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15/10/2019 | FRANCE | N°18NT01650

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 15 octobre 2019, 18NT01650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération par laquelle le jury d'examen des capacités professionnelles pour l'accès au grade de major pénitentiaire a arrêté la liste des candidats admis au titre de l'année 2015 et l'a déclaré non admis ainsi que le rejet implicite de son recours administratif présenté le 11 mars 2015 auprès de la directrice de l'administration pénitentiaire contre cette décision.

Par un jugement n° 1606371 du 20 février 2018, le t

ribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions et a enjoint à la garde des sce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération par laquelle le jury d'examen des capacités professionnelles pour l'accès au grade de major pénitentiaire a arrêté la liste des candidats admis au titre de l'année 2015 et l'a déclaré non admis ainsi que le rejet implicite de son recours administratif présenté le 11 mars 2015 auprès de la directrice de l'administration pénitentiaire contre cette décision.

Par un jugement n° 1606371 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions et a enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 février 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Elle soutient que :

- rien ne fait obstacle à ce que les questions posées par le jury portent sur les expériences professionnelles présentées par le candidat dans son dossier professionnel ainsi que sur des situations concrètes et des mises en situation ;

- si M. C... affirme avoir été interrogé exclusivement sur des mises en situation relevant des missions d'un premier surveillant, il ne l'établit pas ; il ne produit pas davantage d'élément de nature à remettre en cause l'impartialité du jury alors que ses notes ne permettaient pas de l'inscrire sur la liste des candidats admis et que selon les différents items de la grille d'évaluation, il n'a ni su présenter son parcours professionnel, ni su développer de manière satisfaisante ses motivations pour l'accès au garde de major pénitentiaire.

Par des mémoires, enregistrés les 30 avril et 7 mai 2019, M. C..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête de la garde des sceaux, ministre de la justice, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à la garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à un réexamen de son dossier afin qu'il puisse être reçu au grade de major pénitentiaire rétroactivement au 1er janvier 2015 et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la garde des sceaux, ministre de la justice, ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire ;

- l'arrêté du 4 janvier 2008 du garde des sceaux, ministre de la justice fixant le contenu et les modalités de l'examen des capacités professionnelles pour l'accès au grade de major pénitentiaire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 15 septembre 2014, la garde des sceaux, ministre de la justice, a ouvert un examen pour l'accès au grade de major pénitentiaire réservé aux premiers surveillants de l'administration pénitentiaire qui comptaient au 1er janvier 2015, treize années de services effectifs dans le corps, dont quatre dans le grade de premier surveillant. L'épreuve écrite a eu lieu le 9 décembre 2014 et les épreuves orales se sont déroulées entre le 10 et le 18 décembre 2014. Le jury a arrêté la liste des candidats admis parmi lesquels M. C..., premier surveillant pénitentiaire au centre pénitentiaire de Nantes, ne figurait pas. Le 11 mars 2015, ce dernier a présenté un recours administratif contre cette décision devant la directrice de l'administration pénitentiaire en contestant le déroulé de son épreuve orale qui s'est tenue le 12 décembre 2014. L'administration ne lui ayant pas répondu, il a réitéré sa demande par un courrier reçu le 26 février 2016 resté sans réponse. Le 28 juillet 2017, M. C... a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du jury et au rejet de son recours administratif. Il a également demandé au tribunal administratif d'enjoindre à l'administration de le nommer major pénitentiaire au titre de la session 2015 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par un jugement du 20 février 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions et a enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois. La garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de ce jugement.

Sur la requête de la garde des sceaux, ministre de la justice :

2. S'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de contrôler l'appréciation faite par un jury de la valeur des candidats, il lui appartient en revanche de vérifier que le jury a formé cette appréciation sans méconnaître les règles qui s'imposent à lui.

3. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 janvier 2008 fixant le contenu et les modalités de l'examen des capacités professionnelles pour l'accès au grade de major pénitentiaire : " L'examen des capacités professionnelles pour l'accès au grade de major pénitentiaire comporte deux épreuves : 1. Une épreuve écrite (durée : deux heures, coefficient 1). Elle consiste en un questionnaire à choix multiple et à réponses courtes permettant d'évaluer les acquis professionnels du candidat et portant sur les domaines suivants : - réglementation et institutions pénitentiaires ; - procédure disciplinaire des personnes détenues. 2. Une épreuve orale (durée : vingt minutes, coefficient 1). Elle consiste en la reconnaissance des acquis et de l'expérience professionnelle dès lors que le candidat dispose d'une expérience professionnelle minimale de trois ans. Le candidat produit au moment de son inscription un dossier professionnel qui fait apparaître le cursus professionnel, les motivations personnelles et professionnelles du candidat pour l'exercice des fonctions de major pénitentiaire. L'entretien doit alors porter exclusivement sur le dossier constitué par le candidat. Les services organisateurs du concours fournissent aux candidats lors de leur inscription un dossier et toutes les informations utiles pour la constitution de celui-ci. ".

4. Si la garde des sceaux, ministre de la justice, soutient que rien ne fait obstacle à ce que les questions posées par le jury portent sur les expériences professionnelles présentées par le candidat dans son dossier professionnel, les dispositions précitées de l'article 3 de l'arrêté du 4 janvier 2008 excluent en revanche toutes mises en situations concrètes ne présentant aucun rapport avec les fonctions exercées par le candidat. En l'espèce, en se bornant à produire la grille d'évaluation établie par le jury le jour de l'épreuve sans détailler les questions posées à l'intéressé, la garde des sceaux ne contredit pas utilement les affirmations de M. C... selon lesquelles l'oral a porté exclusivement sur des cas de mises en situation relevant des missions d'un premier surveillant en service de nuit et ne lui a ainsi pas permis de valoriser son parcours professionnel. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier produit pour la première fois en appel par la garde des sceaux, ministre de la justice que M. C... aurait exercé de telles fonctions au cours de sa carrière. Par ailleurs, la circonstance invoquée par la ministre devant le tribunal administratif selon laquelle les candidats devaient avoir exercé pendant quatre ans dans le grade de premier surveillant et avaient " vraisemblablement " été amenés à effectuer des services de nuit ne suffit pas à établir que M. C... aurait exercé ces fonctions. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que cette épreuve ne s'était pas déroulée conformément aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 4 janvier 2008 et que la délibération du jury le déclarant non admis était, par voie de conséquence, entachée d'illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède, que la garde des sceaux, ministre de la justice, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du jury déclarant M. C... non admis à l'examen des capacités professionnelles pour l'accès au grade de major pénitentiaire au titre de la session 2015 ainsi que la décision rejetant son recours administratif présenté le 11 mars 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... :

6. L'annulation prononcée ci-dessus n'a pas pour effet de créer au bénéfice de M. C... un droit à être admis à l'examen auquel il s'est présenté, ni à être inscrit sur la liste d'aptitude à titre rétroactif. S'il appartient en principe au ministre, à la suite d'une telle annulation, de réexaminer la situation de l'intéressé à la lumière des motifs de cette décision, il est constant que M. C... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite au 1er août 2017. La garde des sceaux, ministre de la justice, n'est donc plus en mesure de demander à cet agent de se présenter de nouveau devant un jury en vue de l'examen de ses capacités professionnelles pour l'accès au grade de major pénitentiaire. En revanche, M. C... peut, s'il s'y croit fondé, introduire devant l'administration une action indemnitaire, dûment chiffrée, tendant à la réparation des préjudices résultant pour lui de la perte de chance d'être promu à ce grade avant sa mise à la retraite.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... C... de la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la garde des sceaux, ministre de la justice, est rejetée.

Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... C... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la garde des sceaux, ministre de la justice, et à M. D... C....

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01650
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SARDAY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-15;18nt01650 ?
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