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19/07/2019 | FRANCE | N°17NT03201

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 juillet 2019, 17NT03201


Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

La Fédération des artisans et commerçants de Caen " Les vitrines de Caen ", la société Ethnika, M. D...H..., Mme F...I..., l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2, la société les Comptoirs de l'Univers et la société Cora ont demandé à la cour d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er octobre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société Inter Ikéa Centre Fleury à créer un ensemble commercial à Fleury

-sur-Orne (Calvados).

Par un arrêt n°s 15NT00133, 15NT00149, 15NT00210 du 24 mai 20...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

La Fédération des artisans et commerçants de Caen " Les vitrines de Caen ", la société Ethnika, M. D...H..., Mme F...I..., l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2, la société les Comptoirs de l'Univers et la société Cora ont demandé à la cour d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er octobre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société Inter Ikéa Centre Fleury à créer un ensemble commercial à Fleury-sur-Orne (Calvados).

Par un arrêt n°s 15NT00133, 15NT00149, 15NT00210 du 24 mai 2016, la cour administrative d'appel a rejeté leurs requêtes.

Par un arrêt n°s 401807, 401809 du 11 octobre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé ces affaires à la cour administrative de Nantes.

Procédures devant la cour :

I - Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 janvier 2015, 29 juillet 2015, 25 avril 2016, 29 avril 2016, 29 novembre 2017 et 26 mars 2018, sous le n° 17NT03201, l'association Fédération des artisans et commerçants de Caen, la société Ethnika, M. D... H..., Mme F...I..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler la décision n°s 1332T-1357T-1358T-1359T-1360T du 1er octobre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a délivré à la société Inter Ikea Centre Fleury, l'autorisation préalable en vue de créer un ensemble commercial à Fleury-sur-Orne (Calvados).

2°) de mettre à la charge de la société Inter Ikea Centre Fleury une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

­ la décision du 1er octobre 2014 est insuffisamment motivée ;

­ le projet n'est pas compatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) ; il conduit à une consommation excessive d'espace agricole ; le projet est construit sur un seul niveau ; il se situe à l'écart des zones d'habitat ; il est en contradiction avec la structuration de l'appareil commercial ; il ne renforce pas le potentiel commercial de la ville de Caen ;

­ il ne répond pas aux objectifs énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce, en ce qui concerne notamment ses effets sur l'animation de la vie urbaine et sur le développement durable.

Une intervention a été présentée, le 18 janvier 2015 complétée par des mémoires des 25 avril 2016 et 29 novembre 2017, pour la ville de Caen, représentée par MeC..., qui demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête n°17NT03201 par les mêmes moyens que ceux qui sont exposés par l'association Fédération des artisans et commerçants de Caen et autres.

Un mémoire de production de pièces a été présenté le 5 mars 2015 par la Commission nationale d'aménagement commercial.

Des mémoires en défense ont été présentés, les 13 avril 2015, 22 avril 2016, 30 janvier 2018 et 9 avril 2018, pour la société Inter Ikea centre Fleury, représentée par Me B..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de chacun des requérants la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ l'intervention de la ville de Caen n'est pas recevable dès lors que le maire n'a pas été autorisé à agir en justice et que la ville de Caen a renoncé à exercer son recours contre la précédente décision du 2 février 2012 de la Commission nationale d'aménagement commercial ;

­ les moyens soulevés par l'association Fédération des artisans et commerçants de Caen et autres ne sont pas fondés.

Par un premier courrier du 17 juillet 2018, les parties ont été informées que la cour est susceptible de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de la régularisation de la décision insuffisamment motivée de la commission nationale d'aménagement commercial et ont été invitées à présenter leurs observations.

Par un second courrier du 17 juillet 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de l'urbanisme, que la cour est susceptible, de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur la requête dès lors qu'en application de l'article 36 de la loi n°2015-990, l'autorisation d'exploitation commerciale en litige vaut avis favorable de la commission nationale d'aménagement commercial, cet avis ne pouvant être contesté que dans le cadre du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

Par une lettre enregistrée le 1er août 2018, la société Inter Ikea centre Fleury a présenté ses observations sur chacun des ces deux courriers.

Par des lettres enregistrées le 8 août 2018, l'association Fédération des artisans et commerçants de Caen et autres ont présenté leurs observations sur chacun des ces deux courriers.

II - Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 janvier 2015, 16 juin 2015, 29 avril 2016, 27 novembre 2017, 19 mars 2018 et 10 août 2018, sous le n° 17NT03202, l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 et la société les Comptoirs de l'Univers, représentées par Me J...et Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler la décision n°s 1332T-1357T-1358T-1359T-1360T du 1er octobre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a délivré à la société Inter Ikea Centre Fleury, l'autorisation préalable en vue de créer un ensemble commercial à Fleury-sur-Orne (Calvados) ;

2°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la nécessité de soumettre les autorisations d'aménagement commercial à l'obligation de participation du public ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Inter Ikea Centre Fleury une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

­ dans une précédente décision du 30 mai 2012, la Commission nationale d'aménagement commercial avait refusé de délivrer l'autorisation sollicitée pour un projet identique ;

­ la décision du 1er octobre 2014 est insuffisamment motivée ;

­ l'autorisation accordée le 21 novembre 2008 par la Commission nationale d'aménagement commercial était périmée, de sorte que la demande de modification substantielle devait être déclarée irrecevable ; les dispositions de l'article R. 752-27 du code de commerce ont été méconnues ;

­ cette décision a été prise en méconnaissance du principe de participation du public énoncé à l'article L. 120-1-1du code de l'environnement ;

­ le projet ne répond pas aux objectifs énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce ; il n'est pas compatible avec l'objectif d'aménagement du territoire ; il ne contribue pas à l'animation de la vie locale ; il va accroître le déséquilibre commercial dans l'agglomération de Caen ; il méconnaît le schéma de cohérence territoriale (SCoT) en n'étant pas situé dans une zone urbanisée ou en continuité de celle-ci, en ne prévoyant pas la réalisation du stationnement en ouvrage et en ne comporte pas au moins deux niveaux ; il n'est pas justifié de l'effectivité de la réalisation, avant l'ouverture de l'équipement au public, des aménagements routiers annoncés par le pétitionnaire ; le projet ne satisfait pas aux critères fixés par le législateur en matière de développement durable ; il est mal desservi ; son insertion paysagère et environnementale n'est pas satisfaisante.

Un mémoire de production de pièces a été présenté, le 5 mars 2015, par la Commission nationale d'aménagement commercial.

Des mémoires en défense ont été présentés, les 13 avril 2015, 22 avril 2016, 29 avril 2016, 30 janvier 2018 et 9 avril 2018, pour la société Inter Ikea centre Fleury, représentée par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 et de la société les Comptoirs de l'Univers la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 et la société les Comptoirs de l'Univers ne sont pas fondés.

Par un premier courrier du 17 juillet 2018, les parties ont été informées que la cour est susceptible de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de la régularisation de la décision insuffisamment motivée de la commission nationale d'aménagement commercial et ont été invitées à présenter leurs observations.

Par un second courrier du 17 juillet 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de l'urbanisme, que la cour est susceptible, de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur la requête dès lors qu'en application de l'article 36 de la loi n°2015-990, l'autorisation d'exploitation commerciale en litige vaut avis favorable de la commission nationale d'aménagement commercial, cet avis ne pouvant être contesté que dans le cadre du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

Par une lettre enregistrée le 1er août 2018, la société Inter Ikea centre Fleury a présenté ses observations sur chacun des ces deux courriers.

Par une lettre enregistrée le 16 août 2018, l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 et autre ont présenté leurs observations sur chacun des ces deux courriers.

Par une ordonnance du 1er octobre 2018, prise en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2018.

Un mémoire, enregistré le 15 janvier 2019, a été présenté pour l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 et autre et n'a pas été communiqué.

III - Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 janvier 2015 et 13 avril 2016 sous le n° 17NT03203, la société Cora, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision n°s 1332T-1357T-1358T-1359T-1360T du 1er octobre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a délivré à la société Inter Ikea Centre Fleury, l'autorisation préalable en vue de créer un ensemble commercial à Fleury-sur-Orne (Calvados);

2°) de mettre à la charge de la société Inter Ikea Centre Fleury une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ la décision contestée a été prise par une autorité incompétente dès lors qu'il n'est pas justifié de ce que le président de la Commission aurait été empêché de présider la séance au cours de laquelle cette décision a été prise et donc de la signer ;

­ il ne ressort pas des mentions de la décision du 1er octobre 2014 que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été régulièrement convoqués, ni qu'ils ont reçu dans un délai raisonnable l'ensemble des documents nécessaires aux délibérations de la Commission ; la Commission n'a pas justifié de la régularité de la procédure s'agissant de la convocation de ses membres et de la transmission à ces derniers de l'ensemble des pièces utiles ;

­ les avis des ministres n'ont pas été signés par une personne habilitée à le faire ;

­ il n'est pas établi que la formalité prévue par les dispositions de l'article R. 752-47 du code de commerce a été respectée ;

­ la décision du 1er octobre 2014 est insuffisamment motivée ;

­ le dossier de demande d'autorisation est incomplet ; il ne comporte pas la signature des demandeurs de l'autorisation, ni les justificatifs de la maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet ; la zone de chalandise n'est pas délimitée en fonction des modes de transports doux ainsi que l'exige l'article 1.5 de l'annexe 2 de l'arrêté du 21 août 2009 ; la carte de la page 156 ne mentionne pas les équipements commerciaux implantés en dehors de la zone de chalandise sur les territoires des communes de Rennes et de Rouen, les équipements publics existants sur le territoire des communes de Fleury-sur-Orne et d'Ifs et l'emplacement de l'arrêt de la ligne de bus n°4 ; les développements consacrés à l'insertion paysagère ne sont pas suffisants ; la composition du dossier n'a pas permis à la commission nationale de se prononcer en toute connaissance de cause ;

­ le dossier de demande d'autorisation comporte des modifications substantielles par rapport au premier dossier présenté devant la Commission nationale d'aménagement commercial ayant donné lieu à une décision de refus annulée par décision du 11 juin 2014 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ; une nouvelle demande d'autorisation devait donc être déposée devant la commission départementale d'aménagement commercial du Calvados ;

­ le projet n'est pas compatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) ;

­ le projet ne répond pas aux objectifs énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

Un mémoire de production de pièces a été présenté, le 5 mars 2015, par la Commission nationale d'aménagement commercial.

Des mémoires en défense ont été présentés les 13 avril 2015 et 22 avril 2016, pour la société Inter Ikea centre Fleury, représentée par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Cora la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Cora ne sont pas fondés.

Par un premier courrier du 17 juillet 2018, les parties ont été informées que la cour est susceptible de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de la régularisation de la décision insuffisamment motivée de la commission nationale d'aménagement commercial et invitées à présenter leurs observations.

Par un second courrier du 17 juillet 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de l'urbanisme, la cour est susceptible, de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur la requête dès lors qu'en application de l'article 36 de la loi n°2015-990, l'autorisation d'exploitation commerciale en litige vaut avis favorable de la commission nationale d'aménagement commercial, cet avis ne pouvant être contesté que dans le cadre du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

Par une ordonnance du 1er octobre 2018, prise en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2018.

Un mémoire a été présenté le 13 février 2019 pour la société Cora.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A...'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- les observations de MeC..., pour l'association fédération des artisans de Caen et autres, de MeG..., pour l'association des commerçants du centre commercial régional Mondeville 2 et de MeB..., pour la SAS Ikea centre Fleury.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 1er octobre 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société Inter Ikea Centre Fleury, l'autorisation préalable en vue de créer un ensemble commercial à Fleury-sur-Orne (Calvados). Cette décision fait suite au réexamen de la demande du pétitionnaire par la Commission nationale d'aménagement commercial, consécutivement à l'annulation, par une décision du 11 juin 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, d'une précédente décision de refus qu'elle avait opposée le 30 mai 2012 au même projet. Par les requêtes susvisées, l'association Fédération des artisans et commerçants de Caen, la société Ethnika, M. D...H..., Mme F...I..., l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2, la société les Comptoirs de l'Univers et la société Cora demandent à la cour d'annuler cette décision.

2. Les requêtes n° 17NT03201 présentée pour l'association Fédération des artisans et commerçants de Caen et autres, n° 17NT03202 présentée pour l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 et la société les Comptoirs de l'Univers, n° 17NT03203 présentée pour la société Cora sont dirigées contre la même décision de la Commission nationale d'aménagement commercial. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'intervention de la commune de Caen :

3. Compte tenu de l'implantation et de la surface de vente de l'ensemble commercial litigieux qui conduira à la réalisation d'un complexe commercial de près de 49 000 m² situé à environ cinq kilomètres de son centre-ville, la commune de Caen a intérêt à l'annulation de la décision attaquée. Son intervention est, par suite, recevable. En outre, par une délibération du 14 avril 2014, le conseil municipal a habilité le maire de Caen, en application de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, à intenter, au nom de la commune, les actions en justice. Ainsi, et alors même qu'elle aurait renoncé à exercer un recours contre la précédente décision de la Commission nationale d'aménagement commercial, son intervention est recevable.

Sur la légalité de la décision du 1er octobre 2014 de la Commission nationale d'aménagement commercial:

4. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission nationale, les décisions qu'elle prend doivent être motivées. Si la commission n'est pas tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables et si elle n'est pas, non plus, tenue de répondre à chacun des moyens développés par les demandeurs eu égard au caractère administratif du recours exercé devant elle, elle doit toutefois motiver sa décision, dans l'appréciation globale du projet, au regard des critères essentiels de l'espèce.

6. Il ressort des pièces du dossier que le projet, objet de la décision attaquée, consiste en la réalisation d'un complexe commercial d'une surface de vente totale de 29 690 m², comprenant un hypermarché (6 053 m²), quinze moyennes surfaces spécialisées dans l'équipement de la maison, de la personne et dans la culture, les loisirs et les articles de sport (d'une surface totale de 14 601 m²) et soixante-dix boutiques (d'une surface totale de 9 036 m²). Cet ensemble commercial vient, en outre, s'adosser à un magasin spécialisé dans l'équipement de la maison à l'enseigne Ikea d'une surface de vente de 19 500 m², formant ainsi un ensemble commercial de 49 190 m² de surface de vente. Saisie de recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial du Calvados du 2 février 2012 autorisant la réalisation de ce projet, la commission nationale d'aménagement commercial avait, par une décision du 30 mai 2012, refusé de délivrer l'autorisation sollicitée en considérant que le projet prévoyant la création de soixante-dix boutiques, d'une surface totale de 9 036 m², orientées vers l'alimentaire et l'équipement de la personne, serait de nature, selon ses propres termes, à " nuire à l'animation urbaine ". Cette décision a été annulée par le Conseil d'Etat, par un arrêt du 11 juin 2014, pour insuffisance de motivation. A la suite de cette annulation contentieuse, la commission nationale, saisie à nouveau, a, par la décision contestée, rejeté les recours et accordé l'autorisation.

7. Pour accorder l'autorisation litigieuse, la Commission nationale d'aménagement commercial , après avoir précisé la localisation du projet, a relevé que le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale (SCoT) identifie la commune de Fleury-sur-Orne comme localisation préférentielle pour les projets à vocation régionale, de sorte qu'il est compatible avec ce schéma, qu'il est desservi par plusieurs axes majeurs du sud de l'agglomération caennaise et par les transports collectifs, qu'il présente une architecture novatrice et une bonne insertion paysagère et offre des garanties en termes de développement durable. La commission ne s'est toutefois pas prononcée sur le respect, par le projet qui lui était soumis, du critère de l'effet sur l'animation de la vie urbaine alors que les requérants qui l'avaient saisie faisaient notamment valoir que l'opération était contraire aux objectifs d'un aménagement équilibré du territoire et qu'elle aura des conséquences négatives pour le commerce du centre-ville de Caen. Ce moyen était conforté par l'avis du ministre en charge du commerce et par celui des ministres en charge de l'urbanisme et de l'environnement, émis respectivement les 25 septembre 2014 et 30 septembre 2014, le premier émettant un avis réservé en faisant notamment valoir le risque d'atteinte au commerce du centre-ville, les seconds un avis défavorable au motif que le projet ne s'intègre pas dans un projet de territoire cohérent et ne propose pas une bonne insertion dans l'armature urbaine. La direction départementale des territoires et de la mer avait également émis un avis défavorable en précisant, en particulier, que la création de soixante-dix boutiques risquait de porter atteinte au commerce de centre-ville. Par suite, au vu des pièces du dossier précis qui lui était soumis, la commission ne pouvait se dispenser de se prononcer, alors même que le projet serait compatible avec les orientations du SCoT Caen-Métropole, sur l'effet du projet sur l'animation de la vie urbaine dans l'agglomération caennaise, en particulier s'agissant des commerces du centre-ville, ce qui constituait en l'espèce un critère essentiel. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, la commission nationale n'a pas assorti sa décision d'éléments de fait suffisants permettant d'en apprécier la légalité en s'abstenant de se prononcer explicitement sur le critère de l'animation de la vie urbaine. La décision attaquée ne saurait donc, être regardée comme suffisamment motivée.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la décision attaquée de la commission nationale d'aménagement commercial doit être annulée. Cette annulation implique que la commission se prononce à nouveau sur les recours formés par les requérants dont elle reste saisie.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des requérants, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes dans la présente instance, le versement des sommes que la société Inter Ikea Centre Fleury demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Inter Ikea Centre Fleury, le versement des sommes que l'association Fédération des artisans et commerçants de Caen et autres, l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2, la société les Comptoirs de l'Univers et la société Cora demandent au titre des frais de même nature qu'elles ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la Ville de Caen est admise.

Article 2 : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 1er octobre 2014 autorisant la société Inter Ikea Centre Fleury à créer un ensemble commercial à Fleury-sur-Orne est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Inter Ikea Centre Fleury tendant à l'application des dispositions de l'article au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Fédération des artisans et commerçants de Caen, à la société Ethnika, à M. D... H..., à Mme F...I..., à l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2, à la société les Comptoirs de l'Univers, à la société Cora, à la société Inter Ikea Centre Fleury, à la commune de Caen et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

M. K... La présidente de la cour,

B. PHÉMOLANT

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'Économie et des Finances, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Ns 17NT03201, 17NT03202 et 17NT03203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03201
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL JURIS VOXA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;17nt03201 ?
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