Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 décembre 2017 par laquelle les autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) ont rejeté sa demande de visa long séjour en qualité de conjoint de française ainsi que la décision du 27 avril 2018 par laquelle la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires et d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1806210 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 27 avril 2018 et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 octobre 2018 ;
2°) de rejeter la requête de M. B...devant le tribunal administratif de Nantes.
Le ministre soutient que c'est à bon droit que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu refuser de délivrer un visa de long séjour à M. B... en qualité de conjoint de français dès lors que le mariage qu'il a contracté avec Mme D... est entaché de fraude en l'absence de tout élément permettant de démontrer une relation amoureuse entre les intéressés avant ou après ce mariage.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2019, M. G...B..., représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête du ministre, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au consul général de France à Tunis de lui délivrer un visa de long séjour dans le délai de quinze jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, en reprenant les moyens qu'il a développés en première instance, qu'aucun des moyens soulevés par le ministre de l'intérieur n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...'hirondel,
- et les observations de MeF..., substituant MeE..., représentant M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant tunisien né le 8 janvier 1977, a sollicité le 22 novembre 2017 auprès des autorités consulaires françaises à Tunis un visa de long séjour afin de pouvoir s'établir en France après son mariage avec MmeD..., de nationalité française, célébré le 13 janvier 2017 à Limeil-Brévannes. Par une décision du 28 décembre 2017, les autorités consulaires ont refusé de lui délivrer ce visa. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté, le 27 avril 2018, le recours formé par M. B...à l'encontre de cette décision. A la demande de l'intéressé, le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 16 octobre 2018, a annulé la décision de la commission de recours du 27 avril 2018 et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer à M. B...un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Le ministre relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande. / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. / (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. (...) ".
3. Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.
4. Pour refuser de délivrer à M. B...le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce qu'il existait un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants attestant d'une absence de maintien des liens matrimoniaux et du caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale dans le seul but de faciliter l'établissement en France du demandeur dès lors qu'il n'était pas produit suffisamment de preuves probantes du maintien d'échanges réguliers et constants de quelque nature que ce soit entre les époux et qu'il n'était pas établi que le couple avait un projet de vie commune ni que M. B...participait aux charges du mariage selon ses facultés propres. Elle a également relevé que l'intéressé avait fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 27 juin 2016.
5. Il ressort des pièces du dossier que si M. B...déclare avoir rencontré pour la première fois Mme D...en 2008 lorsque cette dernière a travaillé en Tunisie pour un club de vacances et que leur relation amoureuse s'est ensuite concrétisée par leur mariage, il n'apporte au soutien de son allégation aucun élément de nature à permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé alors que le ministre de l'intérieur soutient, sans être utilement contredit, qu'elle travaillait à plus de 130 kilomètres du domicile de l'intimé. En outre, il résulte des énonciations du jugement du tribunal administratif de Melun du 5 octobre 2007 statuant sur l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 27 juin 2016 pris à l'encontre de M. B...portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français que, pour soutenir que cet arrêté était illégal pour porter une atteinte disproportionnée à sa vie familiale, l'intéressé fait valoir qu'il réside en France de manière effective et continue depuis sept années sans aucunement invoquer la présence de proches en France ou de projet de mariage, le jugement indiquant, au surplus, pour écarter le moyen, qu'il est célibataire et sans enfant. Si M. B...produit un contrat de location, des quittances de loyer et un contrat d'électricité établis à son nom et à celui de MmeD..., ces documents, en l'absence de toute autre pièce, ne sont pas à eux seuls suffisants pour établir l'effectivité d'une communauté de vie. M. B...n'a, au demeurant, jamais produit dans le cadre du débat contentieux, alors qu'il s'agit d'un des motifs retenus par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, le moindre document attestant, durant leur séparation, d'échanges réguliers et constants, tels des lettres ou des communications téléphoniques, de nature à démontrer l'intensité et la sincérité de son intention matrimoniale ainsi que sa participation, selon ses faculté propres, aux charges du mariage. Si Mme D...s'est rendue à deux reprises en Tunisie en janvier et mars 2018, M. B...ne justifie pas de sa rencontre avec son épouse alors qu'il n'est pas contesté celle-ci avait déjà effectué un voyage dans ce pays en 2013 alors qu'il résidait en France. Il n'apporte pas, en tout état de cause, la preuve d'un maintien continu des liens matrimoniaux. Enfin, le test de grossesse, dont la sincérité est contestée par le ministre, est dénué de toute valeur probante en l'absence de tout élément permettant de s'assurer de son authenticité. Il existe, ainsi, même s'il n'a pas été fait opposition au mariage de M. B...et de MmeD..., des indices concordants de nature à établir le caractère complaisant de ce mariage. Dans ces conditions, c'est sans erreur d'appréciation que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu estimer que l'intention de la communauté de vie entre les deux époux n'était pas démontrée. En l'absence d'établissement de l'intention matrimoniale, M. B...ne peut se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour annuler le refus de visa en litige, accueilli les moyens tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-1-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes.
7. En premier lieu, la décision du 27 avril 2018 de la commission de recours contre les refus de visa s'étant substituée à la décision du 28 décembre 2017 des autorités consulaires Françaises à Tunis, les conclusions à fin d'annulation de cette dernière décision sont irrecevables et ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
8. En second lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que celle-ci comporte la mention du nom et de la qualité de son signataire, le président DanielH..., accompagnée d'une signature manuscrite. Par un décret du 14 mars 2016, régulièrement publié au journal officiel de la République française le 16 mars suivant, M. C... H... a été nommé président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pour une durée de trois ans à compter du 2 avril 2016. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de sa séance du 26 avril 2018 au cours de laquelle elle a examiné le recours de M.B..., que la commission réunissait, outre son président, quatre de ses membres. Elle siégeait ainsi dans une composition conforme aux dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Au surplus, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que la décision de la commission indique le nom des membres qui ont siégé lors de sa séance. Il suit de là que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du vice de forme dont la décision, qui a été régulièrement signée par le président de la commission, serait entachée ne peuvent qu'être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à M. B...un visa de long séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
10. Le présent arrêt, qui annule le jugement du tribunal administratif de Nantes et qui rejette la demande de M.B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au consul général de France à Tunis de faire droit à sa demande de visa de long séjour doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, verse à M. B...la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par eux non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 octobre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M. B...ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. G...B....
Délibéré après l'audience du 20 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2019.
Le rapporteur,
M. I...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04169