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19/07/2019 | FRANCE | N°18NT02917

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 19 juillet 2019, 18NT02917


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2018, la société Kermeleuc, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 7 juin 2018 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial Vilaine a refusé d'autoriser son projet de regroupement, à Pleumeleuc, des surfaces de vente de l'hypermarché E. Leclerc (2 500 m²) et de l'espace culturel E. Leclerc (1 500 m²) ;

2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de qu

atre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

-...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2018, la société Kermeleuc, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 7 juin 2018 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial Vilaine a refusé d'autoriser son projet de regroupement, à Pleumeleuc, des surfaces de vente de l'hypermarché E. Leclerc (2 500 m²) et de l'espace culturel E. Leclerc (1 500 m²) ;

2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

- le magasin se situe en continuité complète avec l'espace bâti ;

- la présence d'une desserte en transports en commun éloignée de 850 mètres ne suffit pas à elle seule à justifier un refus, alors que par ailleurs l'accès aux deux-roues est facilité par des pistes cyclables ;

- l'existence de remontées de files sur la bretelle de sortie de la RN 12 n'avait pas été évoquée dans la précédente décision de la CNAC ; elle n'a pas été en mesure de discuter utilement ce motif lors de l'instruction de sa demande ;

- le schéma de cohérence territoriale (SCOT), s'il ne fait plus référence à une surface de vente de 2.500 m², maintient l'interdiction des magasins de commerce de détail non spécialisés dont le format excède celui d'un supermarché, ce qui revient à interdire les hypermarchés, c'est-à-dire les grandes surfaces de plus de 2 500 m² ; la CNAC s'est une nouvelle fois bornée à appliquer strictement cette règle ;

- le projet, qui se borne à réunir deux surfaces commerciales pour plus de commodité de la clientèle n'aura aucune incidence sur l'offre alimentaire qui n'est pas accrue et donnera une plus grande attractivité à la partie non alimentaire ; il n'y aura donc pas d'effets négatifs sur les petits commerces alimentaires de détail ; le document d'orientation et d'objectifs du SCOT permet de développer les pôles commerciaux de bassins de vie soit en centralité, soit dans l'enveloppe urbaine, soit en continuité de l'enveloppe urbaine ; le projet va dans le sens des objectifs du SCOT.

Un mémoire en production de pièces, enregistré le 11 septembre 2018, a été présenté par la commission nationale d'aménagement commercial.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Degommier,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant MeB..., représentant la société Kermeleuc.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 23 juin 2014, la commission départementale d'aménagement commercial d'Ille-et-Vilaine avait accordé à la société Kermeleuc l'autorisation préalable requise en vue du transfert, sans extension de la surface de vente, de l'hypermarché de 2 500 mètres carrés, à l'enseigne " E. Leclerc " au sein de la zone commerciale du Bail à Pleumeleuc et de la création, dans le même bâtiment, d'un espace culturel, à la même enseigne, d'une surface de vente de 1 500 mètres carrés. Le 2 mai 2016, la société Kermeleuc a sollicité auprès de la commission départementale l'autorisation de procéder à la modification de ce projet par un regroupement, au sein du même magasin, de l'hypermarché et de l'espace culturel. Le 16 juin 2016, la commission a refusé cette autorisation. Par une décision du 27 octobre 2016, la commission nationale d'aménagement commercial a confirmé ce refus. Cette décision a été annulée, pour erreur de droit, par un arrêt du 19 février 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes. A la suite de cet arrêt, la commission nationale d'aménagement commercial a réexaminé la demande de la société Kermeleuc et a opposé un nouveau refus à son projet de regroupement, à Pleumeleuc, des surfaces de vente de l'hypermarché E. Leclerc (2 500 m²) et de l'espace culturel E. Leclerc (1 500 m²), par décision du 7 juin 2018. La société Kermeleuc demande à la Cour d'annuler cette décision.

Sur la légalité de la décision du 7 juin 2018 de la commission nationale d'aménagement commercial :

2. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.- A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. ".

3. En application de ces dispositions, l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi et il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. En outre, en application de ces mêmes dispositions et de celles de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, les autorisations délivrées par les commissions d'aménagement commercial doivent être compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale, pris dans son ensemble. Ce document peut fixer des orientations générales et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales définis en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme.

4. La commission nationale s'est fondée, pour s'opposer à la demande de la société Kermeleuc, sur le fait que le projet, implanté dans la zone commerciale du Bail à Pleumeleuc, à 700 m du centre-ville et à 1 km du centre-ville de Bédée, commune limitrophe, dispose d'une desserte insatisfaisante par les transports en commun, l'arrêt le plus proche étant situé à 850 m du projet. Elle a également estimé qu'il convient de ne pas aggraver le risque pesant sur la sécurité des automobiles à l'arrêt sur la RN 12, des remontées de file sur la bretelle de sortie de la RN 12 desservant le projet ayant été constatées. La commission a enfin estimé que le projet n'est pas compatible avec les orientations générales et les objectifs du schéma de cohérence territoriale du Pays de Brocéliande refusant le surdimensionnement des hypermarchés de secteur 1 sur son territoire et prévoyant de structurer progressivement une offre de produits non alimentaires.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'instruction devant la commission nationale d'aménagement commercial, que le projet refusé par la CNAC consiste uniquement à regrouper l'espace Culturel et le supermarché " E. Leclerc " au sein d'un seul et même magasin de 4 000 m², sans modification des rayons et univers. Ce regroupement permet de simplifier les achats des clients et d'offrir à la clientèle un cadre d'achat plus pratique. La modification en cause n'aura aucune incidence sur la structure du bâtiment. S'il n'existe pas de transport en commun urbain à Pleumeleuc et si, comme l'a relevé la CNAC, la desserte du projet en transports en commun ne comporte qu'un seul l'arrêt, " Pleumeleuc Centre ", situé à environ 850 mètres, faisant partie de la ligne 19 du réseau départemental Illenoo, cette circonstance n'est pas de nature, à elle seule, à justifier un refus du projet, compte tenu de l'objet de celui-ci. En outre, l'ensemble commercial litigieux est situé dans une zone urbanisée, en continuité des quartiers d'habitations. Il existe une aire de covoiturage de 30 places à Pleumeleuc, près de l'échangeur de la RN 12. Et si aucune piste cyclable ne dessert le projet, des cheminements piétons et cyclables existent sur la parcelle du magasin et un parc à vélos d'une capacité de 25 cycles a été aménagé.

6. En deuxième lieu, il ressort du rapport d'instruction précité que les locaux du projet sont desservis par la rue de l'Épinette, directement accessible depuis la rue de Rennes (RD 68) et la RD 72, et sont bordés par la RN 12, axe Rennes - Saint-Brieuc, voie rapide à deux fois deux voies disposant d'un échangeur complet à hauteur de Pleumeleuc. Dans le cadre du projet autorisé, deux giratoires, dans la continuité de la rue de l'Epinette, ont été aménagés par la société Kermeleuc sur l'emprise foncière du projet. La modification envisagée ne devrait pas entraîner de flux supplémentaire. A l'occasion de la précédente demande d'autorisation, accordée le 23 juin 2014, aucune difficulté de circulation n'avait été signalée et les accès existants de desserte de l'ensemble commercial étaient considérés comme adaptés et sécurisés pour recevoir le trafic supplémentaire généré par le projet autorisé. Si la CNAC a évoqué dans sa décision contestée des " remontées de file ", il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le projet pourrait avoir des impacts significatifs sur la circulation, tant au niveau des voies routières menant au site que sur la voirie interne de l'ensemble commercial. L'avis du ministre chargé du commerce du 7 juin 2018 indique, de même, que le magasin bénéficie d'une bonne desserte routière par les RN 12, et RD 68 et 72 et que l'impact du magasin déplacé sur les flux routiers a été très limité. Dès lors, le motif de refus tiré des risques pesant sur la sécurité des automobilistes ne peut être regardé comme établi.

7. Enfin, le document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du pays de Brocéliande, approuvé par délibération du 19 décembre 2017 et désormais applicable, énonce comme prescriptions que les localisations préférentielles des commerces seront les centralités et, à défaut, les enveloppes urbaines s'il s'avère durement impossible de les localiser dans les centralités. Il ajoute que par exception, dans les pôles commerciaux de bassin de vie, des localisations de commerces pourront intervenir en continuité immédiate de l'enveloppe urbaine s'il s'avère dûment impossible de les localiser dans les centralités et les enveloppes urbaines. Ce document admet en outre des possibilités d'extension limitée de l'existant, au sein de l'enveloppe urbaine, à condition de ne pas créer une autre centralité, ainsi que le développement " en lien avec le niveau de croissance démographique retenue par le PLU ". Le projet litigieux, s'il est situé à 700 m du centre-ville et à 1 km du centre de la commune voisine de Bédée, occupe un terrain situé au sein de l'enveloppe urbaine existante. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'entraîne aucune augmentation de la surface de vente et se limite au regroupement de l'espace Culturel et du supermarché " E. Leclerc " préexistants. Au demeurant, le document d'orientation et d'objectifs du précédent SCOT, approuvé le 8 décembre 2009, identifiait déjà le pôle Bédée - Pleumeleuc en indiquant qu'il est appelé à connaître un développement du fait de sa localisation le long de la RN 12, de ses disponibilités foncières et de sa dynamique démographique. Ainsi, contrairement à ce qu'a estimé la commission nationale d'aménagement commercial, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet serait incompatible avec le document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du pays de Brocéliande.

8. Dans ces conditions, la société Kermeleuc est fondée à demander l'annulation de la décision du 7 juin 2018 de la commission nationale d'aménagement commercial.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. L'annulation de la décision attaquée du 7 juin 2018 de la commission nationale d'aménagement commercial implique qu'elle statue à nouveau sur le recours formé par la société Kermeleuc devant elle. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de procéder à ce réexamen, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

D E C I D E :

Article 1er : La décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 7 juin 2018 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen du recours de la société Kermeleuc dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kermeleuc et au ministre de l'économie et des finances (commission nationale d'aménagement commercial).

Délibéré après l'audience du 28 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIER

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02917


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02917
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;18nt02917 ?
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