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11/10/2019 | FRANCE | N°19NT00796

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 11 octobre 2019, 19NT00796


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 11 octobre 2018 par laquelle le préfet de la Vendée a prononcé son transfert auprès des autorités lettones pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1809983 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2019, Mme C... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

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) d'annuler le jugement n° 1809983 du 6 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 11 octobre 2018 par laquelle le préfet de la Vendée a prononcé son transfert auprès des autorités lettones pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1809983 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2019, Mme C... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1809983 du 6 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 octobre 2018 par laquelle le préfet de la Vendée a prononcé son transfert auprès des autorités lettones ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée, à titre principal, de prendre en charge sa demande d'asile et lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quarante-huit heures ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que la décision de transfert est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et le préfet a méconnu les dispositions des articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; le préfet ne démontre pas qu'il a pris en compte la situation générale en Lettonie et qu'il a fait une bonne application de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 ; le préfet n'a pas justifié les raisons pour lesquelles il n'a pas fait usage des clauses dérogatoires ; le préfet a fait une application automatique du règlement et n'a tenu compte ni de son état de santé, ni des difficultés rencontrées par les demandeurs d'asile en Lettonie.

Par un mémoire, enregistré le 6 septembre 2019, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les observations de Me B..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., ressortissante azerbaïdjanaise née en août 1968, est entrée en France, munie d'un visa délivré par les autorités lettones, en juin 2018, en compagnie de son époux et de ses deux enfants. Elle a déposé, le 23 juillet 2018, une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. Par une décision du 11 octobre 2018, le préfet de la Vendée a prononcé son transfert auprès des autorités lettones pour l'examen de sa demande d'asile. Mme D... relève appel du jugement du 6 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 11 octobre 2018.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée se serait senti lié par la compétence des autorités lettones pour l'examen de la demande d'asile de Mme D..., ni qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier des conséquences pour cette dernière de son transfert en Lettonie au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ressort, au contraire, des termes mêmes de l'arrêté du 11 octobre 2018 que le préfet a explicitement écarté l'application de la dérogation prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. La requérante fait également état de son état de santé. Néanmoins, s'il ressort des pièces du dossier, notamment des documents médicaux produits à l'appui de la requête d'appel de Mme D..., que cette dernière souffre de troubles exigeant la réalisation d'une chirurgie de la thyroïde, aucun des documents médicaux produits ne permet d'établir que les soins et traitements nécessités par son état de santé ne sont pas disponibles en Lettonie.

4. En second lieu, aux termes de l'article 3.2 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ". La Lettonie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant et il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Si Mme D... soutient que les demandes d'asile ne seraient pas traitées actuellement en Lettonie dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, le document très général qu'elle produit, faisant état notamment de l'hostilité de la population et des autorités du pays envers les immigrants, n'est pas de nature à renverser la présomption contraire. Par ailleurs, il n'est versé aucun élément relatif aux relations bilatérales particulières qu'entretiendraient la Lettonie et l'Azerbaïdjan.

5. Dans ces conditions, Mme D... n'est fondée à soutenir ni que la décision du 11 octobre 2018 est entachée d'un défaut d'examen de sa situation particulière, ni que la décision méconnait les dispositions de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ou qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de son article 17.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2018. Ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique le 11 octobre 2019.

La rapporteure,

M. E...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19NT00796 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00796
Date de la décision : 11/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : LE ROY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-11;19nt00796 ?
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