Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement no 1900124 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination (article 1er), a enjoint au préfet de l'Orne de réexaminer la situation administrative de M. E... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente (article 2), a mis à la charge de l'Etat une somme de 1000 euros au titre des frais liés au litige sous réserve que Me Cavelier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 4).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2019, le préfet de l'Orne demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que les autres moyens soulevés par le requérant devant les premiers juges ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2019, M. E..., représenté par Me Cavalier, conclut au non-lieu à statuer et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- le préfet de l'Orne lui a délivré un récépissé de demande de titre de séjour le 16 avril 2019 et il y a lieu de prononcer un non-lieu à statuer en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à titre subsidiaire, la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
M. E... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Malingue a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E..., ressortissant arménien né le 9 juillet 1991 à Nizhny-Novgorod (Russie) est entré en France le 27 avril 2013 selon ses déclarations. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par décision du 10 décembre 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par décision du 7 mai 2015 de la Cour nationale du droit d'asile. Sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 4 septembre 2015 de l'Office, confirmée par une décision du 29 mars 2016 de la Cour nationale du droit d'asile . Par un arrêté du 5 décembre 2018, le préfet de l'Orne a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. E..., l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. E... en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Caen qui, par un jugement du 28 mars 2019, dont le préfet relève appel, a annulé cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Pour annuler la décision du 5 décembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, celle du même jour fixant le pays à destination duquel la requérante est susceptible d'être éloignée, le tribunal administratif de Caen a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet fait valoir que le requérant est entré en France le 17 mai 2013 selon ses déclarations, qu'il a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 7 juin 2017, qu'il a été hébergé du 2 mai 2013 au 15 mai 2016 au centre d'accueil pour demandeurs d'asile d'Althéa à l'instar de son père, également en situation irrégulière et entré en France en mai 2013, alors que sa mère, qui est entrée en France avec ses parents en juin 2010 et bénéficie d'un titre de séjour depuis le 3 octobre 2011, résidait dans un domicile distinct et ne l'héberge que depuis le 22 juin 2018, que le requérant a ainsi vécu huit ans séparé de sa mère, enfin que sa soeur, entrée en France le 27 avril 2013, est titulaire d'un titre de séjour mais vit à Évreux. Toutefois, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, et notamment de l'intensité des liens personnels et familiaux dont M. E... peut se prévaloir en France et de sa perspective d'emploi, la décision portant obligation de quitter le territoire français a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. E..., protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Orne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 5 décembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination.
5. M. E... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. E... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Orne est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. E... au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 29 août 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 septembre 2019.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT01552