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04/10/2019 | FRANCE | N°19NT01008

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 octobre 2019, 19NT01008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2018 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1803947 du 5 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 mars et 28 mai 2019 M. B..

., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2018 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1803947 du 5 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 mars et 28 mai 2019 M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 700 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

- faute d'avoir été notifiée à son curateur, la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et de fait au regard des stipulations des articles 5 et 12 de la convention de La Haye du 13 janvier 2000 relative à la protection internationale des adultes ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- en l'absence de consultation préalable de la commission du titre de séjour, cette décision est entachée d'un vice de procédure ;

- le préfet a estimé à tort qu'il constituait une menace à l'ordre public ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 10 de l'accord franco-tunisien ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu sans tenir compte de la continuité du lien thérapeutique, en méconnaissance des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017 ;

- il pouvait prétendre à une régularisation exceptionnelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2019, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, relève appel du jugement du 5 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2018 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, les conditions de notification à son destinataire de la décision portant refus de titre de séjour sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision serait entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait au motif qu'elle n'aurait pas été notifiée au curateur de M. B... ne peuvent qu'être écartés.

3. M. B..., placé sous mesure de curatelle par un jugement du tribunal d'instance de Brest du 13 mars 2017, soutient que, son curateur n'ayant pas été associé à la demande de titre de séjour qu'il a présentée le 30 mai 2017, il a été privé de son droit d'être entendu. Toutefois l'intéressé, qui n'allègue ni n'établit avoir été empêché d'associer son curateur à la présentation de sa demande, ne démontre pas avoir été privé de la possibilité de faire valoir des éléments pertinents de nature à influer sur le contenu de la décision prise à son égard. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été privé de son droit à être entendu ne peut qu'être écarté.

4. M. B... n'établit pas davantage qu'en ne se référant pas au jugement précité du tribunal d'instance de Brest du 13 mars 2017, le préfet du Finistère aurait commis une erreur de fait.

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...).

6. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. B... pour raisons médicales, le préfet du Finistère s'est fondé sur l'avis émis le 31 octobre 2017 par le collège de médecins de l'OFII et indiquant que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existait en Tunisie un traitement approprié et qu'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Si M. B..., qui présente des troubles psychiques, soutient que son état nécessite une continuité du lien thérapeutique dont les médecins du collège l'OFII n'aurait pas tenu compte, en dépit des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé dans le cadre desquelles s'exerce leur mission, l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir que l'avis précité aurait été rendu dans des conditions irrégulières. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux produits par M. B..., que ce dernier ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet, en 2011, d'une procédure judiciaire pour vol à l'étalage et d'une hospitalisation en service psychiatrique à la demande de sa famille le 15 janvier 2014. Le 10 septembre 2016, le requérant a été interpelé pour des faits de dégradations volontaires, violences volontaires et apologie du terrorisme. Son état de santé ayant été estimé incompatible avec la garde à vue dont il a alors fait l'objet, son hospitalisation en service psychiatrique pour une durée initiale d'un mois a été ordonnée par le préfet du Finistère en raison des risques graves que faisaient peser ses troubles mentaux sur la sûreté des personnes et l'ordre public. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... au motif que ce dernier constituait une menace pour l'ordre public, le préfet du Finistère n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

8. En vertu de l'article L. 314-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public. Si M. B... soutient qu'il remplissait les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du g) du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le préfet pouvait légalement lui refuser la délivrance d'un tel titre au motif qu'il représentait une menace pour l'ordre public.

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions.

10. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'établit pas qu'il serait au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ou de dispositions équivalentes applicables aux ressortissants tunisiens. Par suite, le préfet du Finistère n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

11. M. B... soutient que ses attaches sont en France, où il réside depuis 2011 et qu'il y bénéficie d'un accompagnement spécifique. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant, ne justifie pas d'une particulière intégration et a vécu la majeure partie de sa vie en Tunisie, où il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

12. Compte tenu de ce qui précède, M. B... n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte excessive au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, le certificat médical établi le 7 mai 2019 dont se prévaut l'intéressé, qui se borne à indiquer sans autre précision que l'un des médicaments composant son traitement n'est pas disponible en Tunisie, ne permet pas de remettre en cause le sens de l'avis du 31 octobre 2017 du collège de médecins de l'OFII évoqué au point 6. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ne peut qu'être écarté.

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 et 13, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme E..., présidente-assesseure,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.

La présidente rapporteure

N. E...

Le président

I. Perrot

Le greffier

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT010082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01008
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : FLOCH MARIE-LAURE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-04;19nt01008 ?
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