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28/06/2019 | FRANCE | N°17NT01952

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 juin 2019, 17NT01952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Foncière du 23 rue Scandicci a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ainsi que d'une cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a

été assujettie au titre de l'année 2008.

Par un jugement no 1504104 du 25 avril 2017, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Foncière du 23 rue Scandicci a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ainsi que d'une cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008.

Par un jugement no 1504104 du 25 avril 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juin 2017 et 6 avril 2018, la SARL Foncière du 23 rue Scandicci, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge.

Elle soutient que :

- la rectification en matière d'impôt sur les sociétés portant sur la vente des locaux d'exploitation de l'hôtel n'est pas fondée ; si ces locaux ont été cédés pour un montant de 1 500 000 euros, ce prix, mentionné " pour mémoire " dans l'acte notarié du 27 mai 2008, a été converti d'un commun accord en l'obligation pour l'acquéreur de maintenir ces locaux à usage de services pendant une durée minimale de vingt ans ; les locaux d'exploitation n'ont aucune valeur intrinsèque dès lors qu'ils font l'objet d'une clause de cession pour un euro symbolique aux copropriétaires de l'immeuble au cas où l'acquéreur ne souhaiterait plus maintenir l'affectation de ces locaux à usage de services à l'issue de cette période de vingt ans ; compte tenu de sa situation financière et du montant du loyer qu'il doit verser aux propriétaires des chambres de l'hôtel, l'acquéreur n'aurait pas pu s'acquitter d'une telle somme ; la vente de ces chambres a permis la réalisation d'un profit de 4 596 604 euros, incluant nécessairement la vente des locaux d'exploitation, lesquels leur sont indissociables ; l'administration ne produit aucun justificatif permettant d'établir que le coût de ces locaux n'était pas intégré dans ce profit ; l'acquéreur ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, le tribunal de commerce a retenu l'offre de reprise d'un repreneur de l'immeuble en cause pour un montant de 520 000 euros, un montant très inférieur à celui retenu par l'administration ;

- s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, elle se prévaut de l'instruction administrative référencée 3 A-9-10 du 29 décembre 2010 ;

- s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, elle se prévaut du rescrit n° 2007/27 du 24 juillet 2007 ;

- le prix de vente taxes comprises n'était pas automatique ;

- le régime de la taxe sur la valeur ajoutée appliqué par l'administration ne prévoyant pas une option pour l'assujettissement à cette taxe est contraire aux dispositions de l'article 137 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; elle est en droit de solliciter la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge applicable dans la limite du redressement en vertu du droit de compensation ;

- elle conteste la cotisation de taxe professionnelle pour les mêmes motifs que ceux exposés pour les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés.

Par des mémoires, enregistrés les 19 décembre 2017 et 30 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Foncière du 23 rue Scandicci ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Foncière du 23 rue Scandicci, qui a pour objet social la promotion immobilière, l'achat et la revente de biens immobiliers, a acquis, par acte du 21 juin 2007, un immeuble à usage d'hôtel sur le territoire de la commune de Pantin (Seine-Saint-Denis) sous le régime des marchands de biens. Cet hôtel a été réhabilité et revendu par lots à des investisseurs, en ce qui concerne les chambres, et à la société hôtelière de Pantin, en ce qui concerne les locaux d'exploitation " à usage d'activité et de services ". La société requérante a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle, par proposition de rectification du 28 novembre 2011, l'administration fiscale lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008 et 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ainsi qu'une cotisation de taxe professionnelle au titre de l'année 2008. Les impositions supplémentaires résultant de ce contrôle ont été mises en recouvrement le 15 décembre 2014. Après le rejet, par décision du 26 octobre 2015, de sa réclamation préalable, la SARL Foncière du 23 rue Scandicci a sollicité auprès du tribunal administratif d'Orléans la décharge de ces impositions. Elle relève appel du jugement du 25 avril 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur l'impôt sur les sociétés :

2. La SARL Foncière du 23 rue Scandicci a, par acte du 27 mai 2008, cédé à la société hôtelière de Pantin des locaux d'exploitation destinés à accueillir les services spécifiques de l'hôtel pour un montant de 1 500 000 euros, majoré d'une taxe sur la valeur ajoutée sur la marge de 20 115 euros. Lors de la vérification de comptabilité, l'administration fiscale, constatant que la société requérante n'avait pas comptabilisé le produit de cette vente alors qu'elle a comptabilisé en charge la sortie de ces locaux de son stock pour un montant de 1 412 270 euros, a réintégré, dans les bases imposables de l'exercice 2008, le prix de vente des locaux en cause stipulé dans l'acte de vente.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation (...) ".

4. La SARL Foncière du 23 rue Scandicci soutient que les locaux d'exploitation de l'hôtel n'ont aucune valeur intrinsèque dès lors que le prix de vente, mentionné " pour mémoire " dans l'acte notarié du 27 mai 2008, a été converti en l'obligation pour l'acquéreur de maintenir ces locaux à usage de services pendant une durée minimale de vingt ans, que le non-respect de cette obligation entraînerait la cession de ces locaux pour un euro aux copropriétaires de l'immeuble et que le bénéfice qu'elle a réalisé sur la vente des chambres d'hôtels intégrait le coût des locaux d'exploitation qui leur sont indissociables. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'obligation mise à la charge de l'acquéreur constitue la contrepartie de la renonciation de la société requérante à percevoir le prix de vente convenu entre les parties. En effet, lors de l'acquisition de l'immeuble pour 10 159 792,51 euros, la SARL Foncière du 23 rue Scandicci a valorisé les locaux d'exploitation pour 1 412 270 euros. La revente des locaux d'exploitation pour 1 500 000 euros et le reversement par l'acquéreur de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge pour une somme de 20 115 euros étaient initialement prévus par la société requérante, ainsi qu'en atteste la consultation, lors de la vérification de comptabilité, par le service d'un document relatif au bilan financier de l'opération Mercure Pantin du 25 avril 2007. La SARL Foncière du 23 rue Scandicci ne produit aucun élément permettant d'établir que le prix de vente des locaux d'exploitation de l'hôtel était inclus dans le prix de vente des chambres. Les circonstances que l'acquéreur versait un important loyer aux propriétaires des chambres d'hôtel et que l'ensemble immobilier de cet établissement a été cédé, à la suite de la liquidation judiciaire de l'acquéreur, à un repreneur pour un montant de 520 000 euros sont sans incidence sur la valeur des locaux d'exploitation à la date à laquelle ils ont été cédés. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a réintégré la somme de 1 500 000 euros correspondant au prix de vente des locaux d'exploitation de l'hôtel dans le résultat imposable de la société requérante au titre de l'exercice clos en 2008 sur le fondement des dispositions de l'article 38 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. La SARL Foncière du 23 rue Scandicci ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction administrative référencée 3 A-9-10 du 29 décembre 2010 pour contester les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dès lors que cette instruction présente les règles applicables aux opérations immobilières en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

Sur la taxe professionnelle :

6. La SARL Foncière du 23 rue Scandicci conteste la réintégration dans ses bases imposables à la taxe professionnelle de la somme de 1 500 000 euros correspondant à la vente des locaux d'exploitation de l'hôtel en invoquant les mêmes moyens que ceux soulevés à l'encontre des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

7. La SARL Foncière du 23 rue Scandicci a vendu à des investisseurs privés, sous forme de lots, les 139 chambres de l'hôtel. Au cours de la vérification de comptabilité, l'administration fiscale a constaté qu'à l'occasion de la vente de ces chambres, l'acquéreur devait verser à la société requérante, en plus du prix de vente mentionnée dans l'acte, un montant de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, qui a été comptabilisé en produit exceptionnel et non compris dans la base imposable à cette taxe. L'administration a considéré, en application de l'article 268 du code général des impôts, que la mise à la charge des acquéreurs de cette somme constituait un complément du prix d'acquisition devant être assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions du 6° de l'article 257 de ce code. La SARL Foncière du 23 rue Scandicci soutient pour la première fois en appel que les dispositions du 6° de l'article 257 applicables jusqu'en 2010 étaient incompatibles avec les objectifs de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 en ce qu'elles soumettaient de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée les cessions d'immeubles bâtis anciens.

8. Aux termes de l'article 2 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : " 1. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d'un État membre par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 12 de cette directive : " 1. Les États membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel (...) notamment une seule des opérations suivantes : / a) la livraison d'un bâtiment ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation ; (...) 2. Aux fins du paragraphe 1, point a), est considérée comme " bâtiment " toute construction incorporée au sol.(...) ". Aux termes de l'article 135 de la même directive : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (...) j) les livraisons de bâtiments ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l'article 12, paragraphe 1, point a) (...) ". Aux termes de l'article 137 de la même directive : " 1. Les États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d'opter pour la taxation des opérations suivantes : (...) b) les livraisons de bâtiments ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que celles visées à l'article 12, paragraphe 1, point a) (...) ". Aux termes de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Sont (...) soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 6° Sous réserve du 7° : / a) Les opérations qui portent sur des immeubles (...) ".

9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le régime de taxation obligatoire prévu par les dispositions du 6° de l'article 257 du code général des impôts en vigueur jusqu'au 10 mars 2010, auquel la société requérante a été soumise, était incompatible avec les objectifs de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'il n'ouvrait pas aux opérateurs économiques réalisant des opérations de livraisons de biens exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du j) de l'article 135 de la directive précitée, d'option pour cette taxation, alors même que l'article 137 de la même directive n'impose pas aux Etats de prévoir un régime optionnel de taxe sur la valeur ajoutée mais leur en ouvre seulement la possibilité.

10. La SARL Foncière du 23 rue Scandicci en tant que marchand de biens a été soumis au régime prévu au 6° de l'article 257 du code général des impôts en vigueur jusqu'au 10 mars 2010 pour les opérations réalisées sur un immeuble ancien. Elle a été privée de la possibilité d'exercer l'option pour la taxation à la taxe sur la valeur ajoutée avant la transposition en droit interne, par l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 portant loi de finances rectificative pour 2010, de la directive du 28 novembre 2006, ce que le ministre de l'action et des comptes publics ne conteste pas. La société requérante est, par suite, fondée à obtenir la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Foncière du 23 rue Scandicci est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans ne lui a pas accordé, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

DÉCIDE :

Article 1er : La SARL Foncière du 23 rue Scandicci est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

Article 2 : Le jugement du 25 avril 2017 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Foncière du 23 rue Scandicci est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Foncière du 23 rue Scandicci et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Malingue, premier conseiller,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2019.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. BatailleLe greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 17NT019522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01952
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CHAMOZZI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-28;17nt01952 ?
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