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05/07/2019 | FRANCE | N°17NT03647

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 05 juillet 2019, 17NT03647


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Cogedis a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 8 juin 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Est de l'unité territoriale d'Ille-et-Vilaine a mis en demeure cette association de mettre en place un enregistrement des horaires de chacun des salariés soumis à la modulation du temps de travail, la décision du 25 août 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (

direccte) de Bretagne a rejeté son recours contre cette mise en demeure,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Cogedis a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 8 juin 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Est de l'unité territoriale d'Ille-et-Vilaine a mis en demeure cette association de mettre en place un enregistrement des horaires de chacun des salariés soumis à la modulation du temps de travail, la décision du 25 août 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte) de Bretagne a rejeté son recours contre cette mise en demeure, ainsi que la décision par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a implicitement rejeté le recours hiérarchique formé par l'association contre la décision du 25 août 2015.

Par un jugement n° 1600496 du 6 octobre 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé la mise en demeure du 8 juin 2015 en tant qu'elle imposait à l'association de remettre à chaque salarié, en même temps que son bulletin de paie, un relevé du temps de travail effectué, et rejeté le surplus de la demande de l'association Cogedis.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 décembre 2017 et les 24 septembre et 22 octobre 2018, l'association Cogedis, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 octobre 2017 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler en totalité la décision de l'inspecteur du travail du 8 juin 2015, la décision du Direccte Bretagne du 25 août 2015, ainsi que le rejet implicite de son recours hiérarchique né le 7 décembre 2015 du silence gardé par le ministre chargé du travail.

Elle soutient que :

- ni la décision de l'inspecteur du travail ni celle du direccte ne sont suffisamment motivées ;

- pour estimer que la durée du travail enregistrée était inexacte l'inspecteur du travail ne s'est pas fondé sur un constat avéré ;

- le Direccte s'est fondé sur des éléments concernant d'autres agences, postérieurs à la décision de l'inspecteur du travail ;

- la société dispose déjà du mécanisme dont la mise en place est ordonnée par l'inspection du travail ;

- en tout état de cause l'inspecteur du travail ne peut pas imposer la remise systématique des documents de décompte des horaires travaillés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire présenté pour l'association Cogedis, enregistré le 4 avril 2019, n'a pas été communiqué à défaut d'éléments nouveaux au sens de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeA..., représentant l'association Cogedis.

Considérant ce qui suit

Les faits, la procédure :

1. Les services de l'inspection du travail de la Direccte Bretagne ont relevé, lors d'un contrôle sur place le 21 octobre 2014 de l'agence du Rheu de l'association Cogedis, que la durée du travail enregistrée dans le logiciel " Work Flow " utilisé par l'association pour la détermination du décompte du temps de travail de ses salariés était inexacte. Par correspondance du 8 juin 2015, l'inspectrice du travail de la section EA1 du pôle travail de la Direccte Bretagne a mis en demeure l'association Cogedis de mettre en place un enregistrement des horaires de chacun des salariés soumis à la modulation du temps de travail précisant les heures de début et de fin de chacune des périodes de travail, conformément aux dispositions de l'article R. 713-36 du code rural et de la pêche maritime, ajoutant qu'une copie du relevé des heures de travail effectuées devrait être remise à chaque salarié en même temps que sa fiche de paie.

2. Saisi d'un recours administratif le directeur régional de la Direccte Bretagne a confirmé cette mise en demeure par décision du 25 août 2015 au motif, d'une part, de l'irrecevabilité du recours administratif, formé hors délai et, d'autre part, du mal fondé du recours de l'association Cogedis. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la ministre chargée du travail sur le recours hiérarchique formé le 29 septembre 2015 par l'employeur contre la décision du directeur régional.

3. Par un jugement du 6 octobre 2017 le tribunal administratif de Rennes, saisi d'un recours contre la décision du 8 juin 2015 de l'inspecteur du travail, la décision du 25 août 2015 du direccte de la région Bretagne et la décision du 29 septembre 2015 du ministre, a annulé la décision du 8 juin 2015 en tant qu'elle imposait à l'association de remettre à chaque salarié en même temps que son bulletin de paie, un relevé du temps de travail effectué, et rejeté le surplus de la demande de l'association Cogedis. Cette dernière relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Rennes n'a pas annulé en totalité les décisions.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

4. D'une part, aux termes de l'article R. 713-35 du code rural et de la pêche maritime : " En vue du contrôle de l'application des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée et à l'aménagement du temps de travail, tout employeur mentionné à l'article L. 713-1 enregistre ou consigne toutes les heures effectuées ou à effectuer par les salariés dans les conditions prévues soit à l'article R. 713-36, soit à l'article R. 713-37. Sous réserve des articles R. 713-42 et R. 713-43, il arrête son choix entre ces procédés après avoir informé et consulté, s'ils existent, le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel. " ; aux termes de son article R. 713-36 : " L'employeur enregistre, chaque jour, sur un document prévu à cet effet, le nombre d'heures de travail effectuées par chaque salarié, ou groupe de salariés, ou les heures de début et de fin de chacune de leurs périodes de travail. / Une copie du document est remise à chaque salarié, en même temps que sa paye. (...) / L'employeur peut, toutefois, sous sa responsabilité, confier à chaque salarié le soin de procéder à l'enregistrement mentionné ci-dessus s'il met à sa disposition des moyens de pointage ou d'autres moyens qui permettent à l'intéressé de contrôler la réalité des indications qu'il enregistre. / Une copie du document, établie dans les conditions et avec les effets prévus ci-dessus, est remise au salarié qui en fait la demande. ". Et selon l'article R. 713-37 du même code : " A défaut de mettre en oeuvre les modalités prévues à l'article R. 713-36 l'employeur affiche, pour chaque jour de la semaine, les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail. (...) Sauf preuve contraire de l'employeur, les salariés sont présumés avoir accompli l'horaire affiché ; ils ne peuvent être employés en dehors de cet horaire. "

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 713-43 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : " Lorsqu'il constate que la durée du travail enregistrée ou consignée en application des dispositions des articles R. 713-36 ou R. 713-37est inexacte, l'inspecteur du travail peut exiger de l'employeur l'enregistrement des heures effectuées : / 1° Soit selon les modalités fixées à l'article R. 713-36 ; dans ce cas, l'inspecteur du travail précise si l'employeur doit enregistrer le nombre d'heures de travail effectué quotidiennement par chaque salarié ou groupe de salariés, ou s'il doit enregistrer les heures de début et de fin de chacune de leurs périodes de travail ; / 2° Soit selon les modalités fixées à l'article R. 713-37, à la condition que les salariés soient occupés dans le cadre d'un horaire régulier. " ; et aux termes de l'article R. 713-44 du même code, dans sa version alors applicable : " Le recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail est porté devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Il est présenté, à peine de forclusion, dans les quinze jours suivant la réception de la lettre recommandée avec avis de réception notifiant la décision de l'inspecteur du travail. ".

6. Il résulte des pièces du dossier que l'association Cogedis, dont l'activité d'expertise comptable implique de fortes variations des horaires travaillés selon les périodes de l'année, a entendu mettre en place pour l'enregistrement des temps de travail de ses salariés le mécanisme prévu par les dispositions précitées de l'article R. 713-36, tout en confiant à chaque salarié le soin de procéder à cet enregistrement par l'utilisation d'un logiciel informatique dédié à cet usage.

7. En premier lieu l'association Cogedis se borne, pour se prévaloir d'une motivation insuffisante de la mise en demeure de l'inspecteur du travail du 8 juin 2015 et du rejet par le direccte de son recours hiérarchique, à reprendre devant la cour l'intégralité de ses développements de première instance, sans y ajouter aucune argumentation ou justification nouvelles. Il convient dès lors d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

8. En deuxième lieu la requérante n'est pas fondée à faire grief au Direccte de faire référence à des éléments concernant d'autres agences, postérieurs à la décision de l'inspecteur du travail, soit en l'espèce les constats, similaires à ceux de la première inspection, résultant d'un contrôle exercé le 26 mai 2015 par l'inspecteur du travail de la section AM 6 du Finistère, et qui a donné lieu à une lettre d'observations datée du 11 juin 2015, dès lors que ces éléments se bornaient à conforter l'analyse effectuée par l'inspecteur du travail.

9. En troisième lieu l'association Cogedis soutient qu'elle dispose déjà du mécanisme d'enregistrement dont la mise en place est ordonnée par l'administration, dès lors qu'à la demande de l'inspection du travail et en plus de l'affichage d'horaires collectifs arrêtés sur le fondement de l'article R. 713-37, s'agissant des salariés soumis à un horaire régulier, elle a mis en place un système déclaratif d'enregistrement à travers un logiciel " WorkFlow - Temps de travail ", dont l'utilisation est laissée à l'initiative des salariés.

10. Toutefois l'association ne peut se prévaloir de la mise en place d'un système collectif tel que celui prévu par l'article R. 713-37 dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la programmation affichée des horaires, qui diffère selon l'emploi occupé, n'est qu'indicative. En tout état de cause, une partie des salariés de l'association n'est pas occupée dans le cadre d'horaires réguliers et n'est donc pas concernée par ce système.

11. En quatrième et dernier lieu, l'association ne conteste pas le constat effectué par l'inspectrice du travail, selon lequel deux salariés étaient présents jusqu'à 19 h, le 21 mai 2015, dans les locaux de son agence de Vitré, alors que les captures d'écran du logiciel WorkFlow laissent apparaître, les concernant, un départ de leur lieu de travail à 17h30. Elle ne conteste pas davantage que, pour 1'ensemble des salariés de son agence du Rheu, le relevé du logiciel Workflow communiqué par l'entreprise au contrôleur du travail chargé de la section EA1 d'Ille-et-Vilaine ne mentionne aucune variation des horaires de départ et d'arrivée pour la période allant de décembre 2013 à octobre 2014, le nombre d'heures de travail effectuées chaque jour étant systématiquement égal à 7,6 h. Ce constat est en contradiction avec les mentions de l'article 10-2 du chapitre X de l'accord d'entreprise applicable dans l'association requérante, qui met en place un régime de modulation et d'annualisation du temps de travail selon des modalités qu'il précise, au motif, rappelé par cet accord, que " l'activité de l'entreprise est dans une large mesure sujette à des variations de charge d'activité inhérente au métier, ce qui justifie un aménagement de l'horaire de travail afin de mieux faire face à ces fluctuations en adaptant les horaires à la charge de travail (...) ".

12. Sur ces seuls constats, l'administration était fondée à estimer que la durée du travail enregistrée en application des dispositions des articles R. 713-36 était inexacte au sens des dispositions de l'article R. 713-43 du code du travail. Par suite le direccte de la région Bretagne a pu à bon droit, sur le fondement des mêmes dispositions et sans qu'ait d'incidence le motif pour lequel les salariés s'abstenaient de faire usage de la possibilité d'enregistrer eux-mêmes leurs horaires de travail, mettre en demeure l'association requérante de procéder à l'enregistrement des heures effectuées par ceux de ses salariés soumis à la modulation du temps de travail.

13. Il résulte de ce qui précède que l'association Cogedis n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la mise en demeure de mettre en place un enregistrement des horaires de chacun des salariés soumis à la modulation du temps de travail qui précise l'heure de début et de fin de chacune des périodes de travail.

Sur les frais liés au litige :

14. Il y a lieu de rejeter la demande de l'association Cogedis tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Cogedis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Cogedis et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2019.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03647


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03647
Date de la décision : 05/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : LUSIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-05;17nt03647 ?
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