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04/10/2019 | FRANCE | N°19NT01109

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 04 octobre 2019, 19NT01109


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, dans une instance enregistrée sous le n° 1807060 d'annuler la décision du 2 juillet 2018 par laquelle l'autorité consulaire à Douala (Cameroun) a refusé de lui délivrer un visa de court séjour pour visite privée.

II. Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, dans une instance enregistrée sous le n° 1809539, d'annuler la décision du 19 septembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions d

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Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, dans une instance enregistrée sous le n° 1807060 d'annuler la décision du 2 juillet 2018 par laquelle l'autorité consulaire à Douala (Cameroun) a refusé de lui délivrer un visa de court séjour pour visite privée.

II. Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, dans une instance enregistrée sous le n° 1809539, d'annuler la décision du 19 septembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 2 juillet 2018 par laquelle l'autorité consulaire à Douala (Cameroun) a refusé de lui délivrer un visa de court séjour pour visite privée.

Par un jugement n°s 1807060 et 1809539 du 17 janvier 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mars 2019, Mme B... D..., représentée par la SELAS Sed Lex, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 janvier 2019 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 19 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de court séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire de réexaminer sa demande de visa dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé ;

­ contrairement à ce qu'ont estimé les autorités consulaires, elle dispose, par elle-même ainsi que par son frère et sa belle-soeur qui se proposent de l'accueillir, de ressources suffisantes pour assurer son séjour et son entretien pendant la durée de son séjour en France ;

­ en estimant qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa, l'autorité administrative n'a pas procédé à un examen individuel de sa demande et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

­ la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D..., ressortissante camerounaise née le 7 décembre 1964, a sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Douala (Cameroun) la délivrance d'un visa de court séjour pour visite familiale qui lui a été refusé le 2 juillet 2018. Le recours formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 19 septembre 2018. Mme D... doit être regardée comme relevant appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 janvier 2019 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 32 du code communautaire des visas : " Sans préjudice de l'article 25, paragraphe 1, le visa est refusé: / (...) s'il existe des doutes raisonnables sur l'authenticité des documents justificatifs présentés par le demandeur ou sur la véracité de leur contenu, sur la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé ". Selon l'annexe II de ce code : " Liste non exhaustive de documents justificatifs / Les justificatifs visés à l'article 14, que les demandeurs de visa doivent produire, sont notamment les suivants : (...) / Documents permettant d'apprécier la volonté du demandeur de quitter le territoire des états membres : / 1) un billet de retour ou un billet circulaire, ou encore une réservation de tels billets; 2) une pièce attestant que le demandeur dispose de moyens financiers dans le pays de résidence; 3) une attestation d'emploi: relevés bancaires; 4) toute preuve de la possession de biens immobiliers; 5) toute preuve de l'intégration dans le pays de résidence: liens de parenté, situation professionnelle. " .

3. Pour rejeter la demande de Mme D..., la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le seul motif tiré du risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires " compte tenu de la situation personnelle (...) en l'absence d'éléments convaincants notamment sur d'éventuels intérêts de nature matérielle ou familiale dans son pays de résidence susceptibles d'assurer des garanties de retour suffisantes ".

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du bulletin de solde édité le 28 mai 2018, que Mme D... est fonctionnaire au Cameroun, où elle exerce les fonctions d'institutrice d'enseignement général et de directrice de l'école maternelle de Petit-Nkam et perçoit un salaire mensuel net de 223 960 francs CFA. Selon l'autorisation de sortie du territoire national de son employeur, la période choisie par la requérante pour se rendre en France correspond à celle des vacances scolaires. Elle allègue, en outre, sans être utilement contredite, en produisant des actes d'état civil, que ses parents et quatre de ses frères et soeurs vivent au Cameroun. Elle produit, de plus, les justificatifs d'un titre de transport aller-et-retour, une assurance de rapatriement ainsi qu'un acte de vente du 4 avril 2003 et une attestation de propriété du 18 décembre 2010 selon lesquels elle est propriétaire d'un terrain de 600 m² à Melong. Ainsi, Mme D... est fondée à soutenir que la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa.

5. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme D... le visa sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de procéder à cette délivrance, sous réserve d'une évolution des circonstances de fait ou de droit, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.

Sur les frais liés au litige :

7. Pour l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 janvier 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Article 2 : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 19 septembre 2018 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, sous réserve d'une évolution des circonstances de fait ou de droit, de délivrer à Mme D..., le visa de court séjour pour visite privée qu'elle a sollicité dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme D... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.

Le rapporteur,

M. C...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01109


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01109
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELAS SED LEX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-04;19nt01109 ?
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