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01/10/2019 | FRANCE | N°18NT02590

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 01 octobre 2019, 18NT02590


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, la décharge de l'obligation de payer les sommes de 1 937,11 et 16 376, 55 euros mises à sa charge par des titres de perception du 19 février et 20 mars 2015 émis à son encontre par le directeur régional des finances publiques du Centre et du Loiret et d'annuler tous les actes subséquents dont la lettre de relance du 11 août 2015 et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui restituer la somme de 4 062,89 euros au titre du trop perçu

, majorée des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1503375 du 15 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, la décharge de l'obligation de payer les sommes de 1 937,11 et 16 376, 55 euros mises à sa charge par des titres de perception du 19 février et 20 mars 2015 émis à son encontre par le directeur régional des finances publiques du Centre et du Loiret et d'annuler tous les actes subséquents dont la lettre de relance du 11 août 2015 et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui restituer la somme de 4 062,89 euros au titre du trop perçu, majorée des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1503375 du 15 mai 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2018, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 15 mai 2018 ;

2°) d'une part, la décharge de l'obligation de payer les sommes de 1 937,11 et 16 376,55 euros mises à sa charge par des titres de perception du 19 février et 20 mars 2015 émis à son encontre par le directeur régional des finances publiques du Centre et du Loiret et d'annuler tous les actes subséquents dont la lettre de relance du 11 août 2015 et, d'autre part, la condamnation de l'Etat à lui restituer la somme de 4 062,89 euros au titre du trop perçu, majorée des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les titres de perception contestés ne sont pas signés, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et ne comportent pas les nom, prénom et qualité de la personne qui a émis les titres ;

- l'émission des titres de perception méconnaît les dispositions de l'article R. 5426-20 du code du travail faute de mise en demeure préalable ;

- les titres contestés sont insuffisamment motivés faute d'indiquer les bases de la liquidation, en méconnaissance des dispositions du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- la créance relative à l'indemnité de licenciement était prescrite en vertu de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, ainsi que la créance relative à l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) car le délai de la prescription court à compter du jour du versement des allocations de chômage comme le prévoit l'article L. 5422-5 du code du travail ;

- la créance réclamée au titre de l'indemnité de licenciement n'est pas fondée, elle a remboursé la totalité de l'indemnité de licenciement perçue à la suite de son premier licenciement ;

- la créance réclamée au titre de l'ARE n'est pas fondée, l'employeur ne peut réclamer les sommes versées à son salarié au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi ;

- elle est fondée à réclamer la restitution d'une somme de 4 062,89 euros au titre d'un trop perçu par l'administration ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 aout 2018, le directeur régional des finances publiques du Centre-Val de Loire et du département du Loiret conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme B... aux entiers dépens.

Il soutient que la requête portant sur l'illégalité externe des titres de perception est irrecevable et que les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2018, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi de finances rectificative n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., recrutée en 1987 en qualité de surveillante d'externat par le recteur de l'académie d'Orléans-Tours, a été nommée maître-auxiliaire en 1991. Elle a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de maître-auxiliaire, à compter du 27 juillet 2005. Suite à son placement en congé de grave maladie du 9 juillet 2009 au 31 août 2012, par un avis du 12 juillet 2012, le comité médical départemental a conclu à son inaptitude totale et définitive aux fonctions de maître-auxiliaire. Par un arrêté du 1er octobre 2012, le recteur de l'académie d'Orléans-Tours a prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 1er septembre 2012. Saisi par Mme B..., le tribunal administratif d'Orléans a, par un jugement du 12 novembre 2013, prononcé l'annulation de cette décision et a enjoint au recteur de procéder à sa réintégration administrative et de l'inviter à présenter une demande de reclassement. Par décision du 6 décembre 2013, l'intéressée a été réintégrée administrativement à compter du 1er janvier 2014. A cette occasion, le recteur l'a informée de ce que, compte tenu de l'annulation de la décision prononçant son licenciement, l'indemnité de licenciement ne lui était pas due et qu'il allait être procédé à une reprise sur sa paie dès le mois de janvier 2014. De janvier à août 2014, il a été procédé à la récupération de cette prime par prélèvement direct sur son traitement. En février 2015, Mme B... a été rendue destinataire d'un titre de perception en date du 19 février 2015 lui réclamant une somme de 1 937,11 euros correspondant au solde de l'indemnité de licenciement perçue à tort. Par ailleurs, du fait de l'annulation de la décision prononçant son licenciement, Mme B... a été rendue destinataire d'un second titre de perception, établi le 20 mars 2015, pour obtenir le remboursement des ARE perçues. Par lettres des 13 et 17 avril 2015, elle a formé à l'encontre de ces deux décisions des réclamations auprès du directeur régional des finances publiques du Centre-Val de Loire pour obtenir la décharge des sommes réclamées. Par lettre du 20 juillet 2015, ses demandes ont été rejetées. En dernier lieu, Mme B... a reçu, le 10 août 2015, une lettre de relance concernant le titre de perception du 20 mars 2015 lui infligeant une majoration de 10 % pour retard de paiement. La requérante relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant tant à l'annulation des titres de perception mentionnés plus haut qu'à la condamnation de l'Etat à lui restituer la somme de 4062,89 euros.

Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer :

2. En premier lieu, les titres en litige comportent le nom, le prénom et la qualité de l'ordonnateur, Mme E... D..., responsable de la recette du rectorat d'Orléans-Tours. Le directeur régional des finances publiques du Centre-Val de Loire a produit en première instance, en annexe à ses écritures, la délégation de signature consentie à Mme D... ainsi que l'état récapitulatif de créance transmis en vue de leur mise en recouvrement, dûment revêtu de la signature de Mme D.... Par suite, le moyen tiré de ce que les titres de perception contestés ne seraient pas signés, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, et ne comporteraient pas les noms, prénoms et qualités de la personne qui a émis les titres manque en fait et doit être écarté.

3. En second lieu, Mme B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article R. 5426-20 du code du travail pour contester la légalité des titres en cause dès lors que lesdits titres n'ont pas été émis sur le fondement de ces dispositions, lesquelles ne sont applicables que dans le cadre de la procédure de contrainte mise en oeuvre par Pôle emploi pour le recouvrement d'aides qu'il a lui-même versées. En outre, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'émission, par les personnes publiques, de titres exécutoires, soit précédée d'une mise en demeure de paiement. En conséquence, le moyen selon lequel les titres de perception en cause méconnaîtraient, faute de mise en demeure préalable, les dispositions de l'article R. 5426-20 du code du travail est inopérant.

4. En troisième lieu, contrairement à ce qui est allégué, les titres contestés indiquent soit eux-mêmes, soit par une référence précise à un document qui y est joint ou qui a été précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels ils se fondent pour mettre les sommes en cause à la charge de l'intéressée. Par suite, le moyen selon lequel les titres contestés seraient, faute d'indiquer les bases de leur liquidation, insuffisamment motivés doit être rejeté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. /(...). ". Toutefois, comme l'a relevé le tribunal, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions pour soutenir que la créance relative au recouvrement de l'indemnité de licenciement serait prescrite, alors que cette indemnité a pour objet de réparer le préjudice né de l'interruption du contrat de travail et ne saurait dès lors être regardée comme un élément de rémunération.

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 5422-5 du code du travail : " L'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par trois ans. En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans. Ces délais courent à compter du jour de versement de ces sommes. ". Ces dispositions sont applicables à l'action en répétition de l'allocation prévue au bénéfice des agents non titulaires de l'Etat involontairement privés d'emploi. Il n'est pas contesté que Mme B... a perçu l'ARE du fait de son licenciement de septembre 2012 jusqu'à janvier 2014. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que les créances en cause seraient prescrites à la date de l'émission du titre contesté, soit le 20 mars 2015.

7. En sixième lieu, s'il est constant que Mme B... a versé, postérieurement au 20 juillet 2014, la somme de 6 000 euros en remboursement de sa dette globale de 20 145, 66 euros comprenant 18 313,66 euros au principal et 1 832 euros de majorations, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait remboursé, à la suite de sa réintégration intervenue formellement à compter du 1er septembre 2012, la totalité des versements perçus indûment au titre de l'indemnité de licenciement et de l'ARE. L'administration était donc en droit, ainsi qu'elle l'a précisé dans une lettre adressée à la requérante le 15 octobre 2015, d'imputer le remboursement de 6 000 euros sur la dette globale de l'intéressée, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... aurait indiqué au comptable vouloir affecter ce remboursement à l'un ou l'autre des titres de recettes en litige émis à son encontre. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait déjà remboursé la totalité de l'indemnité de licenciement perçue à la suite de son premier licenciement et à demander la restitution d'une somme de 4 062,89 euros constitutive d'un trop perçu par l'administration au titre de cette même indemnité de licenciement.

8. En septième et dernier lieu, lorsque l'administration est condamnée, à la suite d'une action contentieuse, à verser à l'agent irrégulièrement évincé de son poste une indemnité destinée à réparer le préjudice financier lié à la perte de revenus professionnels, cette indemnité est déterminée par différence entre le montant du traitement qui aurait été perçu par l'agent illégalement évincé et le montant des rémunérations obtenues par ailleurs pendant la même période, jusqu'à la date de réintégration effective de l'agent. Sont au nombre des revenus susceptibles d'être ainsi déduits, les montants d'allocation d'assurance pour perte involontaire d'emploi effectivement perçus par l'agent.

9. Il résulte de l'instruction qu'en janvier 2014, Mme B... a obtenu le versement de l'intégralité de la rémunération, comprenant le traitement et les primes pour un montant total de 25 506 euros, à laquelle elle aurait pu prétendre au titre de la période où elle a été écartée du service, soit du 1er septembre 2012 au 31 décembre 2013. D'une part, la requérante ne saurait utilement se prévaloir, pour estimer que cette somme lui était définitivement acquise, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail qui ne sont applicables qu'aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés ainsi qu'au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé. Par ailleurs et ainsi que l'a relevé le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration ait entendu l'indemniser à la suite de son licenciement irrégulier, sur le fondement d'une demande dont elle aurait été saisie en ce sens par l'intéressée. Par suite, Mme B... ne justifiait d'aucun droit à percevoir les rémunérations versées en janvier 2014, en l'absence de service fait, et ne pouvait prétendre qu'à une indemnité destinée à réparer le préjudice financier lié à la perte de revenus professionnels. Dès lors, en émettant le titre de recettes du 20 mars 2015, le recteur a pu, à bon droit, procéder à la compensation entre les sommes dues à la requérante et celles perçues indûment par cette dernière. Dans ces conditions, les conclusions de Mme B... tendant à la décharge de la somme réclamée par le titre de perception émis à son encontre le 20 mars 2015 doivent être rejetées.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes de 1937,11 et 16 376,55 euros mises à sa charge par des titres de perception des 19 février et 20 mars 2015 émis à son encontre par le directeur régional des finances publiques du Centre et du Loiret et à la l'annulation de tous les actes subséquents, dont la lettre de relance du 11 août 2015 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui restituer la somme de 4 062,89 euros au titre du trop perçu, majorée des intérêts au taux légal.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme B... au titre des frais liés au litige. Il y a lieu dès lors de rejeter les conclusions en ce sens présentées par Mme B....

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B..., au directeur régional des finances publiques du Centre-Val de Loire et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02590


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02590
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP MADRID CABEZO FOUSSEREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-01;18nt02590 ?
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