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20/09/2019 | FRANCE | N°19NT00873

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 septembre 2019, 19NT00873


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 septembre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française à compter du 1er mars 2016.

Par un jugement n°1609529 du 8 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre du 15 septembre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 1er mars 2019, le 29

mai 2019 et le 2 août 2019, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1)° d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 septembre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de réintégration dans la nationalité française à compter du 1er mars 2016.

Par un jugement n°1609529 du 8 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre du 15 septembre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 1er mars 2019, le 29 mai 2019 et le 2 août 2019, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1)° d'annuler ce jugement du 8 février 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que les faits sur lesquels l'administration s'est fondée pour ajourner sa demande étaient suffisamment sérieux pour fonder une décision d'ajournement.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2019, M. A..., représenté par Me E..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la confirmation du jugement attaqué ;

- à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les observations de Mme C... pour le ministre de l'intérieur

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant algérien né le 1er mars 1958, a sollicité sa réintégration dans la nationalité française. Par décision du 1er mars 2016, le préfet de police de Paris a ajourné sa demande à deux ans. Saisi d'un recours hiérarchique formé le 20 avril 2016, le ministre de l'intérieur a rejeté ce recours par une décision du 15 septembre 2016 et a maintenu l'ajournement de la demande à deux ans. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 8 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., cette décision.

Sur la légalité de la décision contestée :

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En vertu des dispositions de l'article 27 de ce même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation. Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ". En application de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.

3. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du bulletin n°2 du casier judiciaire de l'intéressé délivré le 19 mars 2009 produit en appel par le ministre que, pour ajourner à deux ans la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par M. A..., le ministre s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé a été l'auteur de faits de conduite d'un véhicule sans permis, d'abord le 8 juin 2005, pour lequel il a été condamné à une peine d'amende de 750 euros le 21 septembre 2005 prononcée par ordonnance pénale du tribunal correctionnel de Paris, puis le 7 juillet 2006, ayant donné lieu à une condamnation prononcée par défaut à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 400 euros d'amende par un jugement du 27 novembre 2006 du tribunal correctionnel de Paris. Si le postulant conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés, il ne l'établit pas. Dès lors, la circonstance que le jugement du tribunal correctionnel Paris ne figure plus sur le bulletin n°3 de son casier judiciaire délivré le 15 novembre 2016 et ne soit pas produit n'entache pas la décision contestée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est fondée, non sur ces condamnations, mais sur les faits qui en sont à l'origine.

4. Les faits reprochés à l'intéressé, qui sont avérés au vu des pièces du dossier, présentent, en dépit de leur ancienneté relative, un caractère répété et une gravité suffisante. Par suite, le ministre, eu égard à son large pouvoir d'appréciation, n'a entaché sa décision ni d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation en ajournant la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par M. A... en raison de son comportement. En conséquence, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision du 15 septembre 2016.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en première instance qu'en appel.

6. En premier lieu, aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

7. La décision ministérielle contestée, qui vise les dispositions des articles 45 et 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 et précise qu'il a été procédé à un nouvel examen de la demande de réintégration de M. A... et que les éléments d'information qu'il a apportés ont été pris en compte, énonce qu'il avait été l'auteur de conduite d'un véhicule sans permis le 8 juin 2005, faits ayant donné lieu à une condamnation à 750 euros d'amende par le tribunal correctionnel de Paris le 21 septembre 2005. Cette décision comporte ainsi les considérations de droit ainsi que les éléments de fait qui en constituent le fondement, lesquels permettaient à M. A... de comprendre les motifs d'ajournement de sa demande de réintégration et de vérifier que le ministre de l'intérieur avait procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 15 septembre 2016 ne peut qu'être écarté.

8. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 21-23, 21-24 et 21-27 du code civil sont inopérants à l'appui des conclusions dirigées contre la décision du 16 septembre 2016, qui n'a pas déclaré irrecevable la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par M. A....

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée.

Sur les frais liés au litige:

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 février 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2019.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT00873


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00873
Date de la décision : 20/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET GIUDICELLI-JAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-09-20;19nt00873 ?
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