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12/09/2019 | FRANCE | N°18NT04603

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 septembre 2019, 18NT04603


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et l'a obligé à se présenter chaque mercredi à 8h45 au service des étrangers de la préfecture de la Sarthe afin d'indiquer ses diligences dans la préparation de son départ, d'autre part, de lui accorder le bénéf

ice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Par un jugement no 1809147 du 29 novembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et l'a obligé à se présenter chaque mercredi à 8h45 au service des étrangers de la préfecture de la Sarthe afin d'indiquer ses diligences dans la préparation de son départ, d'autre part, de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Par un jugement no 1809147 du 29 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a conclu au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête aux fins d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2018, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a méconnu son droit à être entendu tel que reconnu par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation particulière ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des risques de mauvais traitements encourus en cas d'éloignement ; elle est dépourvue de base légale ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est fondée sur une décision illégale d'obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est fondée sur une décision illégale d'obligation de quitter le territoire français ; elle est dépourvue de base légale ; elle est entachée d'une insuffisance de motivation ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à se présenter auprès des services de la préfecture chaque semaine est fondée sur une décision illégale d'obligation de quitter le territoire français ; elle est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2019, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1990 à Darfour (Soudan), déclare être entré en France le 5 avril 2016. Sa demande de statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 juin 2017, décision confirmée le 28 août 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 29 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et l'a obligé à se présenter chaque mercredi à 8h45 au service des étrangers de la préfecture de la Sarthe afin d'indiquer ses diligences dans la préparation de son départ.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. A... ayant vu sa demande d'asile définitivement rejetée par une décision du 28 août 2018 de la Cour nationale du droit d'asile et n'étant titulaire d'aucun titre de séjour, il entrait dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire français.

3. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée. Le requérant ne saurait utilement, s'agissant de la régularité formelle de la décision contestée, critiquer le bien-fondé des motifs sur lesquels elle repose.

4. En troisième lieu, dans le cas prévu au 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision faisant obligation de quitter le territoire français fait suite au constat de ce que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou de ce que celui-ci ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 du même code, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a été entendu dans le cadre du dépôt de sa demande d'asile à l'occasion de laquelle l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou accordé le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. M. A..., qui, au demeurant, ne pouvait ignorer que, depuis le rejet devenu définitif de sa demande d'asile le 28 août 2018, il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement n'établit ni même n'allègue qu'elle aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter des observations avant que soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français du 14 septembre 2018. En tout état de cause, le requérant ne fait état d'aucun élément qui aurait pu conduire le préfet à prendre une décision différente s'il en avait eu connaissance. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

5. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet s'est abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de l'obliger à quitter le territoire français sans que celui-ci puisse utilement se prévaloir, en tout état de cause, de l'absence prise en compte des risques encourus en cas de retour au Soudan.

6. En dernier lieu, M. A... soutient qu'il est originaire du Darfour Occidental et qu'il y serait exposé à des peines ou des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Soudan. Toutefois, il ne peut utilement se prévaloir de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors que celle-ci n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel le requérant devra être reconduit d'office.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

7. En premier lieu, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'étant pas annulée, il n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours.

8. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) ".

9. Si le requérant fait valoir que le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait adressé au préfet une demande en ce sens avant que fût prise la décision en litige. En tout état de cause, le requérant ne fait état dans sa requête d'aucune circonstance particulière de nature à rendre nécessaire la prolongation du délai de trente jours qui lui a été accordé pour partir volontairement. Dans ces conditions, la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger rejoint le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. / (...) ". Aux termes de l'article L. 513-2 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article L. 513-3 du même code : " La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. / (...) ".

11. En premier lieu, le préfet de la Sarthe a décidé l'éloignement de M. A... à destination du pays dont il a la nationalité, de tout pays dans lequel il établit être légalement admissible ou à défaut à destination de tout autre pays qui lui a délivré un titre de séjour en cours de validité. Ce dispositif est conforme aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne résulte ni de ces dispositions ni d'aucune autre que le préfet aurait été tenu de préciser et désigner nommément, dans la décision contestée, le ou les pays vers lesquels M. A... était susceptible d'être renvoyé. Dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit et d'un défaut de base légale.

12. En deuxième lieu, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'étant pas annulée, il n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision fixant le pays de destination.

13. En troisième lieu, la décision fixant le pays de renvoi mentionne la nationalité du requérant, vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise qu'il peut être reconduit sans que l'administration contrevienne aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

14. En dernier lieu, le requérant n'apporte aucun élément probant de nature à établir qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Au surplus, sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision obligeant M. A... à se présenter auprès des services de la préfecture de la Sarthe une fois par semaine :

15. En premier lieu, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'étant pas annulée, il n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision l'astreignant à se présenter auprès des services de la préfecture.

16. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. / Un décret en Conseil d'Etat prévoit les modalités d'application du présent article. ". Aux termes de l'article R. 513-3 du même code : " L'autorité administrative désigne le service auprès duquel l'étranger doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence qui ne peut excéder trois présentations par semaine. ". Bien que distincte, l'obligation de présentation à laquelle un étranger est susceptible d'être astreint sur le fondement de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une décision concourant à la mise en oeuvre de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, si l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration impose que cette décision soit motivée au titre des mesures de police, cette motivation peut, outre la référence à l'article L. 513-4, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire.

17. La décision contestée vise l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle est suffisamment motivée. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 29 août 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 septembre 2019.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT04603


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04603
Date de la décision : 12/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : GUINEL-JOHNSON

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-09-12;18nt04603 ?
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