Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...et Mme D... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 27 mars 2017 par laquelle le directeur de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) leur a retiré le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à compter du 23 janvier 2017 en application des dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un jugement n° 1702379 du 9 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision en tant qu'elle prend effet à compter du 27 mars 2017 et a enjoint à l'OFII de procéder au versement de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) aux intéressés au titre de la période du 3 février au 26 mars 2017 dans un délai de deux mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2018, M. E...et Mme D..., représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 janvier 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) d'annuler la décision du 27 mars 2017 dans son intégralité ;
3°) d'ordonner à l'OFII de leur verser la somme de 1 278 euros au titre de l'ADA ;
4°) de condamner l'OFII à leur verser la somme de 2 000 euros en réparation de leurs préjudices résultant de cette décision ;
5°) de mettre à la charge de l'OFII le versement à leur conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- Le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne MmeD... ;
- La décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit dès lors que Mme D...n'a commis aucune violence, ni manquement au règlement intérieur du CADA ;
- Cette décision est disproportionnée au regard des faits reprochés à M. E..., qui ne reposent que sur un seul mail de la police du 25 janvier 2017 et ne constituent pas un cas de violence volontaire au sens du règlement intérieur du CADA ; il n'a pas été tenu compte de sa situation de stress et de particulière vulnérabilité ;
- Le directeur du CADA ne pouvait les exclure du centre avant qu'ils aient eu la possibilité de s'expliquer même si l'OFII a confirmé rétroactivement cette décision.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à l'OFII pour lequel il n'a pas été produit de mémoire.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2018 tandis que la demande présentée par Mme D...au même titre a été rejetée par une décision du 2 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Lemoine.
Considérant ce qui suit :
1. M. E...et Mme D..., ressortissants bangladais qui ont déclaré être entrés en France le 3 décembre 2016, ont sollicité l'asile le 3 janvier 2017. A ce titre, ils ont accepté les conditions d'accueil proposées par l'OFII et ont été hébergés par le centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) Saint-François de Bourges à compter du 10 janvier 2017. Ils ont perçu la somme de 213 euros au titre de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) en janvier 2017. Le 24 janvier 2017, l'OFII les a informés que leur comportement violent dans la nuit du 23 au 24 janvier 2017 dans le cadre de cet hébergement était susceptible d'entraîner le retrait rétroactif du bénéfice des conditions matérielles d'accueil qui leur avaient été accordées et notamment de l'allocation pour demandeurs d'asile et les a invités à faire valoir leurs observations avant le 8 février 2017. Par courrier du 30 janvier 2017, le président de l'association Saint-François a mis fin immédiatement et définitivement à leur accueil au sein du CADA. Par une décision du 27 mars 2017, le directeur de l'OFII leur a retiré le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à compter du 23 janvier 2017 en application des dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement du 9 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision en tant qu'elle prenait effet à compter du 27 mars 2017 et a enjoint à l'OFII de procéder au versement de l'allocation pour demandeurs d'asile aux intéressés au titre de la période du 3 février au 26 mars 2017 dans un délai de deux mois. M. E...et Mme D... relèvent appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 janvier 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile (...) sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile par l'autorité administrative compétente (...). Les conditions matérielles d'accueil comprennent les prestations et l'allocation prévues au présent chapitre (...) ". Aux termes de l'article L. 744-8 du même code : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : (...) 2° Retiré (...) en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d'hébergement. (...) / La décision (...) prend en compte la vulnérabilité du demandeur (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 6 du règlement intérieur du CADA Saint-François de Bourges : " Afin de préserver la qualité de vie de tous, chaque résident doit conserver en tout temps et en tout lieu une attitude correcte et respectueuse des autres ". L'article 11 de ce même règlement dispose que : " L'exclusion du CADA peut être prononcée par la direction du centre pour les motifs suivants : - manquement grave au règlement intérieur ; - acte de violence à l'encontre des autres résidents ou de l'équipe du centre (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment de son courrier du 6 février 2017, que M. E...a reconnu avoir consommé de l'alcool le 23 janvier 2017 en fin de journée et avoir eu une altercation vive avec sa femme lorsqu'il est rentré au CADA. Selon l'attestation produite par une résidente du centre, auprès de laquelle son épouse s'était réfugiée, alors qu'elle dormait, M. E...est venu chercher sa compagne dans sa chambre " entièrement nu " devant sa fille de 8 ans et son enfant de 6 mois, en la tirant par les cheveux. Si lorsque la police est arrivée sur les lieux, ce dernier s'était calmé, il est constant qu'il était à l'origine de ce tapage nocturne qui a perturbé la vie des résidents du CADA qui accueillait alors soixante-six personnes. Si les requérants soutiennent que M. E...est le seul responsable de ces faits et que son épouse n'a commis aucun acte contraire au règlement intérieur du centre, il n'est pas contesté que les intéressés ont tous deux perturbé le fonctionnement du CADA par leurs cris et troublé le sommeil des autres résidents. Ils ont par ailleurs signé ensemble l'offre de prise en charge au titre du dispositif national d'accueil qui leur a été proposée, ont conjointement accepté les conditions matérielles d'accueil du CADA et ont chacun signé le contrat de séjour aux termes duquel ils se sont engagés à respecter le règlement de fonctionnement du CADA. Par suite, la circonstance que Mme D...ne soit pas à l'origine des nuisances occasionnées ne suffit pas à regarder la décision contestée comme entachée d'une erreur de droit. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de l'OFII n'aurait pas pris en compte la situation des intéressés, qui se sont ainsi retrouvés en raison des propres turpitudes du mari, sans hébergement fixe et sans ressources. Si les requérants soutiennent enfin que le directeur du CADA ne pouvait les exclure du centre avant qu'ils aient eu la possibilité de s'expliquer même si l'OFII a confirmé rétroactivement cette décision, ce moyen est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. M. E...et Mme D... demandent à la cour de condamner l'OFII à leur verser la somme de 2 000 euros en réparation de leurs préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 27 mars 2017. Ils ne contestent toutefois pas ne pas avoir adressé de réclamation préalable à l'OFII. Par suite, c'est à juste titre que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs conclusions indemnitaires comme étant irrecevables.
6. Il résulte de ce qui précède que M. E...et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
7. Il est constant que le tribunal administratif d'Orléans a enjoint à l'OFII de procéder au versement à M. E...et Mme D... de l'allocation pour demandeurs d'asile au titre de la période du 3 février au 26 mars 2017 dans un délai de deux mois. Par suite, le présent arrêt, qui rejette la requête de M. E...et Mme D... tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions de première instance, n'appelle aucune autre mesure d'exécution. En conséquence, les conclusions des intéressés tendant à ce qu'il soit ordonné à l'OFII de leur verser une somme complémentaire au titre de l'ADA, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. E...et Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E...et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...et Mme B... D...et à l'OFII.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02636