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28/06/2019 | FRANCE | N°18NT01423

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 juin 2019, 18NT01423


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 2 février 2018 par lesquelles le préfet de la Mayenne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement no 1801847 du 30 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions (article 1er ), a enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer la si

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 2 février 2018 par lesquelles le préfet de la Mayenne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement no 1801847 du 30 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions (article 1er ), a enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer la situation de M. B...dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour (article 2) et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au bénéfice de Me Gouedo, avocat du requérant, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 avril 2018, le préfet de la Mayenne demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait, d'un défaut de motivation et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à M. B...le 23 mai 2018 qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 24 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 26 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chollet.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant ivoirien né le 5 février 1991 à Abidjan (Côte-d'Ivoire), est entré en France le 24 août 2016 selon ses déclarations. Sa demande de statut de réfugié a été rejetée par une décision du 12 juillet 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par décision du 10 janvier 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Le préfet de la Mayenne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné par décisions du 2 février 2018. Par un jugement du 30 mars 2018, dont le préfet relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions (article 1er), a enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer la situation de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour (article 2) et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au bénéfice de Me Gouedo, avocat du requérant, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3).

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. Pour annuler la décision faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination, le tribunal administratif de Nantes a relevé que le requérant s'est marié avec une ressortissante française le 9 septembre 2017 en la mairie de Laval et que le préfet a commis une erreur de fait en mentionnant que ce dernier était célibataire. Il a également considéré que la décision portant obligation de quitter le territoire français était par suite entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale.

3. Toutefois, si le requérant s'est marié avec une ressortissante française le 9 septembre 2017, il n'en a pas informé le préfet avant la décision contestée et ne justifie d'aucune communauté de vie avec cette dernière avant son mariage. Ainsi, cette communauté de vie est récente à la date de la décision contestée. Par ailleurs, il ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine par la production de deux actes de décès établis les 29 avril 2015 et 18 mai 2015 de personnes décédées cinq ans auparavant qu'il dit être son père et sa mère. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de

M.B.... En outre, il résulte de ce qui vient d'être dit que le préfet aurait pris la même décision s'il avait tenu compte du mariage de M.B.... Dans ces conditions, le préfet de la Mayenne est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ces motifs.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. A...D..., directeur de la citoyenneté à la préfecture de la Mayenne, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet, consentie par un arrêté du préfet de la Mayenne du 27 décembre 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de ce département. Cet arrêté l'habilitait à signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.

6. En deuxième lieu, dans le cas prévu au 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision faisant obligation de quitter le territoire français fait suite au constat de ce que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou de ce que celui-ci ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 du même code, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a été entendu dans le cadre du dépôt de sa demande d'asile ou de sa demande de réexamen à l'occasion de laquelle l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou accordé le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. M.B..., qui, au demeurant, ne pouvait ignorer que, depuis le rejet devenu définitif de sa demande d'asile le 10 janvier 2018, il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, n'établit ni même n'allègue qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter des observations avant que soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français du 2 février 2018. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

7. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. M. B...soutient qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine où il a été emprisonné pendant cinq ans en raison de sa participation à un mouvement politique. Toutefois, il ne produit aucun élément suffisamment probant au dossier permettant de justifier de ses allégations et la réalité de risques personnels en cas de retour en Côte d'Ivoire. Au surplus, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le préfet de la Mayenne est fondé à demander l'annulation du jugement du 30 mars 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 mars 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président,

- Mme Malingue, premier conseiller,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2019.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT01423


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01423
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-28;18nt01423 ?
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