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19/07/2019 | FRANCE | N°18NT04158

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 juillet 2019, 18NT04158


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 juillet 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à son fils allégué A...B...un visa de long séjour.

Par un jugement n° 1608264 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 novembre 2018 et 26 avril 2019, Mme

C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 juillet 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à son fils allégué A...B...un visa de long séjour.

Par un jugement n° 1608264 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 novembre 2018 et 26 avril 2019, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 septembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 juillet 2016 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à son fils allégué A...B...un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'erreur de droit, notamment quant aux dispositions du code civil haïtien applicables ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation (sur les incohérences des actes d'état civil, sur la non conformité à l'article 55 du code civil haïtien, sur l'intention frauduleuse)

- le lien de filiation est établi par la possession d'état ;

- la décision attaquée a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Giraud,

- et les observations de MeD..., représentant M. et MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...C..., ressortissante haïtienne née le 18 janvier 1980, a sollicité le bénéfice du regroupement familial pour son fils allégué A...B..., ressortissant haïtien né le 9 mai 2000. Par une décision du 17 décembre 2015, le sous-préfet de l'Haÿ-les-Roses a fait droit à sa demande. Le 5 février 2016, une demande de visa a été déposée pour l'enfant A...B...auprès des autorités consulaires françaises à Port-au-Prince. Par une décision du 12 avril suivant, lesdites autorités consulaires ont rejeté la demande de visa. Mme C...demande relève appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juillet 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer le visa sollicité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il résulte des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Si ce dernier article prévoit que les actes d'état civil faits en pays étranger et selon les formes usitées dans ce pays font foi, il n'en va toutefois pas ainsi lorsque d'autres actes ou pièces, des données extérieures ou des éléments tirés de ces actes eux-mêmes établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que ces actes sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

3. Pour rejeter la demande de visa de long séjour déposée pour l'enfant A...B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que les actes de naissance produits à l'appui de la demande étaient dépourvus de caractère authentique et que l'identité du demandeur et son lien familial avec la requérante n'étaient pas établis.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de la demande de visa litigieuse, ont été produits deux actes de naissance différents établis en 2014 et en 2015. Si la requérante fait valoir qu'en application de deux décrets du 1er février 2002 et du 16 janvier 2014, le gouvernement haïtien a permis de déroger aux dispositions de l'article 55 du code civil haïtien concernant les modalités de déclaration tardive des enfants, les actes produits par la requérante, établis selon ses déclarations, sans que des explications soient fournies sur cette succession de demande d'actes d'état-civil, présentent des incohérences en ce qui concerne leur numérotation et l'heure de naissance de l'enfant. La seule coexistence de ces deux actes et les incohérences qu'ils présentent sont de nature à créer, en l'espèce, un doute sur leur authenticité.

5. Cependant, Mme C...apporte la preuve qu'elle adresse régulièrement, au moins tous les mois, depuis au moins 2014 des sommes d'argent conséquentes compte tenu de ses revenus, à sa soeur, depuis 2014. Il n'est pas soutenu que cette somme n'aurait d'autre fonction que de participer à l'entretien d'A...B..., qui réside chez la soeur de la requérante. La requérante produit également des attestations non stéréotypées d'amis indiquant qu'elle leur a donné des vêtements et de l'argent à transmettre à son fils, lors de leurs voyages en Haïti ainsi que des photographies de son fils. Enfin, les factures de téléphone produites qui, si à elles seules ne sont pas susceptibles d'établir la réalité de la relation de Mme C...avec le jeune A...B..., viennent, dans ce contexte, corroborer les éléments qui établissent la possession d'état.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commission de recours contre les décisions de refus de visa a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en fondant les refus opposés sur l'absence d'authenticité du lien de filiation entre Mme C...et son fils A...B.... Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A...B...C...un visa d'entrée et de long séjour en France, en qualité d'enfant mineur d'un ressortissant de nationalité française, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés aux litiges :

8. Il y a lieu en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C...de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 septembre 2018 et la décision du 29 juillet 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à son fils allégué A...B...un visa de long séjour sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A...B...un visa d'entrée et de long séjour en France dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C..., à M. C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, où siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Giraud, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

T. GIRAUDLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04158


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04158
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : ANDRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;18nt04158 ?
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