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28/06/2019 | FRANCE | N°18NT02853

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 28 juin 2019, 18NT02853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2018 par lequel le maire de Bayeux l'a radiée des cadres pour abandon de poste.

Par un jugement n° 1800068 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Caen a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2018, la commune de Bayeux, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juin 2018 du tribunal administr

atif de Caen ;

2°) de rejeter la demande de Mme F...présentée devant le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2018 par lequel le maire de Bayeux l'a radiée des cadres pour abandon de poste.

Par un jugement n° 1800068 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Caen a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2018, la commune de Bayeux, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juin 2018 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de rejeter la demande de Mme F...présentée devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de Mme F...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le délai laissé à l'agent pour reprendre son poste lui a permis raisonnablement et matériellement de reprendre ses fonctions avant l'intervention de la mesure de radiation des cadres en litige, d'autant qu'elle avait déjà été informée par un courrier du 18 décembre 2017 qu'elle devait reprendre ses fonctions ;

- la prétendue incompétence de l'auteur de l'acte est infondée ;

- la mise en demeure de reprendre son service qui lui a été adressée était régulière ;

- elle n'a eu connaissance du second arrêt de travail de Mme F...pour la période du 31 décembre 2017 au 31 janvier 2018 que le 10 janvier 2018 ;

- la transmission d'arrêts de travail, alors même que ceux-ci n'apportent aucun élément nouveau sur l'état de santé de l'agent tel qu'apprécié par le comité médical, n'est pas de nature à mettre en doute la légalité de l'arrêté de radiation ;

- elle n'a accusé réception du courrier du 2 janvier 2018 par lequel Mme F...précisait qu'elle n'entendait pas rompre le lien l'unissant avec sa collectivité, que le 3 janvier 2018, après le délai fixé par la mise en demeure pour reprendre ses fonctions ;

- Mme F...ne peut prétendre, sur la seule base des arrêts de travail communiqués, que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre ses fonctions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2018, MmeF..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Bayeux le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par la commune de Bayeux ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 octobre 2018.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 87 602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me Chaigneau, avocat de la commune de Bayeux.

Des notes en délibéré présentée par la commune de Bayeux et Mme F...ont été enregistrées le 28 mai et le 3 juin 2019.

Considérant ce qui suit :

1. MmeF..., adjoint territorial titulaire depuis le 1er juin 2004 au sein des effectifs de la commune de Bayeux, a été placée en disponibilité d'office à compter du 7 novembre 2017 jusqu'au 12 décembre 2017. Par un courrier du 18 décembre 2017, la directrice des ressources humaines de la commune lui a enjoint de reprendre son poste le mardi 26 décembre à 08h30. Par un nouveau courrier du 28 décembre 2017, la commune a mis en demeure Mme F...de reprendre ses fonctions au plus tard le mardi 2 janvier 2018 à 8h30, à défaut de quoi elle serait radiée des cadres pour abandon de poste. Cette dernière n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, le maire de Bayeux a prononcé la radiation des cadres de la requérante pour abandon de poste par arrêté du 5 janvier 2018. Saisi par MmeF..., le tribunal administratif de Caen a, par un jugement du 1er juin 2018, annulé cet arrêté. Par sa présente requête, la commune de Bayeux demande à la cour d'annuler le jugement du 1er juin 2018 du tribunal administratif de Caen.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que le 28 décembre 2017, le maire de Bayeux a adressé une lettre mettant en demeure Mme F...de rejoindre son poste de travail le 2 janvier 2018. Mme F...a accusé réception de cette lettre le vendredi 29 décembre 2017. Cette dernière n'a pas déféré à cette mise en demeure qui, notifiée sous forme écrite, l'informait du risque qu'elle encourrait d'une radiation des cadres en ne rejoignant pas son poste dans le délai indiqué. En estimant que ce délai de trois jours, comprenant un week-end et un jour férié, après la réception de la lettre valant mise en demeure était inapproprié pour rejoindre son poste, le tribunal a inexactement qualifié les faits de la cause et relevé à tort un vice de procédure.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F...à l'appui de sa demande.

4. Mme F...soutenait en première instance que le maire adjoint en charge du personnel ne bénéficiait pas d'une délégation régulière pour signer l'arrêté attaqué et que l'arrêté attaqué était erroné en fait.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, Mme D...E..., maire adjoint en charge du personnel de la commune de Bayeux et signataire de la décision attaquée a reçu délégation de signature par arrêté du maire de Bayeux du 31 mars 2014 afin : " d'étudier toutes les questions relatives au personnel de la Ville ". Cette délégation a pour portée : " le suivi de tous les dossiers relevant des domaines délégués ainsi que la signature des pièces et documents courants produit en la matière ". Elle a été régulièrement affichée en mairie, ainsi que l'atteste le maire de la commune par un certificat du 22 janvier 2018 qui n'est pas contesté. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le maire adjoint en charge du personnel ne bénéficiait pas d'une délégation régulière pour signer l'arrêté attaqué.

6. En deuxième lieu, d'une part, une mesure de radiation de cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

7. D'autre part, l'agent qui se trouve en position de congé de maladie est regardé comme n'ayant pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, il ne peut en principe faire l'objet d'une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer son licenciement pour abandon de poste. Il en va toutefois différemment lorsque l'agent, reconnu apte à reprendre ses fonctions par le comité médical départemental, se borne, pour justifier sa non présentation ou l'absence de reprise de son service, à produire un certificat médical prescrivant un nouvel arrêt de travail sans apporter, sur son état de santé, d'éléments nouveaux par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que par lettre du 28 décembre 2017, notifiée le 29 décembre 2017 à l'intéressée, le maire de la commune de Bayeux a mis en demeure MmeF..., adjoint territorial au sein de cette collectivité, de rejoindre son poste au plus tard le mardi 2 janvier 2018 à 8h30. Si l'intéressée bénéficiait, à compter du 31 décembre 2017 d'un certificat médical d'arrêt de travail délivré pour la période du 31 décembre 2017 au 31 janvier 2018, prolongeant un précédent arrêt de travail pour la période du 1er décembre au 30 décembre 2017, Mme F...ne saurait être regardée en position régulière au regard de la mise en demeure de rejoindre son poste qui lui a été adressée dès lors que, tant le comité médical départemental que le comité médical supérieur ont émis un avis favorable à la reprise sur un poste adapté, qu'il n'est pas soutenu ni même allégué que le poste proposé n'aurait pas été conforme aux prescriptions médicales ou que l'avis de prolongation de l'arrêt de travail apportait des éléments nouveaux sur l'état de santé de Mme F...par rapport aux constatations sur la base desquelles ont été rendus ces avis. En effet, l'administration n'est pas tenue de faire procéder à une contre-visite médicale avant de mettre en demeure l'agent de reprendre ses fonctions sous peine d'une radiation pour abandon de poste quand, d'une part, celui-ci a été déclaré apte à reprendre ses fonctions par le comité médical, d'autre part, que le caractère erroné de cet avis n'est pas démontré et, enfin, lorsque le certificat médical de prolongation de l'arrêt de travail n'apporte aucun élément nouveau par à rapport à la situation qu'avait constatée le comité médical. A cet égard est sans incidence la circonstance que par un courrier du 2 janvier 2018, le conseil de Mme F...a informé le maire de la commune que l'intéressée n'entendait pas rompre le lien l'unissant à la collectivité.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bayeux est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 1er juin 2018 ayant annulé l'arrêté du 5 janvier 2018 par lequel le maire de la commune de Bayeux a radié des cadres Mme F...pour abandon de poste.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bayeux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme F...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F...la somme demandée par la commune de Bayeux sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er juin 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme F...devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Bayeux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bayeux et à Mme C...F....

Délibéré après l'audience du 27 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2019.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02853
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET FIDAL (CAEN)

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-28;18nt02853 ?
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