Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 septembre 2016, 31 mars 2017, 17 octobre 2017, 31 octobre 2017, 10 août 2018 (2 mémoires), 11 septembre 2018, l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2, représentée par la Selarl Parme Avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la présente Cour, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, sur le recours dirigé contre la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 1er octobre 2014 ;
2°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 19 juillet 2016 par lequel le maire de Fleury-sur-Orne a délivrée à la société Ikea Centres Fleury, un permis de construire un centre commercial et de loisirs situé à Fleury-sur-Orne;
3°) de mettre à la charge de la commune de Fleury-sur-Orne et de la société Ikea Centres Fleury une somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
l'auteur de l'arrêté attaqué n'était pas compétent en l'absence de justification d'une délégation de signature ;
la décision contestée est illégale pour se fonder sur un avis de la commission nationale d'aménagement commercial qui n'est pas encore définitif dès lors qu'à la date de la décision contestée, il faisait l'objet d'un recours contentieux ;
l'autorisation d'exploitation commerciale est entachée d'erreur d'appréciation au regard des objectifs et critères mentionnés aux articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce s'agissant de l'aménagement du territoire et du développement durable ;
elle est incompatible avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de Caen Métropole dès lors que le terrain d'assiette du projet n'est pas situé en zone urbanisée ou en continuité d'une telle zone, qu'une grande partie du stationnement ne sera pas réalisée en ouvrage rendant le projet consommateur d'espace et que la construction d'ensembles commerciaux se réalisera sur un seul niveau, au lieu de deux minimum ;
le plan local d'urbanisme sur la base duquel est intervenu l'arrêté attaqué est illégal, dès lors qu'il n'intègre pas les prescriptions du schéma de cohérence territoriale relatives aux projets commerciaux d'une certaine ampleur, notamment en ce qui concerne le stationnement ;
il ne peut être sursis à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dès lors que ces dispositions ne concernent que les permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en tant qu'ils tiennent lieu d'autorisation d'urbanisme et non en tant qu'ils tiennent lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.
Par des mémoires, enregistrés le 10 février 2017, 3 novembre 2017, 5 avril 2018 et 16 août 2018, la société par actions simplifiée (SAS) Ikea Centres Fleury conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce que la cour sursoit à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans l'attente de la régularisation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial si elle devait être regardée comme entachée d'une insuffisante motivation et, dans tous les cas, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association requérante une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable en raison de l'intervention de l'arrêt de la cour du 24 mai 2016 statuant sur la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 1er octobre 2014 qui est revêtu de l'autorité de chose jugée ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés et la décision de la commission nationale d'aménagement commercial est suffisamment motivée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 février 2017, 3 novembre 2017 et 10 avril 2018, la commune de Fleury-sur-Orne, représentée par son maire en exercice, par la Selarl Juriadis, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'association requérante d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés et la décision de la commission nationale d'aménagement commercial est suffisamment motivée.
Un mémoire de production de pièces a été présenté, le 16 mars 2017, par la Commission nationale d'aménagement commercial
Par une ordonnance du 12 septembre 2018, prise en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 5 octobre 2018.
L'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 et la commune de Fleury-sur-Orne ont présenté des mémoires, enregistrés respectivement le 15 janvier 2019 et le 4 février 2019, qui n'ont pas été communiqués.
Par un courrier du 17 juillet 2018, la cour administrative d'appel de céans a informé les parties, en les invitant à présenter leurs observations, qu'elle était susceptible de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de la régularisation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 1er octobre 2014.
La SAS Ikea Centres Fleury a présenté ses observations par un mémoire enregistré le 16 août 2018.
Par un deuxième courrier du 22 janvier 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de l'urbanisme, que la cour est susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de la tardiveté de la requête.
L'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 et la SAS Ikea Centres Fleury, devenue SAS Ingka Centre Fleury, ont présenté leurs observations par des mémoires enregistrés le 4 février 2019.
Par un troisième courrier du 28 février 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de l'urbanisme, que la cour est susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la requête dès lors que le permis de construire litigieux, délivré le 19 juillet 2016, au vu d'une décision favorable de la Commission nationale de l'aménagement commercial du 1er octobre 2014, ne pouvait, le cas échéant, faire l'objet d'un recours qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation de construire, et non en tant qu'acte valant autorisation d'exploitation commerciale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.L'hirondel,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- les observations de MeE..., pour l'association des commerçants du centre commercial régional Mondeville 2, de MeC..., substituant MeD..., pour la commune de Fleury sur Orne, et de MeF..., substituant MeB..., pour la SAS Ikéa centre Fleury.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 1er octobre 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société Inter Ikea Centre Fleury, l'autorisation préalable en vue de créer un ensemble commercial à Fleury-sur-Orne (Calvados). Cette décision fait suite au réexamen de la demande du pétitionnaire par la Commission nationale d'aménagement commercial, consécutivement à l'annulation, par une décision du 11 juin 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, d'une précédente décision de refus qu'elle avait opposée le 30 mai 2012 au même projet.
2. Par ailleurs, par un arrêté du 19 juillet 2016, le maire de Fleury-sur-Orne, après avoir visé la décision prise par la commission nationale d'aménagement commercial, a délivré à la société Inter Ikea Centre Fleury un permis de construire en vue de la réalisation de cet ensemble commercial. L'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 demande à la cour, dans la présente instance, d'annuler ce permis de construire en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.
Sur la recevabilité de la requête :
3. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". En vertu des termes mêmes de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial, ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015.
4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que lorsqu'un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu des dispositions de l'article L. 752-1 du code de commerce doit également faire l'objet d'un permis de construire, ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale dès lors que la demande de permis a donné lieu à un avis de la commission départementale d'aménagement commercial et que le permis de construire a été délivré après le 14 février 2015. Ce permis peut ainsi, sous la seule réserve mentionnée
ci-après au point 6, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme que ce recours est ouvert aux personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce et que seuls sont recevables à l'appui de ce recours les moyens relatifs à la légalité du permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.
5. Cependant, si, en raison de la situation transitoire créée par l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, un projet a fait l'objet d'une décision de la Commission nationale d'aménagement commercial avant le 15 février 2015 et d'un permis de construire délivré, au vu de cette décision, après le 14 février 2015, seule la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en tant qu'acte valant autorisation d'exploitation commerciale. En effet, l'autorisation d'exploitation commerciale ayant déjà été accordée, le permis de construire ne peut alors, par exception à ce qui a été dit au point 5, faire l'objet d'un recours qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire.
6. En l'espèce, la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société Inter Ikea Centre Fleury l'autorisation préalable en vue de créer un ensemble commercial à Fleury-sur-Orne par une décision du 1er octobre 2014. Seule la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en tant qu'acte valant autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, le permis de construire litigieux, délivré par le maire de Fleury-sur-Orne le 19 juillet 2016, alors même qu'il vise la décision favorable de la Commission nationale de l'aménagement commercial du 1er octobre 2014, ne pouvait faire l'objet d'un recours qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation de construire, et non en tant qu'acte valant autorisation d'exploitation commerciale. Dès lors, la requête par laquelle l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 demande à la cour d'annuler ce permis de construire en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale est irrecevable.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Fleury-sur-Orne et de la société Ikea Centres Fleury, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes dans la présente instance, le versement de la somme que l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2, le versement des sommes que la société Inter Ikea Centre Fleury et la commune de Fleury-sur-Orne demandent au titre des frais de même nature qu'elles ont exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2 est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Inter Ikea Centre Fleury et de la commune de Fleury-sur-Orne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des commerçants du centre commercial régional de Mondeville 2, à la société Inter Ikea Centre Fleury, à la commune de Fleury-sur-Orne et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Copie en sera adressée pour son information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Phémolant, présidente de la cour,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M.L'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.
Le rapporteur,
M. L'HIRONDEL La présidente de la cour,
B. PHÉMOLANT
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'Économie et des Finances, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°16NT03172