Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Milan a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009.
Par un jugement no 1506999 du 13 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 décembre 2017 et le 11 janvier 2019, l'EURL Milan, représentée par MeB..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article 57 A du livre des procédures fiscales ; elle se prévaut des paragraphes 590 et 600 du BOI-CF-IOR-10-50 ;
- l'exercice d'un droit de communication de l'administration auprès de l'association Accompagnement personnalisé et de soutien à l'habitat (APSH) est irrégulier ; elle se prévaut des paragraphes 70 et 140 du BOI-CF-COM-10-10-10 ;
- elle répond à l'ensemble des conditions pour être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de ses locations meublées soit en application de l'article 260 D du code général des impôts en ce qui concerne l'association APSH, soit en application du b et du c du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ; elle se prévaut des paragraphes 40 et 100 du BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 23 avril 2018 et le 5 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par l'EURL Milan ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Milan exerce une activité d'acquisition de locaux à fin de location en meublé à titre d'habitation et de résidence. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012. L'EURL Milan relève appel du jugement du 13 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du
1er janvier au 31 décembre 2009.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales : " En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise (...) dont le chiffre d'affaires est inférieur à
1 526 000 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de (...) fournir le logement, (...), l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable. / (...) ".
3. D'une part, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 13 décembre 2012 a été notifiée à l'EURL Milan le 17 décembre suivant. L'EURL a formulé des observations le 14 février 2013 auxquelles l'administration a répondu par un courrier le 25 mars 2013 notifié le 28 mars 2013. L'administration a ainsi respecté le délai de réponse de soixante jours prévu par les dispositions de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales.
4. D'autre part, il résulte des dispositions du livre des procédures fiscales relatives tant à la procédure de redressement contradictoire qu'aux procédures d'imposition d'office qu'après avoir prononcé le dégrèvement d'une imposition, l'administration ne peut établir, sur les mêmes bases, une nouvelle imposition sans avoir préalablement informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer.
5. Il résulte de l'instruction qu'à la suite des observations de l'EURL Milan l'administration a procédé, le 24 janvier 2014, au dégrèvement d'office des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui avaient été mis en recouvrement le 17 mai 2013 au motif que la possibilité de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CDI) n'avait pas été mentionnée sur la réponse aux observations du contribuable du 25 mars 2013. L'administration a également régulièrement informé l'EURL Milan qu'elle se réservait cependant le droit de procéder au rétablissement de l'imposition litigieuse par l'envoi d'une nouvelle réponse aux observations du contribuable. Ce document faisant état de la possibilité de saisir la CDI a été notifié à l'EURL Milan dans le délai de prescription. Il est en outre constant que les impositions remises à la charge de l'intéressée y ont été établies sur les mêmes bases que celles qui avaient été préalablement dégrevées. Dans ces conditions, l'administration n'était pas tenue de reprendre l'intégralité de la procédure d'imposition et l'EURL Milan n'est pas fondée à soutenir, en appel, que l'administration a méconnu l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales en ce que la seconde réponse à ses observations du 18 février 2014 a été notifiée après le délai de soixante jours fixé par ces dispositions.
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a exercé un droit de communication auprès de l'association Accompagnement personnalisé et de soutien à l'habitat (APSH) par courrier du 30 novembre 2012 sur le fondement des articles L. 81 et L. 83 du livre des procédures fiscales afin d'obtenir des renseignements sur les services de nature para-hôtelière qui lui étaient éventuellement proposés par son bailleur, à savoir l'EURL Milan. L'association y a répondu par courrier du 7 décembre 2012. Pour confirmer les rectifications notifiées le 13 décembre 2012, l'administration a exercé un second droit de communication auprès de cette association le 21 février 2013 sur le fondement des articles L. 81 et L. 87 du livre des procédures fiscales. L'EURL Milan soutient que l'administration a obtenu, lors de ce second droit de communication, un renseignement non visé par les textes de la part de la présidente de l'association APSH, à savoir une annotation en marge de l'avis de passage du 21 février 2013 précisant " pas de prestations para-hôtelières proposées ". Toutefois, l'avis de passage n'est pas un document émanant d'un tiers faisant l'objet d'un droit de communication et n'a pas fondé les impositions en litige. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que cette mention a été apposée en réponse à une demande de l'administration effectuée dans le cadre du droit de communication. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration a exercé de manière irrégulière son droit de communication, invoqué pour la première fois en appel, doit être écarté.
7. En dernier lieu, l'EURL Milan ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 590 et 600 du BOI-CF-IOR-10-50 ainsi que des paragraphes 70 et 140 du BOI-CF-COM-10-10-10, qui sont relatifs à la procédure d'imposition.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
8. En premier lieu, aux termes de l'article 260 du code général des impôts : " Pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée la location d'un local meublé ou nu dont la destination finale est le logement meublé est toujours considérée comme une opération de fourniture de logement meublé quelles que soient l'activité du preneur et l'affectation qu'il donne à ce local. ". Les dispositions de l'article 260 D du code général des impôts n'ont pour objet que d'inclure dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, sous réserve de l'application des dispositions de l'article 261 D du même code, les locations de locaux meublés ou nus dont la destination finale est le logement meublé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'activité de l'EURL Milan est assujettie de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée en application de ces dispositions doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / a. Aux prestations d'hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classés, les villages de vacances classés ou agréés et les résidences de tourisme classées lorsque ces dernières sont destinées à l'hébergement des touristes et qu'elles sont louées par un contrat d'une durée d'au moins neuf ans à un ou plusieurs exploitants qui ont souscrit un engagement de promotion touristique à l'étranger dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat ; / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. / c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées aux a ou b, (...)/ (...) ". Ces dispositions, qui fixent les critères de la taxation des prestations de location de logements meublés, doivent être interprétées, pour le respect des objectifs énoncés par les dispositions de la sixième directive, tels qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, de manière à garantir que ne soient exonérés du paiement de la taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et qui ne sont donc pas en concurrence potentielle avec ces dernières entreprises.
10. L'EURL Milan est propriétaire de locaux meublés à usage d'habitation situés à Olonne sur Mer qu'elle loue soit à des particuliers, soit à l'association ASPH. Estimant que son activité n'était pas au nombre de celles mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts pour lesquelles l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux locations en meublé ne s'applique pas, l'administration a procédé à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée opérée par l'entreprise en 2008 à raison d'immobilisations au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009 en application du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts.
11. D'une part, il est constant que l'EURL Milan ne loue pas ses locaux à un exploitant d'établissement à caractère hôtelier et qu'elle ne peut donc se prévaloir du c du 4° de l'article 261 D du code général des impôts.
12. D'autre part, l'EURL Milan soutient qu'elle remplit les conditions du b du 4° de l'article 261 du CGI en ce qu'elle propose depuis le 1er janvier 2008 des services para-hôteliers dans les locaux donnés en location. Elle précise que lorsque les prestations de ménage proposées aux locataires sur la base d'un tarif horaire, incluant la fourniture de produits ménagers, n'étaient pas confiées à une entreprise prestataire, celles-ci étaient effectuées par MmeA..., rémunérée par l'EURL Milan par chèque emploi-service sans contrat de travail écrit. Elle ajoute en outre qu'elle proposait à ses locataires la location de linge, incluant son nettoyage soit par MmeA..., soit par le dirigeant de l'EURL, soit par un prestataire extérieur et que ce linge était stocké dans certains logements. Elle soutient également que la prestation de réception de la clientèle était gérée conjointement par Mme A...et le dirigeant de l'EURL Milan en ce qui concerne les locations aux particuliers, qu'un téléphone a été acquis pour être mis à disposition de la personne chargée de la réception et que le dirigeant de l'EURL accueillait personnellement les usagers de l'association ASPH. Toutefois, il résulte de l'instruction que les contrats de location ne faisaient pas état de services parahôteliers annexes. En outre, le nettoyage régulier des locaux et le renouvellement du linge au cours des séjours pendant la période vérifiée ne sont pas établis par la seule production de factures de produits d'entretien ou de lavage de faibles montants, d'un devis du 10 décembre 2012 d'une société de nettoyage pour une prestation de nettoyage ponctuel, d'une facture du 4 juillet 2008 d'un montant de 15,20 euros hors taxe et d'un courriel de l'Office Immobilier du 14 juin 2016. Par ailleurs, l'administration fait valoir sans être sérieusement contredite que le stock de linge de maison présenté lors des opérations de contrôle était chez le dirigeant de l'EURL à Saint-Nazaire et il ne résulte pas de l'instruction que la société aurait fait appel à un prestataire chargé de ce service. Enfin, l'absence de local de réception n'est pas contestée et les attestations de l'association APSH ainsi qu'une facture de téléphone au nom du gérant pour la période de mars 2009 à février 2010 ne peuvent suffire à établir l'existence d'un accueil physique et téléphonique personnalisé de la clientèle de manière continue, ni par M. ou Mme A...ni par le dirigeant de l'EURL Milan qui réside à Saint-Nazaire. Ainsi, il résulte de l'instruction que le service d'accueil se limite à la fourniture des clefs des appartements. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'EURL Milan aurait, au cours de la période en litige, proposé des prestations de nettoyage régulier des locaux, de fourniture de linge de maison et de réception dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle. Dès lors, le moyen doit être écarté.
13. En dernier lieu, l'EURL Milan n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les paragraphes 40 et 100 du BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 qui précisent le champ d'application des articles 260 D et du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts et qui ne comportent pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt.
Sur les pénalités :
14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
15. L'administration fait valoir l'importance des montants de taxe sur la valeur ajoutée éludée par l'EURL Milan et rappelle qu'elle a déclaré délibérément des offres non réalisées de prestations annexes par le dépôt d'une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du 1er trimestre 2008 alors qu'elle ne pouvait ignorer que ces prestations ne pouvaient être rendues matériellement, enfin, l'administration précise que l'EURL Milan a utilisé le montant du remboursement de taxe sur la valeur ajoutée rappelée pour financer un autre rappel de taxe sur la valeur ajoutée issu d'une opération de contrôle antérieure. Dans ces conditions, et compte-tenu de ce qui a été dit aux points 9 à 12 du présent arrêt, l'administration apporte la preuve du caractère délibéré du manquement de l'EURL Milan.
16. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Milan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'EURL Milan est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Milan et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Malingue, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2019.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No17NT03756