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11/06/2019 | FRANCE | N°18NT00223

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 11 juin 2019, 18NT00223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 15 janvier 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1600904 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande et a mis à sa charge le versement à MeD..., liquidateur judiciaire de la société Conception Etudes et Réalisations Mécaniques au sein de laquelle il travaillait, de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de jus

tice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 15 janvier 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1600904 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande et a mis à sa charge le versement à MeD..., liquidateur judiciaire de la société Conception Etudes et Réalisations Mécaniques au sein de laquelle il travaillait, de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2018, M. E..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 novembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 15 janvier 2016 ;

3°) de rejeter les conclusions présentées par Me D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de Me D...le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation dans la mesure où la cessation d'activité de la société Conception Etudes et Réalisations Mécaniques résulte de fautes de gestion commises par ses dirigeants.

Par un mémoire, enregistré le 7 janvier 2019, MeD..., en sa qualité de liquidateur de la société Conception Etudes et Réalisations Mécaniques, représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle se réfère à son mémoire de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... travaillait en qualité de tourneur au sein de la société Conception Etudes et Réalisations Mécaniques de Gasville Oisème (Eure-et-Loir). Il a été élu membre titulaire de la délégation unique du personnel et représentant des salariés dans le cadre de la procédure collective. Le 18 décembre 2015, alors que la société avait été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, MeD..., désigné en qualité de liquidateur de la société, a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder au licenciement de M.E.... Ce dernier a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2016 par lequel l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement. Il relève appel du jugement du 23 novembre 2017 du tribunal administratif rejetant sa demande et mettant à sa charge le versement à Me D...de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté la demande de M. E...tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2016 :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire. Il ne lui appartient pas, en revanche, de rechercher si cette cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causé cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail.

3. Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce : " La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens. (...) ". Dans le cas où le tribunal de commerce n'a pas autorisé de maintien de l'activité dans les conditions prévues à l'article L. 641-10 du même code, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire a pour effet la cessation totale et définitive de l'activité de l'entreprise. Il incombe toutefois à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement motivée par l'intervention d'un jugement de liquidation judiciaire, de tenir compte, à la date à laquelle il se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui seraient de nature à faire obstacle au licenciement envisagé. Si, notamment, la cession des droits et biens de l'entreprise s'est accompagnée d'une reprise, même partielle, de l'activité, dans des conditions impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, une telle circonstance fait obstacle au licenciement demandé.

4. Il est constant que par un jugement du 24 novembre 2015 le tribunal de commerce de Chartres a prononcé la liquidation judiciaire de la société Conception Etudes et Réalisations Mécaniques. Par un jugement du 26 novembre 2015, le même tribunal a autorisé la poursuite d'activité de cette société jusqu'au 22 décembre 2015 à 19 heures. Il ne ressort pas des pièces du dossier, que tout ou partie de l'activité de cette société aurait été prolongée au-delà de cette date. Par suite, le requérant ne peut utilement invoquer devant les juridictions administratives, qui ne se prononcent que sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail, les irrégularités comptables qui auraient été commises, selon ses allégations, par ses dirigeants et seraient à l'origine des difficultés financières de la société. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à la charge de M. E...une somme de 1 000 euros au titre des frais engagés pour l'instance :

6. Le jugement attaqué a mis à la charge de M. E...le versement à Me D...de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

7. Dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à la situation financière de l'intéressé, le tribunal administratif d'Orléans a fait une appréciation manifestement erronée des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, M. E...est fondé à solliciter l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MeD..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, le versement à M. E... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M.E..., le versement à Me D...de la somme qu'il demande sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1600904 du tribunal administratif d'Orléans en date du 23 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par Me D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à la ministre du travail et à Me B...D..., en sa qualité de liquidateur de la société Conception Etudes et Réalisations Mécaniques.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18NT00223


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00223
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET BEZARD GALY COUZINET CONDON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-11;18nt00223 ?
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