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30/08/2019 | FRANCE | N°18NT03172

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 30 août 2019, 18NT03172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération des Entrepreneurs de Boulangerie a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'abrogation de son arrêté du 6 mars 1995 ordonnant dans ce département un jour de fermeture au public par semaine des boulangeries, boulangeries-pâtisseries et tout commerce spécialisé, ainsi que de leurs dépendances et dépôts, fixes ou ambulants et employant ou non des salariés, dans lesquels s'effectuent la vent

e, la distribution de pain ou de produits frais panifiés.

Par un jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération des Entrepreneurs de Boulangerie a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'abrogation de son arrêté du 6 mars 1995 ordonnant dans ce département un jour de fermeture au public par semaine des boulangeries, boulangeries-pâtisseries et tout commerce spécialisé, ainsi que de leurs dépendances et dépôts, fixes ou ambulants et employant ou non des salariés, dans lesquels s'effectuent la vente, la distribution de pain ou de produits frais panifiés.

Par un jugement n° 1701995 du 22 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 août 2018, la Fédération des entreprises de boulangerie, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2018 ;

2°) d'annuler le refus implicite opposé le 4 janvier 2016 à sa demande d'abrogation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 6 mars 1995 ;

3°) de faire injonction au préfet de la Loire-Atlantique d'abroger l'arrêté préfectoral du 6 mars 1995 ou, subsidiairement, de statuer à nouveau sur sa demande après un nouvel examen dans un délai de trois mois et sous astreinte de 200 euros par jour de retard au-delà de ce délai.

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

La requérante soutient que :

- les premiers juges n'ont pas statué sur les conclusions à fins d'injonction qu'elle leur avait présentées à titre subsidiaire ;

- les établissements des boulangers-pâtissiers, seuls représentés à l'accord du 26 janvier 1995, sont aujourd'hui minoritaires ;

- les modalités de décompte du préfet pour vérifier le maintien de la condition de majorité à l'occasion de réunions organisées en 2017 sont illégales.

Par ordonnance du 14 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er avril 2019.

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à la ministre du travail, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit

Les faits, la procédure :

1. Par un arrêté du 6 mars 1995 le préfet de la Loire-Atlantique a ordonné sur l'ensemble du territoire de ce département la fermeture au public un jour par semaine des boulangeries, boulangeries-pâtisseries et tout commerce spécialisé (croissanteries, viennoiseries, sandwicheries...), ainsi que de leurs dépendances et dépôts, fixes ou ambulants et employant ou non des salariés, dans lesquels s'effectuent la vente, la distribution de pain ou de produits frais panifiés. Par un courrier reçu le 4 novembre 2015, la Fédération des entreprises de boulangerie (FEB) a demandé l'abrogation de cet arrêté. La FEB relève appel du jugement du 22 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation du rejet implicitement opposé par le préfet du Calvados à sa demande d'abrogation de l'arrêté du 6 mars 1995.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 3132-29 du code du travail, reprenant les dispositions du premier alinéa de l'ancien article L. 221-17 du code du travail, en vigueur au jour de l'arrêté dont l'abrogation est demandée : " Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos / A la demande des organisations syndicales représentatives des salariés ou des organisations représentatives des employeurs de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession de cette zone géographique, le préfet abroge l'arrêté mentionné au premier alinéa, sans que cette abrogation puisse prendre effet avant un délai de trois mois ".

En ce qui concerne la critique de la légalité de l'arrêté du 6 mars 1995 au jour de la demande d'abrogation :

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 3132-29 du code du travail, que le préfet, saisi d'une demande d'abrogation de cet arrêté par une organisation syndicale représentative d'employeurs de la zone géographique concernée, ne peut rejeter cette demande sans vérifier au préalable si cette condition de majorité indiscutable est toujours remplie au jour de cette demande, dès lors que l'organisation syndicale à l'origine de cette demande apporte des éléments suffisants en ce sens.

4. L'existence d'une majorité indiscutable en faveur du maintien de la réglementation est vérifiée lorsque les entreprises adhérentes à la ou aux organisations d'employeurs qui ont signé l'accord ou s'y sont déclarées expressément favorables exploitent la majorité des établissements intéressés ou lorsque la consultation de l'ensemble des entreprises concernées a montré que l'accord recueillait l'assentiment d'un nombre d'entreprises correspondant à la majorité des établissements intéressés, sans qu'il soit exigé que les organisations signataires de l'accord soient elles-mêmes représentatives de cette majorité.

5. En se référant au classement, établi par la chambre de commerce, des établissements susceptibles de vendre du pain dans le département en 2015, la FEB soutient qu'au jour de sa demande d'abrogation, cette condition de majorité indiscutable n'était plus satisfaite dès lors que seuls les adhérents de la Chambre Syndicale de la Boulangerie du Calvados, unique organisme signataire de l'accord, au nombre de 638, pouvaient y être regardés comme favorables, alors que les autres professionnels concernés sont au nombre de 1 536, selon les chiffres communiqués par la chambre de commerce et d'industrie de Nantes. La fédération conteste également la validité de la consultation organisée par le préfet en 2017, soit en cours d'instance devant le tribunal administratif, et qui avait conduit à l'administration à conclure à la persistance d'une majorité en faveur de l'accord, dès lors que les boulangers industriels n'y avaient pas été conviés.

6. L'arrêté de fermeture hebdomadaire du 6 mars 1995 vise en son article 2 à la fermeture un jour par semaine des " boulangeries, boulangeries-pâtisseries et tout commerce spécialisé (croissanteries, viennoiseries, sandwicheries...), ainsi que de leurs dépendances et dépôts, fixes ou ambulants et employant ou non des salariés, dans lesquels s'effectuent la vente, la distribution de pain ou de produits frais panifiés ". Son article 3 dispose que " Pendant la journée fermeture sont interdits la vente de pain, de pâtisseries, glaces, chocolats, confiserie et viennoiserie, la vente à domicile, le colportage de pain ainsi que le dépôt de pain ".

7. Ce champ d'application de l'arrêté, notamment en ce qu'il fait référence à la notion de " magasins spécialisés " se limite aux établissements de commerce alimentaire, sans s'étendre aux supérettes, supermarchés ou hypermarchés ou aux commerces de détail de carburants. Dans la mesure où l'article L. 3132-29 du code du travail déjà cité s'applique expressément à la " fermeture au public " cet arrêté n'est pas non plus susceptible de concerner les établissements de fabrication industrielle de pain et pâtisserie fraîche ou de cuisson de produits de boulangerie, qui s'adressent à une clientèle professionnelle. Sont donc seuls concernés, pour l'examen de la condition de majorité indiscutable déjà mentionnée, les établissements relevant des catégories suivantes : boulangeries, boulangeries-pâtisseries, pâtisseries, commerce de détail de produits surgelés, commerce d'alimentation générale et restauration de type rapide (" sandwicheries "), dont l'effectif correspond, selon le tableau de la chambre de commerce produit par la requérante et non contesté en défense, à 1 802 établissements.

8. Or le même tableau de la chambre de commerce fait apparaître que les boulangeries et boulangeries-pâtisseries de Loire-Atlantique, seules susceptibles d'être représentées par le syndicat signataire de l'accord de 1995, sont respectivement au nombre de 590 et de 48, soit un total inférieur à la majorité des établissements concernés.

9. Dès lors, saisi en novembre 2015 d'une demande d'abrogation de l'arrêté du 6 mars 1995, le préfet de la Loire-Atlantique ne pouvait, sans procéder à une nouvelle consultation des organisations professionnelles intéressées, déterminées comme il est dit ci-dessus, regarder la réglementation litigieuse comme correspondant encore à la volonté de la majorité indiscutable des établissements faisant commerce de pain. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que le refus opposé à sa demande d'abrogation est entaché d'illégalité et à en demander l'annulation.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la Fédération des Entrepreneurs de Boulangerie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Compte-tenu du motif d'annulation retenu par la cour, le présent arrêt implique seulement que le préfet procède à une nouvelle consultation des organisations professionnelles, déterminées comme il est dit au point 7 du présent arrêt, et statue à nouveau sur la demande dont il demeure saisi dans un délai qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de fixer à quatre mois.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la Fédération des Entrepreneurs de Boulangerie et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La décision de rejet implicitement opposée par le préfet de la Loire-Atlantique à la demande d'abrogation de l'arrêté du 6 mars 1995 présentée par Fédération des Entrepreneurs de Boulangerie ainsi que le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juin 2018, sont annulés.

Article 2 : Le préfet de la Loire-Atlantique statuera à nouveau sur la demande de la Fédération des Entrepreneurs de Boulangerie dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, après avoir procédé à une nouvelle consultation des organisations professionnelles intéressées, déterminées selon les termes du point 7 du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la Fédération des Entrepreneurs de Boulangerie une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération des Entrepreneurs de Boulangerie et à la ministre du travail. Une copie en sera communiquée au préfet de la Loire-Atlantique, à la Fédération des patrons boulangers et boulangers-pâtissiers de Loire-Atlantique, à l'Union départementale des syndicats CFDT de la Loire-Atlantique, à l'Union départementale des syndicats CFTC de la Loire-Atlantique et à l'Union départementale des syndicats CGT-FO de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 août 2019.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03172
Date de la décision : 30/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CHAZAT-RATEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-08-30;18nt03172 ?
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