Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010.
Par un jugement n° 1501182 du 30 août 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 octobre 2017 et 23 octobre 2018, M. et MmeB..., représentés par la Selarl Avocats Partenaires, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les sommes perçues par M. B...au titre de la transaction conclue avec la société Batimmeuble sont exonérées en application du 1° de l'alinéa 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts dès lors qu'elles procèdent d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui a été déguisé en démission à la demande de l'employeur ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée s'agissant de l'avantage occulte dès lors qu'elle ne s'appuie que sur un seul terme de comparaison et que la nature, la consistance et la date du bail du terme de comparaison ne sont pas mentionnés ;
- l'administration fiscale ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un avantage occulte en l'absence de production d'éléments de comparaison des loyers pertinents ; le loyer initial a été fixé par un expert foncier puis révisé sur la base de l'indice de la construction ; la maison était soumise à des suggestions particulières imposées par le fait qu'elle constituait le siège social de 21 sociétés civiles dont la société Batimmeuble était le gérant statutaire ;
- les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts ne sont pas applicables hors de la période du 1er janvier au 31 janvier 2009 dès lors que M. B...n'était plus salarié depuis mars 2009 de la société propriétaire du bien.
Par deux mémoires, enregistrés les 13 mars 2018 et 7 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé et au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir que :
- conformément à la décision n°2016-610 QPC du 10 février 2017, un dégrèvement correspondant à la différence entre l'assiette majorée des contributions sociales supplémentaires prise sur le fondement de l'article 158-7 du code général des impôts et celle sur laquelle les rectifications doivent être assises est prononcé à hauteur, en droits et pénalités, de 1 064 euros ;
- les moyens présentés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M. et MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. Par propositions de rectification des 20 décembre 2011 et 4 janvier 2012, l'administration fiscale a remis en cause l'imposition partielle de l'indemnité transactionnelle perçue par M. B...à la suite de sa fin de fonctions de directeur technique de la société Batimmeuble et a estimé que M. et Mme B...ont bénéficié d'un avantage occulte, imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, consistant en la mise à disposition, à un loyer inférieur au prix du marché, d'une maison d'habitation appartenant à la société Batimmeuble. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les contributions sociales supplémentaires résultant de ces rectifications ont été mises en recouvrement le 31 juillet 2012 à hauteur, en droits et pénalités, s'agissant de l'impôt sur le revenu, de 4 531 euros au titre de l'année 2008, 34 442 euros au titre de l'année 2009 et 16 783 euros au titre de l'année 2010, et, s'agissant des contributions sociales, de 1 810 euros au titre de l'année 2008, 1 897 euros au titre de l'année 2009 et 1 823 euros au titre de l'année 2010. Après le rejet, par décision du 12 janvier 2015, de leur réclamation préalable, M. et Mme B...ont sollicité du tribunal administratif de Rennes la décharge de ces impositions. Ils relèvent appel du jugement du 30 août 2017 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 21 février 2018, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, de 1 064 euros au titre des contributions sociales des années 2008 à 2010. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur le caractère imposable de l'indemnité de 120 000 euros perçue en application de la transaction du 24 mars 2009 :
3. M.B..., qui a été embauché en 1975 par le service de gestion du diocèse de Rennes et disposait depuis 1981 de deux contrats de travail, l'un avec le service de gestion du diocèse de Rennes pour l'exercice de fonctions de secrétaire administratif puis d'économe et l'autre avec la société Batimmeuble pour l'exercice des fonctions de directeur technique, a reçu de la société Batimmeuble, au terme d'une transaction conclue le 24 mars 2009 avec l'association diocésaine de Rennes et la société Batimmeuble, une indemnité forfaitaire brute de 120 000 euros à l'occasion de la rupture de son contrat de travail. Alors qu'il n'avait déclaré qu'une fraction de cette indemnité, soit 60 128 euros, dans sa déclaration de revenus au titre des salaires perçus en 2009, l'administration fiscale a estimé que l'intégralité de cette indemnité était imposable. M. B...soutient qu'il a été contraint de démissionner et que le protocole d'accord s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que l'indemnité perçue n'est pas imposable en vertu du 1° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
4. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81 et des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : / 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail (...) ".
5. Il résulte de la réserve d'interprétation dont la décision nº 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité à la Constitution du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts que ces dispositions, qui définissent les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail bénéficiant, en raison de leur nature, d'une exonération totale ou partielle d'impôt sur le revenu, ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de l'exonération varie selon que l'indemnité a été allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une transaction. Il s'ensuit qu'en cas d'indemnité allouée en vertu d'une transaction, l'administration et, lorsqu'il est saisi, le juge de l'impôt doivent rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction.
6. À cet égard, les sommes perçues par un salarié en exécution d'une transaction conclue avec son employeur ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail, devenu l'article L. 1235-3 du même code, que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exonérées. La détermination par le juge de la nature des indemnités se fait au vu de l'instruction. Il incombe au juge de l'impôt d'apprécier, conformément à la jurisprudence établie du juge du travail et au vu de l'instruction, si le licenciement à l'origine des indemnités transactionnelles est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, dans l'affirmative, si les sommes versées correspondent en tout ou partie à une indemnisation au titre d'un tel licenciement.
7. Il ressort des éléments introductifs du protocole de transaction du 24 mars 2009 que, M. B...étant en total désaccord avec les orientations souhaitées dans le cadre de la réorganisation du diocèse par le nouvel archevêque et ne souhaitant pas poursuivre ses fonctions salariées de directeur des travaux de la société Batimmeuble à la suite du non-renouvellement de son mandat social à la tête de cette société, il " a entendu démissionner de ses fonctions tant au sein de la société Batimmeuble qu'au sein de l'association diocésaine de Rennes " et " a confirmé sa décision de cesser ses fonctions dans les deux structures par deux lettres recommandées AR en date du 9 mars 2009 ". Alors que M. B...fait valoir qu'il a été contraint de démissionner, il résulte de l'instruction que cette démission s'est effectivement inscrite dans un contexte où, ainsi qu'en attestent les lettres des 29 janvier 2009 et 2 février 2009 produites au dossier, les deux employeurs avaient entrepris des démarches pour le licencier en lui fixant un entretien préalable. Toutefois, en admettant même que la rupture de la relation de travail soit assimilable à un licenciement, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard à la nature du différend opposant M. B...à la société Batimmeuble, qui ne portait pas sur une modification du contrat de travail mais sur une modification des conditions de travail que le requérant aurait, selon ses propres termes, difficilement supportées, que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. L'indemnité transactionnelle qu'il a reçue était, dès lors, imposable sur le fondement du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
Sur l'avantage en nature occulte tiré résultant du loyer consenti par la société Batimmeuble pour le bien situé 3 rue Carnot à Rennes :
8. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c) les rémunérations ou avantages occultes ".
9. L'administration fiscale a estimé que M. et Mme B...avait bénéficié d'un avantage en nature occulte au sens du c de l'article 111 du code général des impôts dès lors que le loyer de la maison d'habitation de 156 m2 située 3 rue Carnot à Rennes que leur louait la société Batimmeuble était anormalement bas et inférieur au prix du marché. Toutefois, en se bornant à comparer le loyer acquitté, initialement fixé en 1982 par une décision du conseil de surveillance de la société et révisé sur la base de l'indice du coût de la construction, à un seul terme de comparaison, constitué par un appartement de 110 m2 loué dans une rue proche de la rue Carnot par la même société, l'administration fiscale ne rapporte pas, par la production de termes de comparaison pertinents en nombre suffisant, la preuve qui lui incombe de l'existence et du montant de l'avantage occulte ainsi consenti. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête quant à ce chef de rectification, ils sont fondés à obtenir la décharge des impositions correspondantes.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à leur charge sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts au titre de l'avantage en nature résultant du loyer du bien situé 3 rue Carnot à Rennes.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme B...au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. et Mme B...à hauteur de la somme de 1 064 euros au titre des contributions sociales des années 2008 à 2010.
Article 2 : M. et Mme B...sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010 correspondant à l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de l'avantage en nature occulte résultant du loyer consenti par la société Batimmeuble pour le bien situé 3 rue Carnot à Rennes.
Article 3 : le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 août 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Malingue, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2019.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. BatailleLe greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 17NT032712