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04/10/2019 | FRANCE | N°18NT00721

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 04 octobre 2019, 18NT00721


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association "Le vent tourne à Guenrouët Quilly", M. et Mme F... X..., M. et Mme E... AA..., Mme D... L..., M. et Mme A... H..., M. et Mme U... AF..., M. et Mme A...-AH... Z..., M. et Mme AG..., Mme AD... B..., Mme I... AA..., Mme AB... AA..., Mme P... V..., M. et Mme G... W..., M. et Mme M... AC..., M. et Mme N... O..., Mme AE... C... et M. J... T... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 18 mars 2015 par lesquels le préfet de Loire-Atlantique a délivré à la sociét

é " Quilly Guenrouët Energies ", d'une part, un permis de construire tro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association "Le vent tourne à Guenrouët Quilly", M. et Mme F... X..., M. et Mme E... AA..., Mme D... L..., M. et Mme A... H..., M. et Mme U... AF..., M. et Mme A...-AH... Z..., M. et Mme AG..., Mme AD... B..., Mme I... AA..., Mme AB... AA..., Mme P... V..., M. et Mme G... W..., M. et Mme M... AC..., M. et Mme N... O..., Mme AE... C... et M. J... T... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 18 mars 2015 par lesquels le préfet de Loire-Atlantique a délivré à la société " Quilly Guenrouët Energies ", d'une part, un permis de construire trois éoliennes (E1, E2 et E3) sur le territoire de la commune de Guenrouët et, d'autre part, un permis de construire trois éoliennes (E3, E4 et E5) et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Quilly.

Par un jugement n° 1507690 du 18 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 février 2018 et le 21 novembre 2018, l'association " Le vent tourne à Guenrouët Quilly ", M. et Mme F... X..., M. et Mme E... AA..., Mme D... L..., M. et Mme A... H..., M. et Mme U... AF..., M. et Mme A...-AH... Z..., M. et Mme AG..., Mme AD... B..., Mme I... AA..., Mme AB... AA..., Mme P... V..., M. et Mme G... W..., M. et Mme M... AC..., M. et Mme N... O..., Mme AE... C... et M. J... T..., représentés par Me Echezar, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 décembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'étude d'impact est entachée d'insuffisance et adopte un parti pris trompeur ;

- les incidences du projet sur les sites Natura 2000 n'ont pas fait l'objet d'une véritable évaluation ;

- les permis de construire sont fondés sur un plan d'occupation des sols illégal ;

- les projets portent atteinte à des zones humides en méconnaissance du règlement du schéma d'aménagement et de gestion des eaux ;

- ils ont été autorisés en dépit de doutes subsistant quant à leur incidence sur les sites Natura 2000 et méconnaissent ainsi l'article L. 414-4 du code de l'environnement ;

- faute d'être assortis de prescriptions de nature à limiter ou empêcher les atteintes aux chiroptères et aux oiseaux, les arrêtés contestés méconnaissent l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, l'article L. 110-1 du code de l'environnement ainsi que le principe de précaution consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement ;

- au regard des nuisances acoustiques et des atteintes portées à la salubrité et à la santé des riverains, ils ne sont pas conformes à l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires, enregistrés le 11 avril 2018 et le 21 décembre 2018, la société " Quilly Guenrouët Energie ", représentée par Me Elfassi, conclut, au non-lieu à statuer et au rejet de la requête ou, à défaut, à l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Elle demande également la mise à la charge des requérants d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête ;

- la requête d'appel, dépourvue de moyens d'appel, est irrecevable ;

- les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact et celui tiré de l'atteinte portée aux zones humides ne sont ni opérants ni fondés ;

- les requérants ne sont pas recevables à exciper, plus de six mois après sa prise d'effet, de l'illégalité du plan d'occupation des sols de Guenrouët tenant à l'absence de rapport de présentation et au défaut d'évaluation environnementale ainsi qu'au recours à la procédure de modification et non de révision ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2018, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact est inopérant ;

- les illégalités du plan d'occupation des sols de Guenrouët tenant à l'absence de rapport de présentation et au défaut d'évaluation environnementale, ne peuvent être invoquées en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- les observations de Me Bernier, substituant Me Echezar et représentant l'association "Le vent tourne à Guenrouët Quilly" et les autres requérants, et les observations de Me Berges, substituant Me Elfassi et représentant la société Quilly Guenrouët Energies.

Considérant ce qui suit :

1. L'association "Le vent tourne à Guenrouët Quilly" et les autres requérants relèvent appel du jugement du 18 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de Loire-Atlantique du 18 mars 2015 accordant à la société Quilly Guenrouët Energies un permis de construire trois aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Guenrouët et un permis de construire trois aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Quilly.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale visée ci-dessus: " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes :/ 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; (...) ". Selon l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme issu du décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale : " Lorsqu'un projet d'installation d'éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement, cette autorisation dispense du permis de construire. ". Aux termes de l'article 17 de ce décret, ces dispositions entrent en vigueur à compter du 1er mars 2017.

3. Par ailleurs, le I de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement prévoit que le dossier de demande d'autorisation environnementale unique doit comporter : " (...) 12° Pour les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent : / a) Un document établissant que le projet est conforme aux documents d'urbanisme ; / b) La délibération favorable prévue à l'article L. 515-47, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale ou une commune a arrêté un projet de plan local d'urbanisme avant la date de dépôt de la demande d'autorisation environnementale et que les installations projetées ne respectent pas la distance d'éloignement mentionnée à l'article L. 515-44 vis-à-vis des zones destinées à l'habitation définies dans le projet de plan local d'urbanisme ;(...) ".

4. En application des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, inséré au chapitre II du titre Ier du livre V de ce code, les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont soumis à autorisation. Si les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 prévoient que les autorisations délivrées à ce titre sont considérées comme des autorisations environnementales et si, selon l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme, un projet d'installation d'éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale est dispensé de permis de construire, ces nouvelles dispositions sont sans incidence sur les permis de construire délivrés pour l'installation d'éoliennes terrestres sous l'empire du droit applicable à ces projets antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017. Dès lors, l'exception de non-lieu à statuer opposée par la société Quilly Guenrouët Energies au motif que les textes précédemment mentionnés ont abrogé les dispositions soumettant les éoliennes à l'obtention de permis de construire doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. En premier lieu, à la date à laquelle les demandes de permis de construire ont été déposées, le 25 novembre 2013, le projet n'était pas au nombre des travaux ou constructions soumis à étude d'impact au titre de la législation de l'urbanisme par les dispositions de l'annexe de l'article R. 122-2 du code de l'environnement. La circonstance que l'autorité administrative ait examiné le projet éolien litigieux au regard de l'étude d'impact produite dans le cadre du régime des installations classées pour la protection de l'environnement et qu'elle l'ait visée dans les permis de construire qu'elle a délivrés n'a pas pour effet, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait été induite en erreur s'agissant des règles d'urbanisme au respect desquelles il lui appartient de veiller, de permettre aux requérants de se prévaloir utilement du caractère insuffisant, erroné, ou trompeur de celle-ci à l'encontre des permis de construire contestés. De même, les requérants ne peuvent utilement invoquer les circulaires du 29 août 2011 et du 17 octobre 2011 qui, en prévoyant qu'une étude d'impact devait, dans tous les cas, être jointe au dossier de la demande de permis de construire, sont entachées d'illégalité compte tenu du droit alors applicable.

6. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme, le projet architectural qui doit être joint à la demande de permis de construire précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords. Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". Aux termes de l'article R. 431-10 de ce code : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la société Quilly Guenrouët Energies a fourni, à l'appui de chacune de ses demandes de permis de construire, les pièces exigées par les dispositions précitées. Les requérants ne sont ainsi pas fondés à soutenir que les demandes n'étaient pas accompagnées de projet architectural. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier, et alors notamment que l'autorité environnementale a souligné le caractère complet de l'étude paysagère, que l'étude d'impact jointe aux demandes aurait été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation d'urbanisme.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : / (...) / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; / (...) / VI. - L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000. / (...) ". L'article R. 414-23 du même code dispose : " (...) Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. / I. - Le dossier comprend dans tous les cas : / 1° Une présentation simplifiée du document de planification, ou une description du programme, du projet, de la manifestation ou de l'intervention, accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; / 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles le document de planification, le programme, le projet, la manifestation ou l'intervention est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du document de planification, ou du programme, projet, manifestation ou intervention, de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. / II. -Dans l'hypothèse où un ou plusieurs sites Natura 2000 sont susceptibles d'être affectés, le dossier comprend également une analyse des effets temporaires ou permanents, directs ou indirects, que le document de planification, le programme ou le projet, la manifestation ou l'intervention peut avoir, individuellement ou en raison de ses effets cumulés avec d'autres documents de planification, ou d'autres programmes, projets, manifestations ou interventions dont est responsable l'autorité chargée d'approuver le document de planification, le maître d'ouvrage, le pétitionnaire ou l'organisateur, sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. / (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet se situe à environ 800 mètres à l'est de la zone de protection spéciale " Grande Brière, Marais de Donges et du Brivet " et de la zone spéciale de conservation " Grande Brière et Marais de Donges ". La société Quilly Guenrouët Energies a joint à ses demandes de permis une étude d'incidences Natura 2000 dont les conclusions reposent sur les diagnostics chiroptérologique et avifaunistique ainsi que l'évaluation faunistique des impacts et incidences du projet figurant en annexe de l'étude d'impact. D'une part, les dispositions précitées n'exigent pas du pétitionnaire de procéder à une étude exhaustive de l'état de conservation de chacune des espèces ayant justifié la désignation d'un site Natura 2000 mais d'analyser, dans le cas où auraient été identifiées de potentielles incidences sur une ou plusieurs de ces espèces, les effets que son projet est susceptible d'entraîner sur l'état de conservation de la ou des espèces concernées. Après avoir identifié les espèces rencontrées sur l'aire d'étude relative au projet et exposé les risques de perturbation ainsi que les risques de collision auxquels sont exposés les oiseaux en général, l'évaluation indique que " l'incidence (directe ou indirecte) n'est pas significative sur le site Natura 2000 et donc sur les espèces et habitats d'espèces d'intérêt communautaire concernés ". Ce faisant, elle satisfait aux exigences qui découlent des dispositions précitées du II de l'article R. 414-23 du code de l'environnement. D'autre part, il est constant que l'évaluation des incidences ne comporte pas d'analyse portant sur les effets du projet sur les espèces de chiroptères localisées dans la zone spéciale de conservation " Marais de Vilaine ", dont l'extrémité sud-est est située à 4 kilomètres environ du projet. Toutefois, les requérants n'apportent aucun élément de nature à mettre en doute l'exactitude des observations apportées par le bureau Ouest' am, que la société Quilly Guenrouët Energies verse aux débats, selon lesquelles les colonies de Grands rhinolophes, de Petits rhinolophes, de Barbastelles d'Europe, de Murin à oreilles échancrées, de Murins de Brechstein et de Grands murins sont très éloignées du site du projet et que " l'amplitude des déplacements habituels de ces populations est telle que le projet peut difficilement constituer des territoires de chasse de ce peuplement de la ZSC ". Dès lors, alors même que l'assiette du projet constitue une interface entre plusieurs grandes unités fonctionnelles ornithologiques ainsi qu'un lieu d'échanges et de transit pour les chiroptères, il ne ressort pas des pièces du dossier que la zone spéciale de conservation " Marais de Vilaine " est susceptible d'être affectée par le projet de sorte que l'évaluation des incidences Natura 2000 serait entachée d'insuffisance sur ce point.

10. La mention contenue dans l'étude chiroptérologique aux termes de laquelle " des gîtes d'importance se trouvent dans l'aire d'étude éloignée du projet et l'on connaît mal les effectifs et les trajets d'espèces à plus grand rayon d'action (espèces migratrices notamment) qui pourraient passer par le parc " ne permet pas, à elle seule, de caractériser la subsistance d'un doute raisonnable d'un point de vue scientifique quant à l'existence d'effets préjudiciables durables à l'intégrité des sites Natura 2000 situés à proximité du projet. Par ailleurs, si l'étude avifaunistique a estimé que l'impact sur deux espèces de rapaces, la Buse variable et le Faucon crécerelle, était fort, ces deux espèces ne sont pas celles ayant justifié la désignation des sites " Grande Brière, Marais de Donges et du Brivet ", " Grande Brière et Marais de Donges " et " Marais de Vilaine ".

11. Il suit de là que les requérants ne sont fondés à soutenir ni que l'évaluation des incidences est insuffisante ni que la réalisation du projet porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000. Le préfet de Loire-Atlantique a pu, par suite, sans méconnaître les dispositions précitées du VI de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, délivrer les permis de construire en litige.

12. En quatrième lieu, par une délibération du 23 mars 2012, le conseil municipal de Guenrouët a approuvé la modification de son plan d'occupation des sols ayant pour objet de créer au sein du secteur a de la zone NC, dédié à la protection et au développement de l'agriculture, un sous-secteur a-e au sein duquel l'implantation d'aérogénérateurs est autorisée sous conditions. Les requérants réitèrent en appel le moyen tiré de l'illégalité des dispositions issues de cette modification et tenant, premièrement, à la méconnaissance de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme, deuxièmement, au défaut d'évaluation environnementale, troisièmement, à l'insuffisance de la notice de présentation et, quatrièmement, à l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

13. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du règlement du schéma d'aménagement et de gestion des eaux de l'estuaire de la Loire est inopérant à l'encontre d'une autorisation individuelle d'urbanisme qui n'est pas une décision prise dans le domaine de l'eau.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Pour l'application de ces dispositions, il n'appartient pas à l'autorité administrative d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner. Il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

15. Si les requérants soutiennent que les permis de construire ne sont assortis d'aucune prescription de bridage de nature à prévenir les atteintes à la santé des riverains qui résulteraient en particulier des nuisances sonores, une telle prescription relève de l'exploitation future des aérogénérateurs et non de leurs situation, caractéristiques, importance ou implantation par rapport à d'autres installations. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté.

16. En septième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 111-15, alors en vigueur, du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. ". Il résulte de ces dispositions qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être. D'autre part, aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ". L. 110-1 du code de l'environnement auquel se réfère l'article R. 111-15 précité du code de l'urbanisme énonce le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable.

17. Les requérants soutiennent que les permis litigieux sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, faute de comporter des prescriptions spéciales destinées à prévenir ou limiter les incidences du projet sur les oiseaux et les chiroptères. Toutefois, il est constant qu'une demande d'autorisation d'exploitation des éoliennes au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement était en cours d'instruction devant l'autorité compétente à la date de délivrance des permis litigieux. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, pour contester la légalité de ces permis au regard des dispositions de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, de la circonstance que l'exploitation et le fonctionnement de ces installations auront pour effet de porter atteinte à différentes espèces animales. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux serait susceptible d'affecter de manière grave et irréversible l'environnement. Les arrêtés contestés n'ont dès lors pas méconnu le principe de précaution.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la société Quilly Guenrouët Energies, que l'association " Le vent tourne à Guenrouët Quilly " et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme que demandent les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ces derniers la somme globale de 3 000 euros au titre des frais de même nature que la société Quilly Guenrouët Energies a supportés.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association " Le vent tourne à Guenrouët Quilly " et des autres requérants est rejetée.

Article 2 : Les requérants verseront à la société Quilly Guenrouët Energies la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Le vent tourne à Guenrouët Quilly ", représentante unique désignée par Me Echezar, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la commune de Guenrouët et à la société Quilly Guenrouët Energies.

Copie sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

Mme Brisson, président-assesseur,

Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.

Le rapporteur,

K. Bougrine

Le président,

A. PEREZLe greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00721
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELAS DE BODINAT ECHEZAR AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-04;18nt00721 ?
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