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04/10/2019 | FRANCE | N°19NT01141

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 04 octobre 2019, 19NT01141


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les décisions du 10 juillet 2018 par lesquelles le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1803575 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée

le 20 mars 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les décisions du 10 juillet 2018 par lesquelles le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1803575 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 décembre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 ou du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, lui enjoindre de procéder, après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour, au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse au moyen soulevé devant eux et tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont est entachée la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " ;

- en estimant que le seul défaut de visa de long séjour faisait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant sans examiner sa situation au regard des autres conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et alors qu'il dispose d'un très large pouvoir d'appréciation, le préfet a commis une erreur de droit ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont méconnues ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français sera annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2019, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E..., ressortissant camerounais né le 26 janvier 1998, régulièrement entré en France en 2014, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement, d'une part, de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité d'étudiant et, d'autre part, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du même code, au titre de sa vie privée et familiale. Le 10 juillet 2018, le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. E... relève appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces trois décisions préfectorales.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du dossier de procédure que, après avoir fait état des circonstances dans lesquelles il est entré en France, de la réalité de ses études et de ses moyens d'existence, M. E... a soutenu devant les premiers juges qu'en estimant qu'il ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant, le préfet avait entaché sa décision d'erreur d'appréciation. Le jugement attaqué rappelle l'argumentation de M. E... puis énonce " que, toutefois, il est entré très récemment en France ; qu'il est célibataire et sans enfant ; qu'il n'établit pas ne pas avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel résident ses parents et ses demi-frères et soeurs ; qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré la décision du tribunal administratif dont il est fait état ci-dessus " avant d'en tirer la conclusion que les moyens tirés de l'erreur d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 d'une part et de celles de l'article L. 313-7 d'autre part n'étaient pas fondés. Ce faisant, les premiers juges n'ont pas exposé les considérations sur lesquelles ils se sont fondés pour regarder comme non fondé le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le jugement attaqué est ainsi insuffisamment motivé et, par suite, entaché d'irrégularité.

3. Il suit de là que le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif d'Orléans.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par M. Jacques Lucbereihl, secrétaire général de la préfecture d'Indre-et-Loire, qui disposait d'une délégation, consentie par un arrêté n° 37-2017-11-06-003 du préfet de ce département du 6 novembre 2017, régulièrement publié le 7 novembre 2017 au recueil des actes administratifs spécial n° 37-2017-11008, à l'effet de signer notamment tous arrêtés et décisions relevant de l'exercice des pouvoirs de police administrative, générale ou spéciale, du préfet. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.

5. En deuxième lieu, d'une part, l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile subordonne, en principe, la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la production par l'étranger d'un visa de long séjour. Aux termes du I de l'article L. 313-7 du même code: " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...) ". L'article R. 313-10 de ce code dispose : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour (...) / 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; / 2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies. ". Par ailleurs, il est loisible au préfet, après avoir constaté que l'étranger ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer le titre de séjour qu'il sollicite, d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, et de régulariser la situation de l'intéressé, compte-tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre.

6. Il ressort des pièces du dossier que la décision rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. E... sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est fondée sur le défaut de justification par l'intéressé d'un visa de long séjour. Pour ce seul motif et alors même que le requérant remplirait les conditions posées par l'article L. 313-7 tenant à l'existence de ressources suffisantes et à la réalité et au sérieux des études poursuivies, le préfet d'Indre-et-Loire a pu, sans entacher sa décision d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation, opposer un refus à la demande de titre de séjour en qualité d'étudiant. Par ailleurs, la circonstance que le préfet n'ait pas, en l'espèce, entendu mettre en oeuvre, comme il lui était loisible de le faire, son pouvoir de régularisation ne caractérise pas davantage d'erreur de droit dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait cru tenu de rejeter la demande. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en s'abstenant, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, de délivrer à M. E..., compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle et notamment familiale, le titre de séjour sollicité, le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré en France à l'âge de seize ans. A la date de la décision attaquée, il séjournait depuis trois ans et demi sur le territoire français où il réside auprès de sa tante ainsi que ses trois cousins et où il est scolarisé. Il est toutefois constant que les parents et les demi frères et soeurs du requérant vivent au Cameroun. Si le requérant fait valoir que ses parents n'ont jamais pris part à son éducation, qu'il a été confié à sa grand-mère, laquelle a pourvu à son éducation et à son entretien, notamment grâce au soutien financier de la tante du requérant qu'il a rejointe en France en 2014 à la suite du décès de sa grand-mère, l'attestation de la tante qui corrobore ce récit ainsi que la " procuration " signée le 17 février 2015 par laquelle la mère du requérant désigne la tante de ce dernier comme tutrice légale, ne suffisent pas, à elles-seules, à établir que M. E... n'entretiendrait pas de relations avec ses parents ni qu'il serait dépourvu de toute autre attache familiale au Cameroun. Dans ces conditions, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, M. E... n'est pas fondé à l'invoquer, par voie d'exception, à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

10. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit des considérations de fait mentionnées au point 8 du présent arrêt, qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi

11. M. E... ne soulève aucun moyen à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

12. Il résulte de de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 10 juillet 2018 par lesquelles le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. E... tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.

Le rapporteur,

K. D...Le président,

C. BRISSON

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT01141 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01141
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SCP OMNIA LEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-04;19nt01141 ?
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