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19/07/2019 | FRANCE | N°16NT04142

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 juillet 2019, 16NT04142


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 décembre 2016, 27 octobre 2017 et 5 avril 2018, l'association Hastings Saint Nicolas pour la qualité de la ville à Caen et dans son agglomération et le groupement régional des associations de protection de l'environnement (GRAPE) demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler, d'une part, l'arrêté du 19 juillet 2016 par lequel le maire de

Fleury-sur-Orne a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Ikéa Centre Fleury le permis de cons

truire, dans la continuité du magasin Ikéa situé 970 avenue de la Suisse Normande à Fle...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 décembre 2016, 27 octobre 2017 et 5 avril 2018, l'association Hastings Saint Nicolas pour la qualité de la ville à Caen et dans son agglomération et le groupement régional des associations de protection de l'environnement (GRAPE) demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler, d'une part, l'arrêté du 19 juillet 2016 par lequel le maire de

Fleury-sur-Orne a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Ikéa Centre Fleury le permis de construire, dans la continuité du magasin Ikéa situé 970 avenue de la Suisse Normande à Fleury-sur-Orne, un centre commercial et de loisirs d'une surface de plancher créée de 58 423 mètres carrés et, d'autre part, les décisions du 20 octobre 2016 rejetant leurs recours gracieux respectifs ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Fleury-sur-Orne et de la SAS Ikea Centre Fleury une somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le signataire de l'arrêté attaqué ne justifie pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- en sa qualité d'adjoint au maire délégué à l'urbanisme, il ne justifie pas de sa compétence pour délivrer l'autorisation prévue à l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation ;

- l'instruction de la demande de permis de construire a été artificiellement prolongée alors qu'une décision implicite de rejet devait intervenir ;

- le dossier de demande de permis était incomplet en l'absence du récépissé de transmission du dossier à la commission départementale de la sécurité des transports de fonds et de production des dispositions pertinentes du cahier des charges de cession des terrains ; aucun élément du dossier ne permet de connaître avec exactitude la surface de plancher disponible sur l'assiette foncière ;

- l'étude d'impact est insuffisante en ce qui concerne les effets du projet sur les eaux superficielles et souterraines ;

- faute de préciser les modalités selon lesquelles le respect des prescriptions édictées sera garanti, l'arrêté n'est pas motivé au sens de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ;

- le commissaire-enquêteur n'a ni analysé ni répondu de manière suffisante aux nombreuses observations précises, circonstanciées et argumentées présentées par le public ;

- le projet est incompatible avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale Caen-Métropole dès lors que seulement 60 % des places de stationnement seront réalisées en ouvrage, la surface de plancher créée ne s'étale que sur un niveau, le projet est situé en dehors d'une zone urbanisée, favorise l'usage de la voiture et méconnaît l'objectif de gestion raisonnée des prélèvements en eau, rien ne permet d'établir qu'il pourra couvrir entièrement en 2025 ses besoins énergétiques ;

- le plan local d'urbanisme sous l'empire duquel il a été délivré est illégal compte tenu de son incompatibilité avec le schéma de cohérence territoriale et de l'absence de mise en compatibilité prévue par l'article L. 131-6 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2017, la commune de Fleury-sur-Orne, représentée par son maire en exercice, par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de légalité externe soulevés par les requérants sont irrecevables dès lors qu'aucun moyen se rattachant à cette cause juridique n'a été invoqué à l'appui de leur recours gracieux ni, par suite, avant l'expiration du délai de recours contentieux ; subsidiairement, ces moyens ne sont pas fondés ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 juillet 2017 et le 3 novembre 2017, la SAS Ikea Centre Fleury, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'association Hastings Saint Nicolas pour la qualité de ville à Caen ne démontre pas avoir procédé aux formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ni n'avoir notifié son recours contentieux au maire de Fleury-sur-Orne ; alors qu'il résulte de l'article 9 bis de ses statuts que l'assemblée générale ou, entre deux assemblées générales, le bureau sont compétents pour habiliter son président à agir en justice, il n'est pas justifié d'une telle habilitation ;

- le groupement régional des associations de protection de l'environnement n'établit pas avoir notifié son recours contentieux au maire de Fleury-sur-Orne et à elle-même dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; son objet social est dépourvu de tout lien avec l'urbanisme ;

- subsidiairement, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2018 en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, enregistré le 27 février 2019, a été présenté pour la commune de

Fleury-sur-Orne et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.L'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de M.F..., représentant l'association Hastings Saint Nicolas pour la qualité de ville de Caen et dans son agglomération, de MeC..., substituant Me Gorand, pour la commune de Fleury-sur-Orne de MeE..., substituant MeB..., pour la SAS Ikea centre Fleury.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Hastings Saint Nicolas pour la qualité de la ville à Caen et dans son agglomération et le groupement régional des associations de protection de l'environnement (GRAPE) demandent à la cour d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2016 par lequel le maire de

Fleury-sur-Orne a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Ikea Centre Fleury un permis de construire un centre commercial et de loisirs sur un terrain situé 970 avenue de la Suisse Normande à Fleury-sur-Orne (Calvados).

2. D'une part, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". En vertu des termes mêmes de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial, ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015.

3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu des dispositions de l'article L. 752-1 du code de commerce doit également faire l'objet d'un permis de construire, ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale dès lors que la demande de permis a donné lieu à un avis de la commission départementale d'aménagement commercial et que le permis de construire a été délivré après le 14 février 2015. Ce permis peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme que ce recours est ouvert aux personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce et que seuls sont recevables à l'appui de ce recours les moyens relatifs à la légalité du permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

4. Toutefois, si, en raison de la situation transitoire créée par l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, un projet a fait l'objet d'une décision de la Commission nationale d'aménagement commercial avant le 15 février 2015 et d'un permis de construire délivré, au vu de cette décision, après le 14 février 2015, seule la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en tant qu'acte valant autorisation d'exploitation commerciale. En effet, l'autorisation d'exploitation commerciale ayant déjà été accordée, le permis de construire ne peut alors, par exception à ce qui a été dit au point 3, faire l'objet d'un recours qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; / 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, et qui n'entrerait pas dans le cadre de l'article L. 310-2 ; / (...) ". Aux termes de l'article

L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial ". Enfin, aux termes de l'article L. 600-10 du même code : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L. 425-4 ". Par suite, et ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans l'arrêt n°s 413246,413337 du 14 novembre 2018, les cours administratives d'appel ne sont, et par exception, compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis de construire, aussi bien en tant qu'il vaut autorisation de construire qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que si ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Il résulte des termes mêmes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme qu'un permis, même délivré pour un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu de l'article L. 752-1 du code de commerce, ne peut jamais tenir lieu d'une telle autorisation lorsque le projet n'a pas été, au préalable, soumis pour avis à une commission départementale d'aménagement commercial.

6. Si par l'arrêté contesté du 19 juillet 2016, le maire de Fleury-sur-Orne a accordé le permis de construire en visant la décision du 1er octobre 2014 de la Commission nationale d'aménagement commercial accordant à la société Inter Ikea Centre Fleury l'autorisation préalable en vue de créer un ensemble commercial à Fleury-sur-Orne, cette décision est intervenue avant le 15 février 2015. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédent que ce permis de construire ne vaut pas autorisation d'exploitation commerciale, de sorte que la cour n'est pas compétente pour examiner la requête présentée par l'association Hastings Saint Nicolas pour la qualité de la ville à Caen et dans son agglomération et par le groupement régional des associations de protection de l'environnement (GRAPE). Il y a lieu, en conséquence, de renvoyer cette affaire au tribunal administratif de Caen pour qu'il statue sur leur demande.

D E C I D E :

Article 1er : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Caen.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Hastings Saint Nicolas pour la qualité de la ville à Caen et dans son agglomération, au groupement régional des associations de protection de l'environnement, à la commune de Fleury-sur-Orne, à la société par actions simplifiée Ikea Centre Fleury et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M.L'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDEL La présidente de la cour,

B. PHÉMOLANT

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'Économie et des Finances, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 16NT04142


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 19/07/2019
Date de l'import : 30/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16NT04142
Numéro NOR : CETATEXT000038801186 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;16nt04142 ?
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