Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Les Mouettes du Bois Marin, la SCI la Tourmentine, M. D...C...et la société Les Essarts Property Limited ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 4 février 2015 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a approuvé le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral de la commune de Saint-Briac-sur-Mer.
Par un jugement n° 1501551 du 15 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 4 février 2015 en tant qu'il porte sur les parcelles cadastrées BA n° 121, 122, 129 et 130 et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février 2018 et 26 novembre 2018, M. D... C..., représenté par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 décembre 2017, uniquement en tant que ce jugement a rejeté cette demande d'annulation totale au-delà des parcelles cadastrées BA n° 121, 122, 129 et 130 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 février 2015 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a approuvé le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral de la commune de Saint-Briac-sur-Mer ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, dans le dernier état de ses écritures, d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en raison d'omission à statuer s'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté préfectoral modifiant la servitude ;
- le jugement n'est pas suffisamment motivé s'agissant de l'annulation seulement partielle de l'arrêté ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas le mémoire régularisé le 31 octobre 2017 par les exposants en première instance, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le dossier soumis à enquête publique était insuffisant et comportait des erreurs ;
- l'arrêté attaqué n'était pas suffisamment motivé ;
- la méconnaissance des dispositions de l'article R. 160-18 du code de l'urbanisme justifiait une annulation totale de l'arrêté attaqué ;
- s'agissant de la propriétéC..., aucun obstacle n'a été relevé par les auteurs du projet de servitude, susceptible de fonder une suspension ou une autre modification du tracé, alors pourtant que le passage de la servitude se trouve exactement à l'endroit de la piscine réalisée sur cette propriété, alors même qu'elle aurait été édifiée sans autorisation il y a près de vingt ans ;
- sur le tronçon M-A..., aucun obstacle ne justifiait une modification du tracé de la servitude ;
- il existe un danger réel qui découle de l'usage du sentier en falaise dans sa conformation actuelle.
Par un mémoire en intervention enregistré le 27 septembre 2018, l'association des amis des chemins de ronde d'Ille-et-Vilaine, l'association Dinard côte d'émeraude environnement et le cercle des amis de Saint-Briac et de la côte d'émeraude, représentés par MeB..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du requérant le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- leur intervention est recevable ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Un mémoire, présenté pour l'association des amis des chemins de ronde d'Ille-et-Vilaine, l'association Dinard côte d'émeraude environnement et le cercle des amis de Saint-Briac et de la côte d'émeraude, a été enregistré le 8 juin 2019 et n'a pas été communiqué.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires concluent au rejet de la requête en s'en rapportant au mémoire de première instance du préfet d'Ille-et-Vilaine.
Un mémoire, présenté par le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires, a été enregistré le 7 juin 2019 et n'a pas été communiqué.
La clôture d'instruction est intervenue automatiquement le 10 juin 2019 à minuit, conformément aux dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Un mémoire, enregistré le 11 juin 2019, soit après la clôture de l'instruction, a été présenté pour M. C...et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 4 février 2015, le préfet d'Ille-et-Vilaine a approuvé le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral de la commune de Saint-Briac-sur-Mer. La SCI Les Mouettes du Bois Marin, la SCI la Tourmentine, M. D...C...et la société Les Essarts Property Limited ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 15 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 4 février 2015 en tant qu'il porte sur les parcelles cadastrées section BA n°s 121, 122, 129 et 130 et a rejeté le surplus de la demande. M. C...fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur l'intervention conjointe de l'association des amis des chemins de ronde d'Ille-et-Vilaine, l'association Dinard Côte d'Émeraude Environnement et le cercle des amis de
Saint-Briac et de la côte d'Émeraude :
2. Il ressort des pièces du dossier que ces trois associations justifient d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté en litige dès lors que l'annulation de cet arrêté léserait de façon suffisamment directe leurs intérêts, au regard des missions qu'ils se sont données par leurs statuts. Par suite, leur intervention conjointe en défense, régulièrement présentée, est recevable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il ressort des écritures de première instance que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée n'était pas soulevé par le demandeur. Dès lors, le jugement attaqué, alors même qu'il n'y a pas répondu, n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.
4. En deuxième lieu, le jugement attaqué, après avoir accueilli un vice de procédure à ne pas avoir convoqué à la visite sur les lieux du commissaire enquêteur tous les indivisaires des parcelles cadastrées BA n°121, 122, 129 et 130, a indiqué que " ce moyen n'est toutefois susceptible d'entraîner l'annulation de l'arrêté en litige qu'en tant qu'il porte sur les parcelles pour lesquelles la visite des lieux a été irrégulièrement réalisée ". Contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal n'avait pas à motiver de manière plus précise le caractère partiel de l'annulation.
5. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas le mémoire enregistré le 31 octobre 2017 par les demandeurs en première instance, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, manque en fait et doit donc être écarté.
6. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 160-18 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête peut décider de procéder à une visite des lieux. Dans ce cas, le commissaire enquêteur ou le président de la commission avise le maire et convoque sur place les propriétaires intéressés ainsi que les représentants des administrations. Après les avoir entendus, il dresse procès-verbal de la réunion ". D'une part, contrairement à ce que soutient le requérant, ces dispositions ont pour objet de permettre à chaque propriétaire intéressé de faire des observations pendant la contre-visite s'agissant de sa propriété et non pas des propriétés voisines. D'autre part, le principe de continuité du cheminement des piétons le long du littoral ne fait pas obstacle à une annulation partielle, en tant qu'elle porte sur certaines parcelles, d'un arrêté approuvant le tracé d'une servitude de passage des piétons le long du littoral. Dès lors, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la méconnaissance des dispositions de l'article R. 160-18 du code de l'urbanisme justifiait une annulation totale de l'arrêté attaqué et non une annulation partielle.
Sur la légalité de l'arrêté du 4 février 2015 :
En ce qui concerne la légalité externe :
7. Aux termes de l'article R. 160-14 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " En vue de la modification, par application des alinéas 2 et 3 de l'article L. 160-6, du tracé ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques de la servitude, le chef du service maritime adresse au préfet, pour être soumis à enquête, un dossier qui comprend ; a) Une notice explicative exposant l'objet de l'opération prévue ; b) Le plan parcellaire des terrains sur lesquels le transfert de la servitude est envisagé, avec l'indication du tracé à établir et celle de la largeur du passage ; c) La liste par communes des propriétaires concernés par le transfert de la servitude, dressée à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le conservateur des hypothèques au vu du fichier immobilier, ou par tous autres moyens ; d) L'indication des parties de territoire où il est envisagé de suspendre l'application de la servitude, notamment dans les cas visés à l'article R. 160-12, ainsi que les motifs de cette suspension, et celle des parties de territoire où le tracé de la servitude a été modifié par arrêté préfectoral en application du II de l'article R. 160-11. ". Si le dossier soumis à enquête publique se borne à de nombreuses reprises à indiquer qu'une modification est opérée " pour tenir compte des obstacles de toute nature dus à la configuration des lieux ", la nature des obstacles en cause n'avait pas à être précisée pour respecter les dispositions précitées.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. Aux termes de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d'une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. L'autorité administrative peut, par décision motivée prise après avis du ou des conseils municipaux intéressés et au vu du résultat d'une enquête publique effectuée comme en matière d'expropriation : a) Modifier le tracé ou les caractéristiques de la servitude, afin, d'une part, d'assurer, compte tenu notamment de la présence d'obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, d'autre part, de tenir compte des chemins ou règles locales préexistants ; le tracé modifié peut grever exceptionnellement des propriétés non riveraines du domaine public maritime ; b) A titre exceptionnel, la suspendre. Sauf dans le cas où l'institution de la servitude est le seul moyen d'assurer la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, la servitude instituée aux alinéas 1 et 2 ci-dessus ne peut grever les terrains situés à moins de quinze mètres des bâtiments à usage d'habitation édifiés avant le 1er janvier 1976, ni grever des terrains attenants à des maisons d'habitation et clos de murs au 1er janvier 1976. ". Aux termes de l'article R. 160-12 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " A titre exceptionnel, la servitude instituée par l'article L. 160-6 peut être suspendue, notamment dans les cas suivants : (...) e) Si le maintien de la servitude de passage est de nature à compromettre (...) la stabilité des sols (...) ". A titre exceptionnel, cette servitude peut être suspendue, notamment lorsque la stabilité des sols est compromise ou pour tout autre motif d'ordre public.
9. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier que la piscine construite sur le terrain de M.C..., au demeurant sans déclaration préalable, ne constitue pas un obstacle au cheminement des piétons, dès lors qu'un passage, d'environ un mètre de large, est possible entre la falaise et la piscine, des rambardes ou clôtures pouvant être installées de part et d'autre. Ce tracé ne méconnait pas les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, M. C...pouvant notamment continuer à utiliser sa piscine.
10. En outre, si la notice explicative indiquait, pour le tronçon L.M, que le tracé était modifié pour tenir compte des obstacles de toute nature dus à la configuration des lieux, la circonstance qu'il n'y ait aucun obstacle au niveau d'une seule parcelle du tronçon, celle appartenant à M.C..., est sans incidence, dès lors qu'il n'est pas établi que tel serait le cas pour les autres parcelles du tronçon en cause.
11. Le requérant produit une étude, effectuée certes de manière non contradictoire mais par un bureau d'études en géologie et portant sur le tracé le long de la parcelle BA n°89, qui indique que " la forte fréquentation du sentier va accélérer les processus d'érosion du sol par creusement et glissement des formations meubles au-dessus d'une falaise altérée, formations meubles qui ne sont maintenues parfois que par la végétation, dont des arbres déjà fortement penchés vers le littoral qui risquent à terme de basculer en entrainant une partie du sentier. Dans l'état actuel, le passage sur ce chemin présente à plusieurs endroits un risque réel pour les promeneurs en cas d'éboulement soudain. (...) L'usage de ce sentier en bordure de falaise dans sa conformation actuelle, sans confortement et aménagement préalable, présente localement un danger réel de chutes lié à des glissements de sols le long d'une forte pente et des éboulements brusques pour les personnes, en particulier en groupe ". Toutefois, cette étude n'a été réalisée qu'en mai 2019 et ne révèle pas des faits antérieurs à l'arrêté préfectoral attaqué du 4 février 2015, pris plus de quatre années auparavant. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 160-6 et de l'article R. 160-12 du code de l'urbanisme doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation totale de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par M. C...à ce titre. Elles font également obstacle à ce que soit accordée une somme à ce titre aux intervenants, ces derniers ne pouvant pas être regardés comme une partie au sens des dispositions précitées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association des amis des chemins de ronde d'Ille-et-Vilaine, de l'association Dinard côte d'Émeraude Environnement et du cercle des amis de Saint-Briac et de la côte d'Émeraude est admise.
Article 2 : La requête de M. C...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'association des amis des chemins de ronde d'Ille-et-Vilaine, de l'association Dinard côte d'émeraude environnement et du cercle des amis de Saint-Briac et de la côte d'émeraude au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de la cohésion des territoires, à l'association des amis des chemins de ronde d'Ille-et-Vilaine, l'association Dinard côte d'émeraude environnement et au cercle des amis de Saint-Briac et de la côte d'émeraude.
Copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine et à la commune de Saint-Briac-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00698