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20/09/2019 | FRANCE | N°19NT00431

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 septembre 2019, 19NT00431


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 19 janvier 2018 par laquelle le préfet du Loiret a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République de Centrafrique comme pays de renvoi en cas d'exécution forcée à l'expiration du délai de départ volontaire ainsi que la décision du 5 décembre 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement

n° 1801499 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 19 janvier 2018 par laquelle le préfet du Loiret a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République de Centrafrique comme pays de renvoi en cas d'exécution forcée à l'expiration du délai de départ volontaire ainsi que la décision du 5 décembre 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1801499 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 janvier 2019 et le 28 août 2019, Mme B... D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 septembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 19 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, de procéder à un nouveau réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

­ la décision contestée du préfet du Loiret est insuffisamment motivée et il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation ;

­ c'est à tort que le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dès lors qu'elle remplit les conditions prévues par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet a imposé des conditions non prévues dans ce texte ;

­ le préfet a entaché sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'illégalité faute d'avoir examiné sa situation ;

­ la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination:

­ compte tenu de ce qui a été dit précédemment, cette décision viole également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2019, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en s'en remettant à ses écritures de première instance, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme B... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 décembre 2018

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

­ la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code des relations entre le public et l'administration ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 septembre 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2018 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République de Centrafrique comme pays de renvoi en cas d'exécution forcée à l'expiration du délai de départ volontaire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ". Selon l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision contestée du préfet du Loiret comporte de façon détaillée les considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle vise notamment les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont l'autorité administrative a entendu faire application, en particulier les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les considérations de fait par lesquelles le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme D... sur chacun de ces fondements, tirés de sa situation familiale, de la durée de son séjour en France et des attaches que l'intéressée a conservées dans son pays d'origine, sont suffisamment développées pour mettre utilement en mesure l'intéressée de les contester. Les motifs contenus dans la décision en litige révèlent, enfin, alors même qu'ils ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de Mme D..., notamment en ce qui concerne le décès d'un de ses enfants intervenu au cours de l'instruction de sa demande et les refus qui ont été opposés aux demandes de regroupement familial formées par son mari, que sa situation a fait l'objet d'un examen particulier et suffisamment attentif. De même, les erreurs contenues dans l'arrêté concernant la date de dépôt de la demande de régularisation et l'âge auquel Mme D... est entrée en France, l'arrêté précisant au demeurant sa date de naissance et celle de son entrée en France, ne sauraient également caractériser une absence d'examen particulier de la situation de l'intéressée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France avec au moins un de ses parents légitimes, naturels ou adoptifs depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ou, à Mayotte, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, avec au moins un de ses parents légitimes, naturels ou adoptifs titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de résident, la filiation étant établie dans les conditions prévues à l'article L. 314-11 ; la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale "

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., ressortissante centrafricaine, née le 13 avril 1974, est entrée en France le 9 juin 2016, à l'âge de 42 ans, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour de trente jours. Après s'être maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, elle a sollicité auprès du préfet du Loiret la régularisation de sa situation administrative par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement, notamment, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la date de la décision contestée, son arrivée en France était récente. Par ailleurs, si la requérante invoque la circonstance qu'elle est venue rejoindre son mari, il est constant que le couple vit séparé depuis au moins 1999, date d'entrée en France de son conjoint. Par suite, et alors même que l'intéressée a accouché sur le territoire français le lendemain de son arrivée, Mme D... ne justifie pas de relations stables et anciennes sur le territoire français au sens des dispositions précitées du 7° de l'article L.313-11. Elle n'est pas, par ailleurs, dépourvue d'attaches personnelles et familiales en Centrafrique, son pays d'origine où vivent, outre ses trois frères et sa soeur, ses trois autres enfants. Mme D... a, enfin, vécu en Centrafrique jusqu'à son arrivée en France et, alors que M. D... est également de nationalité centrafricaine, la requérante n'établit pas que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dans leur pays d'origine alors même qu'un de ses enfants y serait décédé d'une crise de paludisme et que son mari serait parfaitement intégré dans la société française. La requérante ne saurait, enfin, utilement invoquer la naissance prématurée de sa fille Jessica, le 3 mai 2019 dès lors que ces faits sont postérieurs à la décision contestée. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de son séjour en France et des très fortes attaches que la requérante a conservées dans son pays d'origine et sans qu'elle puisse utilement invoquer les refus opposés aux demandes de regroupement familial de son mari, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a ainsi méconnu, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni méconnu l'intérêt de l'enfant protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, Mme D... ne justifie ni de motifs exceptionnels, ni de considérations humanitaires au sens de ces dispositions. Par suite, le préfet du Loiret pouvait, pour ce même motif, refuser de délivrer un titre de séjour sur ce fondement à Mme D... sans que la requérante puisse utilement alléguer qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, qui reprennent ce qui a été développé pour contester la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, doivent être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme D... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de Mme D... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- M. A...'hirondel, premier conseiller ;

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2019.

Le rapporteur,

M. E...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT00431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00431
Date de la décision : 20/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SCP MADRID CABEZO FOUSSEREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-09-20;19nt00431 ?
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