Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2016 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1801013 du 30 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2019, Mme E...B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 juillet 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 7 décembre 2016 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, la mention " salarié ", ou à tout le moins, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision est entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit car le préfet du Loiret ne pouvait lui opposer, en vertu de l'article 11 de la convention franco-ivoirienne et des dispositions des articles L. 313-10 et L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la circonstance que le métier proposé n'était pas en tension ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- elle pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de la durée de son séjour en France, des liens amicaux et familiaux qu'elle y a noués et de sa parfaite intégration ;
- elle pouvait également bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du même code, ce que n'a pas examiné le préfet ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la durée de son séjour en France, de son insertion dans la société française et de sa situation familiale ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi:
- ces décisions ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la durée de sa présence en France, de son intégration professionnelle et sociale et de sa situation familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2019, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble une annexe), signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M.A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Tokou YolandeB..., née le 7 février 1972 et de nationalité camerounaise, a déclaré être entrée en France le 15 mai 2006. Elle a bénéficié, du 26 septembre 2014 au 22 janvier 2018, d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 8 novembre 2017, elle a sollicité son changement de statut en qualité de salarié, lequel lui a été refusé par un arrêté du préfet du Loiret du 20 décembre 2017. Mme B...relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 juillet 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 14 de la convention franco-camerounaise sur la circulation et le séjour des personnes du 24 janvier 1994 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la présente Convention. ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Pour un séjour de plus de trois mois, (...) les nationaux camerounais, lors de la demande du visa français, doivent être munis des justificatifs prévus aux articles 4 à 7 ci-après, en fonction de la nature de l'installation envisagée. Ils doivent, à l'entrée sur le territoire de l'État d'accueil, être munis d'un visa de long séjour et pouvoir présenter, le cas échéant, les justificatifs mentionnés aux articles 4 à 7. ". Aux termes de l'article 4 de cette convention : " Les nationaux de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre État une activité professionnelle salariée doivent, en outre, pour être admis sur le territoire de cet État, justifier de la possession : / (...) 2° D'un contrat de travail visé par le ministère chargé du travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil " et aux termes de son article 11 : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les nationaux camerounais doivent posséder un titre de séjour (...) Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'Etat d'accueil ". Il résulte de la combinaison de ces stipulations que la convention franco-camerounaise renvoie, par son article 11, à la législation nationale pour la délivrance des titres de séjour et que ses articles 3 et 4 se bornent, quant à eux, à régir les conditions d'entrée sur le territoire de l'un des deux Etats, de ceux des ressortissants de l'autre Etat qui souhaitent y exercer une activité salariée. Ainsi, les ressortissants camerounais souhaitant exercer une activité salariée en France doivent solliciter un titre de séjour en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " / (...) L'étranger se voit délivrer l'une des cartes prévues aux 1° ou 2° du présent article sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 5221-2 du code du travail lorsque sa demande concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du même code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / (...) 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, conformes aux rémunérations pratiquées sur le marché du travail pour l'emploi sollicité ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a été admise à séjourner en France en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à compter du 26 septembre 2014, date de début de validité du premier titre de séjour qui lui a été délivré. Ce titre de séjour lui a été renouvelé jusqu'au 22 janvier 2018. Le 8 novembre 2017, elle a sollicité son changement de statut de " vie privée et familiale " (étranger malade) à salarié en présentant un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel conclu avec la société Stella, en qualité d'agent de service sur le site Ada Access d'Ivry, avec, si nécessaire, des mobilités possibles sur d'autres sites en région parisienne, pour une rémunération de 854,47 euros brut par mois, représentant un taux horaire de 9,86 euros.
5. Pour refuser à Mme B...un titre de séjour portant la mention " salarié ", le préfet du Loiret s'est fondé sur l'avis émis le 27 novembre 2017 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Il a retenu, compte tenu des nombres de demandeurs d'emplois et d'offres d'emplois dans le secteur considéré en région Ile-de-France, que l'emploi sollicité n'était pas, dans cette région, sur la liste des métiers dits en tension et que la rémunération mensuelle proposée était inférieure à la rémunération mensuelle minimale du SMIC. De tels motifs sont au nombre de ceux qui, aux termes des dispositions précitées, peuvent justifier le refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Mme B...ne conteste pas la réalité des chiffres respectifs des demandeurs d'emploi (5 604) et du nombre d'offres d'emploi (1 746) dans le secteur d'emploi proposé pour le troisième trimestre 2017 dans la région Ile-de-France sur lesquels le préfet du Loiret pouvait légalement se fonder pour apprécier la situation de l'emploi, ni le montant de sa rémunération. En se bornant à produire les bulletins de paie de l'entreprise Stella et une attestation de l'employeur, Mme B...n'établit pas que le préfet, qui a procédé à un examen particulier de la demande de l'intéressée, aurait méconnu les dispositions précitées. La requérante ne saurait, enfin, utilement se prévaloir des autres emplois qu'elle a occupés, lesquels sont sans lien avec celui pour lequel elle a sollicité un titre de séjour.
6. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Par suite, MmeB..., qui n'a pas sollicité de titre de séjour sur ces fondements, ne saurait utilement invoquer les dispositions du 7° de l'article R.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article L. 313-14 de ce même code pour alléguer qu'elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour en application de ces dispositions.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Si Mme B...prétend résider en France depuis le 15 mai 2006, elle n'apporte au soutien de son allégation aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ressort, en revanche, des pièces du dossier, qu'elle a été admise à séjourner en France en qualité d'étranger malade à compter du 26 septembre 2014. Elle n'avait pas ainsi vocation à s'établir sur le territoire à l'issue du traitement de sa maladie en raison de laquelle elle a obtenu ce titre de séjour. Si elle dispose d'un emploi en qualité d'agent de service et a été recrutée sur d'autres emplois à compter de janvier 2015, il ressort des pièces du dossier, notamment des indications portées sur la fiche de renseignement jointe à sa demande de titre de séjour établie le 8 novembre 2017 qu'elle a signée, que l'intéressée est célibataire et sans enfant et ne dispose pas d'attaches familiales en France alors que sa soeur Toha Chantal B...vit au Cameroun. Si elle fait valoir que sa soeur serait décédée en décembre 2017, elle ne produit aucun justificatif pour permettre à la cour d'apprécier le bien-fondé de son allégation. Dans ces conditions, alors même qu'une autre de ses soeurs ainsi qu'une de ses cousines vivraient en France et que les enfants de celles-ci auraient la nationalité française et qu'elle serait parfaitement intégrée dans la société française, le préfet du Loiret, en refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été édictée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressée.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission [du titre de séjour] est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ".
10. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Dès lors, Mme B...n'ayant sollicité un titre de séjour que sur le seul fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'est pas visé à l'article L. 312-2, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission avant de refuser de délivrer à l'intéressé le titre de séjour qu'elle avait sollicité. En tout état de cause, la requérante n'établit pas pouvoir prétendre à l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions citées à l'article L. 312-2 de ce code. En particulier, eu égard à ce qui a été dit au point 8, elle ne justifie pas être au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ne peut être qu'écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, en obligeant Mme B...à quitter le territoire français dans un délai de trente jour et en fixant le Cameroun comme pays de renvoi, les décisions contestées n'ont pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises Elles n'ont, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.
Le rapporteur,
M. D...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00092