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19/07/2019 | FRANCE | N°19NT00364

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 juillet 2019, 19NT00364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 août 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française et la décision par laquelle le ministre de l'intérieur, saisi sur recours hiérarchique, a rejeté implicitement le recours formé par son fils M. B...C..., qui est placé sous sa tutelle, contre la décision du 15 mars 2016 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré sa demande de natural

isation irrecevable.

Par un jugement n° 1610821 du 18 décembre 2018, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 août 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française et la décision par laquelle le ministre de l'intérieur, saisi sur recours hiérarchique, a rejeté implicitement le recours formé par son fils M. B...C..., qui est placé sous sa tutelle, contre la décision du 15 mars 2016 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré sa demande de naturalisation irrecevable.

Par un jugement n° 1610821 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par mémoire enregistré le 24 janvier 2019, MmeE..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 24 août 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française ;

3°) d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur, saisi sur recours hiérarchique, a rejeté implicitement le recours formé par son fils M. B...C..., qui est placé sous sa tutelle, contre la décision du 15 mars 2016 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré sa demande de naturalisation irrecevable ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa naturalisation et à celle de

M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros qui devra être versée à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant la renonciation dudit avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'être signé ;

- la décision la concernant est discriminatoire car de nature à exclure de l'accès à la nationalité française toute personne intervenant à temps plein au soutien d'une personne handicapée, lorsque cette dernière ne peut pas vivre en l'absence d'une tierce-personne ;

- elle ne dispose pas des moyens suffisants pour recourir à l'aide d'une tierce personne pour son fils ;

- la décision concernant son fils est entachée d'une erreur de droit en ne prenant pas en compte la date de demande de regroupement familial ;

Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Giraud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...a déposé auprès du préfet de la Seine-Saint-Denis une demande en vue de réintégrer la nationalité française. Cette demande a été rejetée le 10 mai 2016. Saisi d'un recours administratif préalable, le ministre a rejeté la demande de Mme E...le 24 août 2016. M. B...C..., fils de Mme E...sous la tutelle de laquelle il a été placé puis maintenu par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Pantin, a déposé auprès du préfet de la Seine-Saint-Denis une demande de naturalisation, qui a été déclarée irrecevable le 15 mars 2016. Saisi d'un recours administratif préalable, le ministre a implicitement confirmé l'irrecevabilité de la demande de naturalisation de M.C.... Mme E...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 24 août 2016 rejetant sa demande de réintégration dans la nationalité française et de la décision implicite par laquelle le ministre a maintenu l'irrecevabilité de la demande de naturalisation de M.C....

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité au regard de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 août 2016 rejetant la demande de réintégration dans la nationalité française de Mme E...:

3. D'une part, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". D'autre part, aux termes de l'article 48 du décret du

30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'autonomie matérielle du postulant, apprécié au regard du caractère suffisant et durable de ses ressources propres. L'autorité administrative ne peut, en revanche, se fonder exclusivement ni sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap ni sur le fait que les ressources dont dispose l'intéressé ont le caractère d'allocations accordées en compensation d'un handicap, pour rejeter une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française.

4. Pour rejeter la demande de réintégration dans la nationalité française de MmeE..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée était dépourvue de revenus personnels et dépendante des prestations sociales.

5. Il est constant que Mme E...ne dispose d'aucun revenu personnel et que ceux-ci dépendent des prestations sociales. Cependant, Mme E...fait valoir qu'elle est entrée en France en 2007 afin de prodiguer des soins à son fils, victime d'un grave accident de la circulation ayant entraîné des séquelles extrêmement lourdes avec dépendance quasi-totale (Bi hémiplégie). Il ressort d'ailleurs des nombreux certificats médicaux établis par différents médecins de l'assistance publique des hôpitaux de Paris, produits en première instance, que l'assistance d'une tierce personne est indispensable au fils de Mme E...pour tous les gestes de la vie courante. Il ressort des décisions de la direction de la population âgée et des personnes handicapées de la Seine-Saint-Denis que Mme E...perçoit en qualité d'aidant familial une prestation destinée à compenser en partie la charge que constitue les soins quotidiens qu'elle accomplit pour son fils. Toutefois, Mme E...n'établit pas que la prise en charge de son fils n'aurait pu s'effectuer par l'assistance d'une tierce personne notamment par la perception de la prestation de compensation du handicap. Ainsi, la requérante ne peut soutenir que malgré son choix personnel de s'occuper de son fils, le ministre en rejetant sa demande de réintégration dans la nationalité française aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et de discrimination.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du ministre confirmant implicitement l'irrecevabilité de la demande de naturalisation de M. C...:

6. L'article 21-16 du code civil dispose : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation. ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts familiaux et matériels à la date à laquelle il est statué sur sa demande. Pour apprécier si cette dernière condition est remplie, l'administration peut notamment se fonder, sous le contrôle du juge, sur la situation familiale du demandeur, sa durée de présence en France et le caractère suffisant et durable de ses ressources. .

7. Il ressort des écritures en défense du ministre de l'intérieur que, pour déclarer irrecevable la demande de naturalisation présentée par M.C..., le ministre s'est fondé sur la circonstance que l'épouse de l'intéressé résidant hors de France, celui-ci n'avait pas fixé en France le centre de ses intérêts.

8. Il est constant qu'à la date de la décision attaquée, si M. C...avait déposé depuis un mois et demi une demande de regroupement familial au profit de son épouse, cette demande n'a été acceptée par le préfet de la Seine-Saint-Denis que le 17 novembre 2017. Par conséquent, à la date de la décision attaquée, à laquelle s'apprécie la légalité de celle-ci, l'épouse de

M.C..., lequel ne résidait en France que depuis 10 ans, vivait hors de France, de sorte que le requérant ne pouvait être regardé comme remplissant les conditions de résidence définies par le texte précité, alors même qu'il aurait déposé antérieurement la demande de regroupement familial. Dans ces conditions, le requérant ne peut être regardé comme ayant fixé en France de manière stable le centre de ses attaches familiales. Par suite, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation en déclarant irrecevable la demande de naturalisation de M.C....

9. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, où siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Giraud, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

T. GIRAUDLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00364


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00364
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : PLATEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;19nt00364 ?
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