une incapacité permanente partielle (IPP) de 10 %. M. D... a été en arrêt de travail du 18 septembre au 23 novembre 2014, du 10 au 13 février 2015, du 9 au 10 avril 2015 puis du 30 avril au 30 juin 2016. L'intéressé a déposé, les 9 et 30 avril 2015, de nouvelles déclarations d'accident du travail. Il a cependant été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 18 septembre 2014, puis en congé de longue maladie du 17 septembre 2015 au 16 juin 2016 et en congé de maladie ordinaire jusqu'au 30 juin 2016. M. D... a présenté une réclamation préalable auprès du maire de Saint-Lô, le 25 février 2016, laquelle a été rejetée le 26 avril 2016. L'intéressé relève appel du jugement du 24 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Lô à lui verser la somme de 72 250 euros en réparation de ses préjudices.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans sa demande, M. D... a invoqué, au titre de la responsabilité sans faute, le bénéfice de la décision du Conseil d'Etat n° 224276 du 15 juillet 2004, en vertu de laquelle un agent victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle a le droit d'être indemnisé de l'ensemble de ses préjudices, et notamment de ses préjudices extra-patrimoniaux non couverts par les pensions ou allocations temporaires d'invalidité versées. Il a d'ailleurs sollicité l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire, de ses souffrances endurées et de son préjudice d'agrément. Aux points 9 à 12 du jugement, le tribunal administratif n'a cependant pas répondu aux conclusions se rapportant aux préjudices non réparés par l'allocation temporaire d'invalidité qui lui a été versée à compter du 23 juin 2014 résultants de ses deux accidents du travail et de sa maladie professionnelle. M. D... est par suite, fondé à soutenir que le jugement attaqué, qui est par ailleurs suffisamment motivé, est entaché d'une omission à statuer sur ce point et doit, dans cette mesure, être annulé.

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par M. D... tendant, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à la réparation de ses préjudices résultant des accidents des 4 décembre 2008 et 14 octobre 2011 et de sa maladie professionnelle, et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur ses autres conclusions.

Sur la responsabilité pour faute :

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite du second accident de service dont a été victime M. D..., un profil de poste aménagé a été établi le 27 mai 2013 par le directeur des services techniques afin de préparer sa reprise. Il était prévu de lui confier l'exécution des travaux d'entretien des bâtiments communaux ne nécessitant pas de gestes répétitifs ou d'efforts dépassant ses capacités physiques ainsi, notamment, que la vérification visuelle de certains éléments techniques ou de sécurité dans les équipements (blocs autonomes de secours, extincteurs, ...). Ce document a été validé par le directeur des ressources humaines, le 19 septembre 2013, puis par le médecin du service de médecine préventive du centre de gestion de la Manche, le 20 septembre 2013. Ce dernier a en effet, estimé que ces tâches répondaient aux restrictions qu'il avait émises le 1er août 2013 lors de la visite de reprise de M. D..., en vertu desquelles il devait éviter le " maintien des épaules sans soutien en abduction pendant 2h/j ou cumulé " ainsi que les " travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de supination et pronation ". Ces restrictions ont été complétées le 17 décembre 2013 par le médecin de prévention qui a estimé qu'il ne devait pas réaliser " de mouvement répété et forcé d'élévation des bras au-dessus du niveau des épaules ", ni porter des charges supérieures à 15 kg. Si à plusieurs reprises, M. D..., qui a d'abord repris son activité professionnelle le 4 novembre 2013 à mi-temps thérapeutique, puis à temps complet trois mois après, s'est plaint de ce que ces réserves émises par le médecin de prévention n'étaient pas respectées, la commune a pour sa part produit la réponse apportée à M. D... par le maire le 7 mars 2014. Il lui était notamment indiqué que selon le médecin du travail, il pouvait effectuer des travaux de peinture à l'horizontale ou au sol mais pas à la verticale et que par ailleurs, il n'avait pas donné suite à la proposition de bilan de compétences professionnelles qui lui avait été faite. Si le requérant se prévaut ensuite du certificat établi le 20 mai 2015 par son médecin traitant, il ressort de ce document que si son médecin a constaté l'état physique de l'intéressé il s'est fondé sur les déclarations de son patient pour estimer qu'il s'agissait d'une aggravation de sa pathologie antérieure reconnue imputable au service. De même, le caractère strictement identique des attestations de trois de ses collègues, indiquant que M. D... a effectué des travaux de peinture, même à la verticale, depuis janvier 2014, date de son affectation à l'atelier protégé, en limite la portée. Enfin, la commune produit les différentes fiches de visite établies régulièrement par le médecin de prévention démontrant sa volonté de respecter les préconisations émises en vue de préserver la santé de son agent. Dans ces conditions, et au vu des pièces produites, M. D..., qui n'a pas sollicité de visite sur place du médecin de prévention, n'est pas fondé à soutenir qu'en lui confiant des tâches non conformes aux restrictions fixées par le médecin de prévention, la commune de Saint-Lô aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

5. En deuxième lieu, il est constant que M. D... était affecté avec deux autres collègues, souffrant également de pathologies, au sein d'un atelier dit " protégé " créé spécifiquement par la commune de Saint-Lô afin de leur confier des tâches adaptées à leurs handicaps. Ils étaient chargés d'assurer l'entretien des aires de jeux et du mobilier urbain, dont ils n'effectuaient cependant ni le démontage, ni le remontage. Dans le rapport établi le 1er juin 2014 par l'association Handicap Emploi, ils ont émis le souhait d'avoir du matériel et de l'outillage adapté à leurs tâches et à leurs fiches de postes mais se disaient globalement satisfaits de leur travail, qu'ils estimaient " intéressant et valorisant ". Si lors d'une réunion du 28 août 2015, le médecin de prévention a constaté que le plan de travail de l'atelier n'était pas " conforme " et que le matériel préconisé par l'association n'était pas disponible, il résulte de l'instruction que cet outillage avait été commandé et que sa réception soulevait des difficultés non imputables à la commune. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin de prévention aurait exigé, s'agissant de M. D... lui-même, l'emploi d'un matériel spécifique, les restrictions mentionnées au point 4 visant uniquement les gestes qu'il devait éviter. Dans ces conditions, le requérant, n'est pas fondé à soutenir qu'en ne lui fournissant pas des outils et matériels compatibles avec son état de santé, la commune de Saint-Lô aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

6. En dernier lieu, M. D... soutient qu'en décidant de le placer en congés de maladie ordinaire ou de longue durée pour les arrêts de travail prescrits à compter du 18 septembre 2014, sans le faire bénéficier des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. La commission de réforme lors de sa séance du 23 janvier 2015 a cependant émis un avis défavorable à ce que ses arrêts de travail et soins compris entre le 18 septembre et le 21 décembre 2014 soient reconnus comme constituant une " rechute " de son accident de service survenu le 14 octobre 2011. Par ailleurs, il ressort du rapport d'expertise du 8 juillet 2015, que le 9 avril 2015, M. D... a présenté un malaise sur son lieu de travail avec dyspnée, douleurs thoraciques gauches, paresthésies dans le membre supérieur gauche. S'il a indiqué que cette symptomatologie était survenue " spontanément, sans l'intervention d'un phénomène extérieur brutal et subi ", il a conclu que cet évènement ne pouvait être imputé au service. Le 30 avril 2015, M. D... s'est plaint d'une exacerbation de sa tendinopathie de l'épaule gauche en rapport avec un conflit sous-acromial. Toutefois, l'expert a indiqué que cette pathologie ne pouvait être prise en charge au titre d'un accident du travail. La seule circonstance que M. D... ait connu préalablement deux accidents affectant les épaules reconnus imputables au service ne suffit pas, en l'absence d'autres indices concordants, à établir un lien direct et certain entre ces nouvelles pathologies et son travail. Enfin, les constatations faites le 20 mai 2015 par son médecin traitant, et qui reposent sur ses propres déclarations, ne permettent pas d'établir un lien de causalité direct et certain entre les arrêts de travail dont il a fait l'objet entre le 18 septembre 2014 et le 30 juin 2016 et ses activités professionnelles, lesquelles étaient aménagées ainsi qu'il a été dit au point 4. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à ce que la responsabilité pour faute de la commune de Saint-Lô soit engagée à raison de la décision de cette collectivité de le placer durant cette période en congés de maladie ordinaire et de longue durée .

Sur la responsabilité sans faute :

7. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions, rappelées ci-dessus, qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les arrêts de travail dont a fait l'objet M. D... entre le 18 septembre 2014 et le 30 juin 2016 ne sont pas imputables au service. Par suite, il n'est pas fondé à demander la condamnation de la commune de Saint-Lô à réparer l'intégralité des préjudices en résultant.

Sur l'exception de prescription quadriennale :

9. Par ailleurs, en vertu de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond. ". Il résulte de l'instruction que dans son mémoire du 23 septembre 2016 présenté devant le tribunal administratif de Caen, la commune de Saint-Lô a opposé la prescription des créances de M. D... se rapportant à l'accident du 4 décembre 2008 et à sa maladie professionnelle reconnue en 2009, en soulignant que la consolidation de son état de santé avait été fixée au 2 juillet 2010. Le délai de prescription qui courait à compter du 1er janvier 2011 était ainsi achevé à la date du 25 février 2015, à laquelle M. D... a saisi la commune d'une réclamation préalable. En revanche, sa créance se rattachant à l'accident du travail du 14 octobre 2011, dont le délai de prescription a commencé à courir à compter de l'année suivant sa consolidation fixée au 23 juin 2014, n'était pas prescrite au 25 février 2015.

10. Il résulte de ce qui précède que M. D... est seulement fondé à invoquer la responsabilité sans faute de la commune de Saint-Lô à raison des conséquences dommageables de son accident de service du 14 octobre 2011.

Sur les préjudices :

11. Si M. D..., qui perçoit depuis le 23 juin 2014 une allocation temporaire d'invalidité, soutient qu'il n'a bénéficié d'aucun avancement à la suite de l'accident de service dont il a été victime le 14 octobre 2011, il ne démontre pas qu'il aurait pu bénéficier d'une telle promotion. Par ailleurs, en se prévalant des factures de dépassement d'honoraires de 300 euros pour l'intervention du 14 juin 2012 et de 150 euros pour celle du 20 septembre 2012, sans produire les bordereaux de remboursement de sa complémentaire santé, il n'établit pas que cette dépense serait restée à sa charge. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à solliciter la réparation du préjudice financier qu'il invoque.

12. M. D... a été placé en arrêt de travail pendant vingt-quatre mois et vingt-et-un jours à la suite de son accident du 14 octobre 2011 avant de reprendre son activité professionnelle dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à compter du 4 novembre 2013. S'il a été hospitalisé à deux reprises en 2012, il n'est pas contesté que le reste du temps, il restait relativement libre de ses mouvements à l'exception de ses membres supérieurs dont la mobilité pouvait être ponctuellement plus réduite. Il peut ainsi prétendre à la condamnation de la commune de Saint-Lô à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire.

13. L'expert ayant reconnu que M. D... souffrait d'une incapacité permanente partielle de 10 % à la suite de son accident du 14 octobre 2011, ce dernier peut être indemnisé de son déficit fonctionnel permanent à hauteur 15 000 euros.

14. Eu égard à ce qui a été dit au point 12, M. D... a enduré des souffrances physiques et morales, avant et après consolidation, dont la réparation doit être fixée à la somme de 3 000 euros.

15. M. D..., qui ne peut plus pratiquer l'entraînement de boxe comme il le souhaiterait, justifie d'un préjudice d'agrément et des troubles dans ses conditions d'existence, dont le montant sera fixé à 4 000 euros.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale complémentaire, que M. D... est seulement fondé à solliciter la condamnation de la commune de Saint-Lô à lui verser la somme globale de 24 000 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

17. Compte tenu de ce qui a été indiqué aux points 11 à 16, M. D... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 24 000 euros à compter du 29 février 2016 date de réception par la commune de sa réclamation préalable.

18. M. D... a sollicité la capitalisation des intérêts devant le tribunal administratif de Caen le 24 juin 2016. Les intérêts sur la somme de 24 000 euros seront capitalisés à compter du 24 juin 2017, date à laquelle une année d'intérêt était due, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

19. Dans les circonstances de l'espèce, il y a eu de mettre à la charge de la commune de Saint-Lô le versement à M. D... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D... le versement à la commune de Saint-Lô de la somme qu'elle demande sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1601283 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par M. D... tendant, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à la réparation de ses préjudices résultant des accidents des 4 décembre 2008 et 14 octobre 2011 et de sa maladie professionnelle.

Article 2 : La commune de Saint-Lô versera la somme de 24 000 euros à M. D.... Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 février 2016. Ces intérêts seront capitalisés à compter du 24 juin 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement n° 1601283 du tribunal administratif de Caen est réformé, pour le surplus des conclusions de M. D..., en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Saint-Lô versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Saint-Lô tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à la commune de Saint-Lô.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00249
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL EFFICIA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-05;18nt00249 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award