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02/07/2019 | FRANCE | N°17NT01263

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 juillet 2019, 17NT01263


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association immobilière Saint-François-Xavier a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les délibérations du 15 mai 2014 par lesquelles la commission permanente du conseil général du département de la Loire-Atlantique a exercé son droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles sur deux unités foncières cadastrées, la première, section AI n°s 2, 3 et 4 et, la seconde, AI n°s 18, 19 et 20 situées à la " Pointe de Merquel " sur le territoire de la commune de Mesquer.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association immobilière Saint-François-Xavier a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les délibérations du 15 mai 2014 par lesquelles la commission permanente du conseil général du département de la Loire-Atlantique a exercé son droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles sur deux unités foncières cadastrées, la première, section AI n°s 2, 3 et 4 et, la seconde, AI n°s 18, 19 et 20 situées à la " Pointe de Merquel " sur le territoire de la commune de Mesquer.

Par un jugement n°s 1405970-1405971 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces délibérations.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2017, le département de la Loire-Atlantique, représenté par son président en exercice, par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2017 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter les demandes présentées par l'association immobilière Saint-François-Xavier devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de l'association immobilière Saint-François-Xavier le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

­ contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les délibérations querellées sont suffisamment motivées tant en droit qu'en fait ;

­ la disproportion entre les prix indiqués dans les déclarations d'intention d'aliéner et ceux qu'il a proposés n'est pas de nature à établir son défaut d'intention d'acquérir l'ensemble immobilier pour mettre en oeuvre la politique prévue à l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme ;

­ les autres moyens allégés en première instance par l'association immobilière Saint-François-Xavier ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2017, l'association immobilière Saint-François-Xavier, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du département de la Loire Atlantique la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le département de la Loire-Atlantique ne sont pas fondés et, subsidiairement, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, réitère les moyens qu'elle a développés en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

­ le code de l'urbanisme ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M.A...'hirondel

­ les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

­ et les observations de MeB..., substituant MeD..., représentant le département de la Loire-Atlantique et de MeC..., représentant l'association immobilière de Saint-François-Xavier.

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er avril 2014, l'association immobilière de Saint-François-Xavier a notifié au département de la Loire-Atlantique deux déclarations d'intention d'aliéner portant sur deux unités foncières, l'une formée par les parcelles cadastrées section AI n°s 2, 3, et 4 pour un prix de 1 900 000 euros, l'autre par les parcelles cadastrées section AI n°s 18, 19 et 20 pour un prix de 600 000 euros. Par deux délibérations du 15 mai 2014, la commission permanente du conseil général de la Loire-Atlantique a décidé d'exercer son droit de préemption en application des dispositions des articles L. 142-1 et suivants du code de l'urbanisme au prix de 12 443,20 euros pour la première unité foncière et de 11 665,50 euros pour la seconde unité foncière. Le département de la Loire-Atlantique relève appel du jugement du 21 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de l'association immobilière Saint-François-Xavier, ces deux délibérations.

Sur la légalité des délibérations contestées :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l'article L. 110, le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non. (...) ". Aux termes de l'article L. 142-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Pour la mise en oeuvre de la politique prévue à l'article L. 142-1, le conseil général peut créer des zones de préemption dans les conditions ci-après définies / Dans les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé, les zones de préemption sont créées avec l'accord du conseil municipal. En l'absence d'un tel document, et à défaut d'accord des communes concernées, ces zones ne peuvent être créées par le conseil général qu'avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département. / A l'intérieur de ces zones, le département dispose d'un droit de préemption sur tout terrain ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de terrains qui font l'objet d'une aliénation, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit. / A titre exceptionnel, l'existence d'une construction ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de préemption dès lors que le terrain est de dimension suffisante pour justifier son ouverture au public et qu'il est, par sa localisation, nécessaire à la mise en oeuvre de la politique des espaces naturels sensibles des départements. Dans le cas où la construction acquise est conservée, elle est affectée à un usage permettant la fréquentation du public et la connaissance des milieux naturels. (...) ".

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : / a) Soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption ; / b) Soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions proposés, y compris dans le cas de versement d'une rente viagère ; / c) Soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation (...) ". Il résulte de ces dispositions que le caractère insuffisant ou excessif du prix du bien préempté au regard du marché est, par lui-même, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de préciser les modalités de fixation du prix mentionné dans la décision de préemption et dont il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, le département de la Loire Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les délibérations litigieuses, le tribunal administratif a retenu qu'il devait être regardé comme n'ayant pas eu réellement l'intention d'acquérir l'ensemble immobilier pour mettre en oeuvre la politique prévue à l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme en se fondant exclusivement sur le caractère insuffisant du prix proposé au regard du marché.

4. En second lieu, l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur dispose que " doivent être motivées les décisions qui (...) imposent des sujétions (...) ". Les décisions de préemption prises en application de l'article L. 142-3 du code de l'urbanisme sont des décisions individuelles imposant des sujétions. Elles entrent, par suite, dans le champ de la loi du 11 juillet 1979 et doivent, dès lors, comporter l'énoncé des motifs de droit et de fait ayant conduit l'autorité administrative à préempter. Cette obligation de motivation implique que la décision comporte une référence à l'acte portant création de la zone de préemption et indique les raisons pour lesquelles la préservation et la protection des parcelles en cause justifiaient la préemption. En revanche, elle n'impose pas à l'auteur de la décision de préciser la sensibilité du milieu naturel ou la qualité du site, dès lors que l'inclusion de parcelles dans une zone de préemption est nécessairement subordonnée à leur intérêt écologique, ou les modalités futures de protection et de mise en valeur des parcelles qu'elle envisage de préempter.

5. Si les délibérations contestées et les courriers de notification visent les articles L. 142-1 et R. 142-1 et suivants du code de l'urbanisme, elles ne font pas référence à l'acte instituant la zone de préemption. Par suite, et alors même qu'elles préciseraient les considérations de fait ayant conduit le département à préempter les biens, ces délibérations, en l'absence de référence à l'acte portant création de la zone de préemption, sont, compte tenu à ce qui été dit au point précédent, insuffisamment motivées sans que le département de la Loire Atlantique puisse utilement alléguer la circonstance que les déclarations d'intention d'aliéner lui avaient été adressées par le notaire de l'intimée.

6. Il résulte de ce qui précède que le département de la Loire-Atlantique n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les délibérations du 15 mai 2014 décidant d'exercer le droit de préemption sur les unités foncières appartenant à l'association immobilière Saint-François-Xavier.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association immobilière Saint-François-Xavier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de la Loire Atlantique demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du département de la Loire Atlantique une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'association immobilière Saint-François-Xavier et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du département de la Loire Atlantique est rejetée.

Article 2 : Le département de la Loire Atlantique versera une somme de 1 500 euros à l'association immobilière Saint-François-Xavier au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 :Le présent arrêt sera notifié au département de la Loire-Atlantique et à l'association immobilière Saint-François-Xavier.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, à laquelle siégeaient :

­ M. Pérez, président,

­ M.A...'hirondel, premier conseiller,

­ Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.

Le rapporteur,

M. E...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

N° 17NT0012632

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01263
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET LEXCAP RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-02;17nt01263 ?
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